Pas de droit de préférence du locataire commercial en cas vente de gré à gré d’un actif immobilier en liquidation judiciaire

14.03.2023

Gestion d'entreprise

La vente de gré à gré d’un actif immobilier en liquidation judiciaire ne donne pas lieu à l’exercice du droit de préférence de l’article L. 145-46-1 du code de commerce par le locataire commercial.

La cession d’un actif immobilier en liquidation judiciaire peut intervenir de gré à gré sur autorisation du juge-commissaire, sous certaines conditions (v. C. com., art. L. 642-18). En telle hypothèse, la Cour de cassation en déduit qu’une telle vente est une vente faite d’autorité de justice (Cass. com., 16 juin 2004, n° 01-17.185, Cass. 3è civ., 6 oct. 2010, n° 09-66.683), solution que la troisième chambre civile vient ici réaffirmer.

Par voie de conséquence, l’article L. 145-46-1 du code de commerce concernant l’hypothèse dans laquelle le propriétaire d’un local commercial ou artisanal envisage de vendre n’est pas applicable. Une telle vente ne peut donc donner lieu à l’exercice du droit de préférence par un locataire commercial (v. Déjà dans le même sens, Cass. com., 23 mars 2022, n° 20-19.174).

Au cas d’espèce, dans le cadre de la liquidation judiciaire d’une SCI ouverte le 13 mai 2005, le juge-commissaire avait autorisé le liquidateur à vendre un ensemble immobilier à une communauté de communes par ordonnance du 16 décembre 2016. L’acte notarié est dressé le 11 avril 2018, mais un bail commercial avait été consenti par le gérant de la SCI durant la liquidation judiciaire. Le preneur se prévalant de ce bail, et d’une offre d’achat adressée au liquidateur en 2009 pour un prix supérieur à celui de la vente, assigne le liquidateur et l’acquéreur pour obtenir, en réparation de la méconnaissance de son droit de préférence prévu par l’article L. 145-46-1 du code de commerce, d’être substitué à ce dernier.

La cour d’appel rejette ces demandes. Mais pour justifier sa décision, elle se place sur le terrain du dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire pour en déduire que le bail conclu par un débiteur postérieurement à sa liquidation judiciaire est inopposable au liquidateur. Et d’en déduire que le preneur ne pouvait se prévaloir d’un droit de préemption en l’absence d’occupation légitime.

Sans remettre en cause la solution, la troisième chambre civile de la cour de cassation substitue à ces motifs, un motif de pur droit : la vente de gré à gré d’un actif immobilier dépendant d’une liquidation judiciaire est une vente faite d’autorité de justice ; dès lors, les dispositions de l’article L. 145-46-1 qui concernent le cas où le propriétaire d’un local commercial ou artisanal envisage de vendre, ne sont pas applicables, de sorte qu’une telle vente ne peut donner lieu à l’exercice d’un droit de préférence par un locataire commercial.

Philippe Roussel-Galle, Professeur à l'université Paris Cité, membre du CEDAG

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