Portée de l'abrogation du dispositif transitoire de la loi dite « anti Perruche » selon la Cour européenne des droits de l'homme

24.02.2022

Droit public

La Cour européenne des droits de l'homme juge que la loi du 4 mars 2002 ne s'applique pas, en cas d'erreur fautive de diagnostic prénatal, à la demande de parents en indemnisation des charges résultant du handicap de leur enfant, né avant son entrée en vigueur, quelle que soit la date d'introduction de l’instance.

Par un arrêt du 3 février 2022, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré qu’en raison de l’abrogation par le Conseil constitutionnel des dispositions transitoires de la loi du 4 mars 2002, codifiées à l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles, la naissance d’un enfant handicapé avant l’entrée en vigueur de cette loi, alors que ce handicap n’avait pas été décelé pendant la grossesse en raison d’une faute de diagnostic prénatal, ouvre aux parents le droit de demander et d’obtenir une indemnisation des charges particulières résultant du handicap de leur enfant, bien que leur demande d’indemnisation soit postérieure à l’entrée en vigueur de ladite loi.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Nul doute que cet arrêt du 3 février 2022 fera date, en raison de son importance.

Faits et décisions internes

En l’espèce, un enfant, né en mai 2001, avait présenté à la naissance un ensemble de malformations désignées sous le terme de « syndrome de VATERL » se traduisant par une imperforation anale, des anomalies touchant les reins, une vertèbre et l’un de ses membres supérieurs, ainsi qu’une asymétrie faciale. Durant la grossesse, et compte tenu d’antécédents familiaux, un diagnostic prénatal approfondi avait été réalisé au sein d’un centre hospitalier public : trois échographies morphologiques et un test de dépistage de la trisomie 21. Mais aucune anomalie ne fut décelée. En septembre 2002, les deux parents obtinrent la désignation d’un expert qui, en 2004, conclut à une erreur de diagnostic prénatal résultant d’une mauvaise interprétation des échographies ayant privé la mère d’une information complète sur sa grossesse et son fœtus. En juin 2006, les parents, agissant en leur nom propre et pour le compte de leur enfant mineur, engagèrent une action en responsabilité pour faute contre le centre hospitalier devant le juge administratif. Ils demandèrent réparation de plusieurs préjudices : les préjudices extrapatrimoniaux de leur fils, leurs propres préjudices extrapatrimoniaux et patrimoniaux ainsi que les dépenses liées au handicap.

Dispositif légal

Ces actions indemnitaires posaient la question de l’application dans le temps des dispositions du I de l’article 1er de la loi du 4 mars 2002, entrées en vigueur le 7 mars 2002, puis codifiées à l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles par une loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Selon ces dispositions qui posent comme principe que « nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance », une action en responsabilité est possible « lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée ». « Les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale ». Ces dispositions étaient déclarées, avant leur abrogation en 2010 par le Conseil constitutionnel, « applicables aux instances en cours, à l’exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l’indemnisation ».

Application dans le temps de la loi du 4 mars 2002

Par un jugement rendu le 30 décembre 2008, le tribunal administratif d’Amiens écarte l’application au litige de ces dispositions légales au motif qu’en excluant du préjudice des parents les charges particulières découlant du handicap de l’enfant tout au long de sa vie, elles portent une atteinte disproportionnée aux créances en réparation que les parents d’un enfant né porteur d’un handicap non décelé avant sa naissance par suite d’une faute de diagnostic pouvaient légitimement espérer détenir sur la personne responsable avant l’entrée en vigueur de la loi. Considérant que ces dispositions, dites applicables aux instances en cours sous la seule réserve qu’elles n’aient pas donné lieu à une décision statuant irrévocablement sur le principe de l’indemnisation, étaient incompatibles avec l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention (protection du droit de propriété), le tribunal conclut qu’elles ne pouvaient recevoir en l’espèce application et admit la responsabilité pour faute du centre hospitalier, le condamnant à réparer, selon le droit commun, les préjudices subis tant par les parents que par leur enfant.

En appel, et après que le Conseil Constitutionnel eut rendu sa décision QPC n° 2010-2 du 11 juin 2010 abrogeant le dispositif transitoire de la loi du 4 mars 2002 (CASF, art., L. 114-5), la Cour d’appel administrative de Douai, par un arrêt du 16 novembre 2010, écarta à son tour l’application des dispositions transitoires de l’article L. 114-5 en se fondant sur la décision précitée du Conseil constitutionnel. Comme les premiers juges, elle admit la responsabilité du centre hospitalier vis-à-vis des parents. En revanche, elle écarta la réparation des préjudices propres à l’enfant en considérant que le handicap dont il était atteint était inhérent à son patrimoine génétique et sans lien de causalité avec la faute commise par le centre hospitalier.

Par un arrêt du 31 mars 2014, le Conseil d’État considéra toutefois, dans la ligne d’un précédent arrêt du 13 mai 2011, que l’article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles était applicable au litige car l’instance en réparation avait été introduite postérieurement au 7 mars 2002, date d’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 et il annula l’arrêt d’appel pour erreur de droit. Sur le fond, le Conseil d’État estima que, faute d’avoir engagé une instance avant le 7 mars 2002, les requérants n’étaient pas titulaires, à cette date, d’un droit de créance indemnitaire constitutif d’un bien au sens de l’article 1er du Protocole n° 1 à la Convention, considéré seul ou combiné avec l’article 14 de la Convention. Statuant ensuite sur la responsabilité du centre hospitalier, le Conseil d’État exclut toute indemnisation des préjudices propres à l’enfant. En revanche, il retint l’existence d’un lien de causalité directe et certaine entre les préjudices des parents et la faute commise par le centre hospitalier dans la réalisation des échographies qui, les ayant empêchés de déceler l’affection grave et incurable de l’enfant à naître, les avait privés de la possibilité de recourir à une interruption volontaire de grossesse dans les conditions légales. Relevant toutefois que les dispositions de l’article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles, jugées applicables en l’espèce, interdisent d’inclure dans le préjudice indemnisable des parents les charges particulières résultant du handicap de leur enfant, non détecté pendant la grossesse, il en déduisit que les frais liés au handicap de ce dernier ne pouvaient être mis à la charge du centre hospitalier, leur compensation relevant de la solidarité nationale, et que dès lors, seuls les préjudices personnels des parents (préjudice moral, troubles personnels dans leur conditions d’existence) pouvaient donner lieu à indemnisation.

C’est cet arrêt qui a conduit à la saisine de la CEDH et donné lieu à l’arrêt rapporté, en date du 3 février 2022.

Eléments préalables à la décision de la CEDH

La CEDH s’est trouvée saisie d’une requête des parents tendant à l’indemnisation des charges particulières résultant du handicap de leur enfant, alors que ce handicap n’avait pas été décelé pendant la grossesse en raison d’une faute commise dans l’établissement du diagnostic prénatal. Ils ont fait valoir que les nouvelles dispositions législatives, qui interdisent d’inclure de telles charges dans le préjudice indemnisable, entrées en vigueur après la naissance de leur enfant mais avant l’introduction de leur demande de réparation du préjudice subi, en tant qu’elles ont été jugées applicables au litige, selon eux de façon rétroactive, les privaient d’un droit à indemnisation en méconnaissance des articles 6 § 1, 8, et 14 de la Convention et de l’article 1er du Protocole n° 1.

Pour autant, la CEDH ne se prononce pas au fond sur l’ensemble de ces griefs car elle relève que les trois juridictions internes saisies par les requérants, si elles se sont bien prononcées sur ceux tirés de l’article 1er du Protocole n° 1 et de l’article 14 de la Convention,  n’ont pas en revanche été saisies des griefs tirés des articles 6 § 1 et 8 § 1 de la Convention et n’ont donc pu se prononcer sur ces derniers. Ces griefs sont dès lors jugés irrecevables, faute d’épuisement des voies de recours, en application de l’article 35 § 1 et 4 de la Convention.

C’est finalement sur la violation alléguée de l’article 1er du Protocole n° 1 à la convention que la CEDH se prononce, suffisante selon elle pour accueillir favorablement la demande des requérants et rendant inutile l’examen du grief tiré de la violation de l’article 14 de la Convention.

Divergences de jurisprudence

Mais avant de livrer son analyse, la CEDH prend soin, comme il est d’usage, de présenter l’ensemble du droit pertinent en la cause. A ce titre, et entre autres, elle rappelle les divergences de jurisprudence entre le Conseil d’Etat et la Cour de cassation.

D’abord depuis le fameux arrêt « Perruche » d’assemblée plénière de la Cour de cassation du 17 novembre 2000 par lequel celle-ci, après avoir admis la réparation du préjudice des parents, a clairement admis celle du préjudice de l’enfant lui-même dès lors que les fautes médicales de diagnostic commises ont empêché la mère d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse afin d’éviter la naissance d’un enfant atteint d’un handicap (jurisprudence confirmée par la suite). C’est du reste cette jurisprudence, en raison des critiques dont elle a pu faire l’objet, qui est à l’origine des dispositions précitées de la loi du 4 mars 2002. Telle n’était pas la position du Conseil d’Etat qui, notamment par son fameux arrêt « Quarez » du 17 février 1997, a écarté la possibilité d’indemniser l’enfant lui-même pour un handicap ne résultant pas d’une faute de diagnostic. Il a admis en revanche le droit aux parents de l’enfant atteint d’un handicap ou d’une affection non décelés pendant la grossesse d’obtenir réparation au titre des charges résultant de ce handicap tout au long de la vie de l’enfant.

Puis une nouvelle divergence est apparue entre le Conseil d’Etat et la Cour de cassation sur l’application du dispositif transitoire de la loi du 4 mars 2002, dite « anti Perruche », comme sur l’interprétation de la décision du Conseil constitutionnel du 11 juin 2010. Entretemps, la CEDH elle-même s’était prononcée par deux arrêts du 6 octobre 2005 (affaires « Draon » et « Maurice ») sur l’application de la loi du 4 mars 2002 aux instances en cours. Par ces arrêts, elle a condamné la France pour violation de l’article 1er du Protocole n° 1 à la Convention, admettant pour cela que ce texte, qui garantit le respect des biens, de la propriété, garantissait une créance de réparation des parents dont ils disposaient en application de la jurisprudence (judiciaire comme administrative) antérieure à la loi du 4 mars 2002 et qui leur ouvrait une espérance légitime d’obtenir la réparation intégrale des préjudices subis du fait du handicap de leur enfant. Or, cette espérance, selon elle, était rétroactivement remise en cause par la loi nouvelle qui excluait cette réparation dans le cadre des instances en cours. Toutefois, la CEDH n’a pas été au-delà et n’a pas condamné la France pour avoir voulu régler le problème par voie législative. Le cas réservé des instances en cours, elle a admis que « le législateur français pouvait organiser la prise en charge du handicap de l’enfant par la solidarité nationale plutôt que de laisser à la jurisprudence le soin de statuer sur des actions relevant du droit commun de la responsabilité ». Elle en a conclu que « le législateur n’avait pas outrepassé la marge d’appréciation importante dont il dispose en la matière ou rompu le juste équilibre à ménager ».

Ces arrêts de la CEDH, perçus comme une brèche dans l’édifice législatif destiné à contrecarrer l’essor de la jurisprudence « Perruche », ont conduit la Cour de cassation, en s’appuyant sur l’analyse de la CEDH, à amplifier sa jurisprudence en jugeant que les dispositions transitoires de la loi du 4 mars 2002 étaient non seulement inapplicables aux instances en cours mais aussi aux instances introduites après l’entrée en vigueur de la loi dès lors que la naissance de l’enfant était antérieure à celle-ci (Cass. 1re  civ., 30 oct. 2007, 8 juill. 2008).

Puis, par sa décision QPC du 11 juin 2010, le Conseil constitutionnel a lui-même censuré comme inconstitutionnelles les dispositions transitoires relatives à l’application de la loi du 4 mars 2002 aux instances en cours, non sans susciter une divergence de lecture de la portée abrogative de cette décision ; la Cour de cassation l’ayant comprise comme lui permettant de réitérer sa position selon laquelle la loi est inapplicable non seulement aux instances en cours mais aussi aux instances postérieures à son entrée en vigueur dès lors que l’enfant est né antérieurement à celle-ci (Cass. 1re civ., 15 déc. 2011), alors que le Conseil d’Etat a considéré que seule est inconstitutionnelle l’application immédiate de la loi aux instances en cours de sorte que le nouveau régime légal de responsabilité a vocation à s’appliquer à la réparation des dommages dont le fait générateur (naissance de l’enfant) est antérieur à la date d’entrée en vigueur de la loi dès lors qu’à cette date aucune instance n’a été engagée (CE, 13 mai 2011 ; v. notamment : D. Vigneau, « La guerre des « trois » aura bien lieu », D. 2012, p. 323).

Une décision importante

C’est dire dans l’espèce rapportée toute l’importance de la décision de la CEDH car, précisément, la naissance de l’enfant handicapé était antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 alors que l’instance en réparation du préjudice des parents résultant des charges liées au handicap de l’enfant n’a été engagée que postérieurement à l’entrée en vigueur de cette loi.

Analyse et décision de la CEDH

Dans la ligne de ses précédents arrêts du 6 octobre 2005, la CEDH considère qu’un requérant ne peut alléguer une violation de l’article 1er du Protocole n° 1 à la Convention que dans la mesure où les décisions litigieuses se rapportent à ses « biens » au sens de cette disposition. La notion de « biens » peut recouvrir tant des « biens actuels » que des valeurs patrimoniales, y compris, dans certaines situations bien définies, des créances. Pour qu’une créance puisse être considérée comme une « valeur patrimoniale » il faut que le titulaire de la créance démontre que celle-ci a une base suffisante en droit interne, résultant notamment d’une jurisprudence bien établie des tribunaux. Dès lors que cela est acquis, peut entrer en jeu la notion « d’espérance légitime ».

Une créance indemnitaire constitutive d’un « bien »

En l’espèce, la CEDH rejette l’argumentation du Gouvernement qui, s’appuyant sur la solution retenue par le Conseil d’État dans son arrêt du 31 mars 2014, soutenait que les requérants, faute d’avoir engagé une instance avant le 7 mars 2002, n’étaient pas titulaires à cette date d’une créance indemnitaire constitutive d’un « bien » au sens de la Convention. La CEDH considère au contraire, les conditions d’engagement de la responsabilité du centre hospitalier étant réunies et non contestées, que les requérants disposaient d’une créance d’indemnisation pour les frais liés à la prise en charge de l’enfant né handicapé s’analysant en une « valeur patrimoniale » qui aurait été ouverte, en droit commun interne, sans l’application des dispositions de l’article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles, à la date de survenance du dommage, à savoir en l’occurrence la naissance de l’enfant, et ce indépendamment de la date d’introduction d’une demande en justice tendant à la réparation de ce dommage. Les requérants détenaient donc bien, selon elle, une créance qu’ils pouvaient légitimement espérer voir se concrétiser, conformément au droit commun de la responsabilité pour faute, s’agissant d’un dommage survenu antérieurement à l’intervention de la loi litigieuse.

Inapplication de la loi du 4 mars 2002 à des faits nés antérieurement à son entrée en vigueur

Restait alors à déterminer si l’application en l’espèce des dispositions de l’article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles écartant l’indemnisation des charges liées au handicap constituait une ingérence légitime de la loi excluant une violation de l’article 1er du Protocole 1 à la Convention.  Sur ce point encore, la CEDH rejette l’argumentation du Gouvernement qui, s’appuyant sur l’arrêt du Conseil d’Etat du 31 mars 2014 et sur l’interprétation donnée au dispositif et aux motifs de la décision du Conseil constitutionnel du 11 juin 2010, soutenait que l’ingérence discutée était bien légale et légitime. La CEDH considère au contraire que tel n’était pas le cas de l’ingérence résultant de l’application, en l’espèce, des dispositions de l’article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles excluant l’indemnisation des frais liés à la prise en charge du handicap. Selon elle, la décision du Conseil constitutionnel, en ayant abrogé l’ensemble du dispositif transitoire de la loi du 4 mars 2002 (repris dans l’article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles), a laissé immédiatement place à l’application des règles de droit commun relatives à l’application de la loi dans le temps. En outre, selon la CEDH, la divergence entre l’interprétation retenue par le Conseil d’État de la volonté du législateur et de la portée de l’abrogation prononcée par le Conseil constitutionnel (CE, 13 mai 2011, précit.) et celle retenue par la Cour de cassation (Cass. 1re civ., 15 déc. 2011, précit.) ne permet pas de considérer que la légalité de l’ingérence résultant de l’application en l’espèce de l’article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles pouvait trouver un fondement dans une jurisprudence constante et stabilisée des juridictions internes.

La CEDH en déduit qu’en l’absence d’autre disposition législative le prévoyant expressément, l’article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles ne saurait être appliqué à des faits nés antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, quelle que soit la date d’introduction de l’instance, en vertu des règles de droit commun relatives à l’application des lois dans le temps. Considérant qu’il y a eu en l’espèce violation de l’article 1er du Protocole n° 1 à la Convention, elle accueille favorablement la requête des parents de l’enfant handicapé, né avant l’entrée en vigueur de cette loi.

La position de la Cour de cassation confortée par la CEDH

On peut observer que la CEDH conforte ainsi la position adoptée par la Cour de cassation qui avait déjà jugé, avant même l’abrogation des dispositions transitoires de la loi du 4 mars 2002 par le Conseil constitutionnel, que ces dispositions étaient non seulement inapplicables aux instances en cours mais aussi aux instances introduites après l’entrée en vigueur de la loi dès lors que la naissance de l’enfant était antérieure à celle-ci (Cass. 1re  civ., 30 oct. 2007 ; 8 juill. 2008). Quant au Conseil d’Etat, sa position sur la question de l’indemnisation des parents pour les charges liées au handicap d’un enfant né avant l’entrée en vigueur de la loi et non décelé pendant la grossesse devrait à l’avenir s’aligner sur celle de la CEDH comme sur celle, finalement, de la Cour de cassation.

Des questions restant à clarifier

Reste toutefois à la CEDH à clarifier la question de l’indemnisation du préjudice de l’enfant lui-même, né handicapé avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002. On sait que la Cour de cassation est favorable au principe même de cette indemnisation, et de façon solennelle depuis le fameux arrêt « Perruche ». Telle n’a pas été la position du Conseil d’Etat, du moins dans son fameux arrêt « Quarez ». Quant à la question éthique posée par l’indemnisation du préjudice de naissance handicapée, elle reste entière et tout ce contentieux montre qu’elle n’est pas simple à résoudre, même pour le législateur.

Daniel Vigneau, Agrégé des facultés de droit, professeur à l'université de Pau et des Pays de l'Adour, conseiller scientifique honoraire du DP Santé, bioéthique, biotechnologies
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