Précisions sur la domiciliation des étrangers sans domicile stable

23.08.2016

Droit public

Dans une instruction du 10 juin 2016, le ministre des affaires sociales précise le champ d'application du nouveau dispositif de domiciliation, issu de la loi Allur et des décrets d'application du 19 mai 2016. Il envisage quelques situations propres à certaines catégories d'étrangers.

Alors que la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 (dite loi ALUR) a unifié les régimes de domiciliation, ce n’est que le 19 mai 2016 que trois décrets ont été publiés afin que le dispositif puisse enfin être mis en œuvre. Le décret n° 2016-633 a ainsi abrogé toutes les dispositions relatives à la domiciliation des personnes éligibles à l’aide médicales de l’État, le décret n° 2016-641 fixé les modalités de mise en œuvre du nouveau dispositif et le décret n° 2016-632 envisagé la condition de « lien avec la commune de domiciliation », exigée pour être éligible au dispositif.
 
Datée du 10 juin 2016 et publiée au cours de l’été, une instruction du ministre des affaires sociales et de la santé fait finalement le point sur le dispositif mis en place et apporte des précisions sur sa portée. Les étrangers sont également visés par le texte, dans certaines situations bien spécifiques.
Droit à la domiciliation des personnes en situation irrégulière
Le troisième alinéa de l’article L. 264-2 du code de l’action sociale et des familles exclut du droit à la domiciliation les personnes non ressortissantes « d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, qui n’est pas en possession d’un des titres de séjour prévus au titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ».
 
Le législateur a toutefois prévu trois exceptions à ce principe en cas :
 
- de demande déposée en vue de solliciter l’aide médicale d’État ;
 
- de demande déposée en vue de solliciter le bénéficie de l’aide juridictionnelle ;
 
- d’exercice d’un droit civil reconnu par la loi.
 
Compte tenu du caractère très général de cette troisième condition, susceptible d’être la source de nombreuses difficultés d’interprétation, l’instruction précise ici qu’il s’agit de « l’ensemble des prérogatives attachées à la personne qui nécessitent la déclaration d’une adresse ».
 
Cela concerne donc « les droits extrapatrimoniaux liés à l’état de la personne (mariage, décès, adoption, tutelle, etc.) pour l’exercice desquels la domiciliation est nécessaire, notamment afin d’effectuer la publicité de certains actes ou d’en accomplir d’autres », mais aussi l’accomplissement d’actes d’administration et de disposition, d’ouverture de compte bancaire, pour lesquels un domicile est nécessaire, ou encore l’action et la défense en justice.
 
La circulaire précise également que l’article L. 264-2 « ne signifie pas […] que les organismes chargés de la domiciliation doivent contrôler le droit au séjour des personnes qui s’adressent à eux ».
Conditions de domiciliation des demandeurs d’asile et des réfugiés sans domicile stable
S’intéressant à la situation des demandeurs de protection internationale, l’instruction du 10 juin 2016 rappelle que « les règles relatives à la domiciliation généraliste ne sont pas applicables aux procédures de domiciliation des étrangers qui sollicitent l’asile en application de l’article L. 741-1 » du Ceseda, le législateur ayant entendu maintenir un dispositif spécifique de domiciliation pour les demandeurs d’asile.
 
Dans ce cadre, si, avant le dépôt de sa demande d’asile, un demandeur a été domicilié dans le cadre du dispositif de droit commun, il doit alors « informer l’organisme domiciliataire dès lors qu’il est domicilié au titre de l’asile, afin d’éviter une multi-domiciliation ».
 
Dans l’hypothèse où le demandeur accède au statut de réfugié ou bénéficie d’une protection subsidiaire, il reste domicilié dans le cadre du dispositif spécifique pour une période maximale de trois mois à compter de la date de notification de la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ou de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Ce n’est qu’à l’issue de cette période, qui peut être exceptionnellement prolongée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), qu’il relèvera du dispositif de droit commun, s'il en fait la demande.
 
La personne déboutée pourra quant à elle bénéficier d’une domiciliation de droit commun si elle se trouve dans un des cas visés par le troisième alinéa de l’article L. 264-2 du code de l’action sociale et des familles. L’instruction précise, à cet égard, qu’il convient alors « d’éviter toute rupture de droits ».
L’exigence de l’existence d’un lien avec la commune
Dans son instruction, le ministre insiste sur la nécessité d’une application homogène du critère d’existence d’un lien avec la commune (condition prévue à l’article R. 264-4 du code de l’action sociale et qui constitue le seul motif opposable de refus de domiciliation) par les centres communaux d’action sociale (CCAS), afin d’éviter que des pratiques différentes « induisent des effets de concurrence négatives qui [seraient] de nature à mettre en cause l’équilibre global du dispositif ». Ainsi, il appartient aux préfets « de favoriser les échanges de pratique sur le territoire ».
 
Alors que le décret n° 2016-632 du 19 mai 2016 précise déjà que le lien avec la commune est indépendant « du statut ou du mode de résidence », le guide de la domiciliation, annexé à l’instruction, ajoute que la condition de séjour se substitue ainsi à la notion d’installation sur le territoire. Aussi, le terme de séjour doit être entendu de façon large et ne « saurait être évidemment réduit au seul fait d’habiter dans un logement sur le territoire de la commune ». Le demandeur peut dès lors séjourner sur le territoire avec un statut d’occupation, « même précaire ou inadéquat (mobile-home, voiture) » ou « sans statut d’occupation (squat, bidonville, etc.) ». Ainsi, les personnes sans logement vivant dans la rue ou dans un espace public « séjournent » au sens des dispositions précitées, sur le territoire de la commune et justifient, de ce fait, d’un lien suffisant avec la commune.
 
En revanche, l’instruction n’apporte aucune précision sur les quatre motifs de dérogations prévus par l’article R. 264-4, lesquels sont suffisamment précis.
 
Enfin, à supposer que le demandeur ne remplisse aucun des critères, l’instruction précise que le maire pourra toutefois déroger aux conditions posées par les textes dès lors qu’il apparaît que « des facteurs d’âge, de santé ou de vulnérabilité semblent la rendre nécessaire ». Ainsi, en raison de la réserve de pouvoir discrétionnaire dont dispose le maire, le contrôle de légalité pourra également porter sur l’erreur manifeste d’appréciation lorsque le demandeur ne remplira pas strictement les conditions.
 
La perte du lien avec la commune entraîne radiation de la domiciliation.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Christophe Pouly, avocat
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