Prise de rendez-vous en préfecture : passer par internet n'est pas obligatoire

05.12.2019

Droit public

Pour le Conseil d'État, même si l'administration prévoit un mode de saisine par voie électronique, les administrés peuvent la saisir par tout autre moyen. Les étrangers souhaitant prendre rendez-vous dans les préfectures n'ont ainsi pas l'obligation de passer par le téléservice prévu à cet effet.

Bien que rejetant la demande des organisations requérantesle Conseil d’État, par une décision du 27 novembre 2019, vient enfin de répondre, après plusieurs années de blocage, aux graves dysfonctionnements concernant la mise en place d’un système de prise de rendez-vous par voie électronique. Une plateforme internet dont la mise en œuvre aboutissait, dans certains départements (en Seine-Saint-Denis par exemple), à l’impossibilité de prendre rendez-vous pour le dépôt d’une première demande ou d'une demande de renouvellement de titre de séjour. 
Remarque : cette modalité de prise de rendez-vous résulte du décret n° 2016-685 du 27 mai 2016. Les associations en avaient en vain réclamé la modification et attaquaient le refus implicite du ministre de faire droit à leur demande. 
Il appartient désormais au ministre chargé de l’immigration ou aux préfets (qui peuvent en décider par voie d’arrêté) de prévoir des modes alternatifs de prise de rendez-vous pour que le principe énoncé par le Conseil d’État puisse être effectif.  
L’utilisation du téléservice n’est pas obligatoire 
En effet, comme le rappelle le Conseil d’État, les articles L. 112-8, L. 112-9 et L. 112-10 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA) créent « un droit, pour les usagers, à saisir l'administration par voie électronique », sauf lorsque « des considérations tenant à l'ordre public, la défense et la sécurité nationale ou la bonne administration » y font obstacle ou « lorsque la présence personnelle du demandeur est nécessaire ».  
 
Mais ce droit reconnu aux administrés dans les conditions ainsi précisées, n’est pas pour autant une obligation. En tout cas, la circonstance que l’administration soit autorisée à utiliser un téléservice pour traiter les demandes « n'a pas pour objet et ne saurait avoir légalement pour effet de rendre obligatoire la saisine de l'administration par voie électronique ». 
 
Dit autrement, lorsque l’administration met en place un dispositif de prise de rendez-vous ou de saisine par voie électronique, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que l’administré ait recours à un autre moyen.  
Remarque : c’est là une question de bon sens. Le mode de saisine par voie électronique a pour but de simplifier les démarches administratives, d’un côté, et le traitement des demandes, de l’autre. Sce mode de saisine empêche l’administré d’avoir accès au service public administratif, ce dernier devrait nécessairement être en mesure de pouvoir accéder au service par un autre moyen 
Dans ces conditions, comme le souligne le Conseil d’État, il n’est pas besoin qu’une disposition réglementaire prévoit expressément qu’il en soit ainsi, de manière facultative. 
 
En ce sens, un tel dispositif ne méconnait ni les principes constitutionnels d'égalité d'accès au service public, de continuité du service public et d'égalité devant la loi, ni le principe de non-discrimination garanti par l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’Homme ni, enfin, le droit à la compensation ouvert aux personnes handicapées par les articles L. 114-1 et L. 114-1-1 du code de l'action sociale et des familles. 
Remarque : encore faut-il que l’administration mette en place un autre mode de saisine. Or, les étrangers n’ont pas accès aux préfectures s’ils ne présentent pas de convocations délivrées à partir du téléservice et les demandes de rendez-vous par voie postale ne sont pas traitées, sauf modalités expressément prévues par arrêté préfectoral. 
 mais la saisine par voie électronique doit en respecter les contraintes 
En revanche, si l’administré choisit de saisir l’administration par voie électronique, il doit obligatoirement utiliser le téléservice dédié. Il ne peut pas procéder à cette saisine par un autre moyen 
 
C’est ce qui ressort clairement de l’article L. 112-9 du CRPA, qui précise que lorsque l’administration « met en place un ou plusieurs téléservices[elle] rend accessibles leurs modalités d'utilisation, notamment les modes de communication possibles. Ces modalités s'imposent au public. Lorsqu'elle a mis en place un téléservice réservé à l'accomplissement de certaines démarches administratives, une administration n'est régulièrement saisie par voie électronique que par l'usage de ce téléservice ». 
 
Des dispositions qui ne doivent donc pas être interprétées comme créant un mode obligatoire et exclusif de saisine de l’administration.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Christophe Pouly, avocat
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