Quand la loi renforçant la lutte contre le terrorisme s'immisce dans la vie des détenus...

10.06.2016

Droit public

La loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale édicte plusieurs dispositions concernant les services pénitentiaires et la vie des détenus.

La loi du 3 juin 2016 (JO, 4 juin) renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale entend renforcer l’efficacité de la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme en donnant aux juges et aux procureurs de nouveaux moyens d’investigation. En outre elle édicte plusieurs dispositions concernant les services pénitentiaires. Si pour l’essentiel elles visent des activités de renseignement pénitentiaire, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, plusieurs d’entre elles concernent d’autres domaines.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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SPIP et transmission du bulletin n°1 du casier judiciaire

Ainsi le dernier paragraphe de l’article 78 de la loi, modifiant l’article 774 du code de procédure pénale (CPP), consacre la possibilité d’adresser au directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation un bulletin n° 1 du casier judiciaire, comme aux greffes des établissements pénitentiaires, afin de lui permettre de mieux individualiser les modalités de prise en charge d’une personne condamnée, et en particulier de mieux préparer les propositions d’aménagements de peine ou de libération sous contrainte.

Extension des possibilités de téléphoner pour les détenus

L’article 63 modifie l’article 145-4 du CPP en élargissant aux détenus prévenus la possibilité de téléphoner à un tiers avec l’autorisation du juge d’instruction, ou celle du président de la chambre de l’instruction ou du procureur de la République selon les moments de la procédure.

Part disponible des détenus

L’article 105 insère deux nouveaux alinéas après le premier de l’article 728-1 du CPP, permettant à l’administration pénitentiaire de faire des retenues sur la part disponible des détenus, en réparation des dommages qu'ils auraient causés et de verser au Trésor les sommées trouvées en leur possession irrégulière. Les modalités de ces retenues seront précisées par décret. Il faudra donc attendre ce texte pour mesurer toute l’étendue de cette nouvelle disposition.

Remarque : cet article a été intégré au texte de la loi suite à la décision du Conseil d'État du 10 février 2016 (lire ici). Dans cette affaire, les Hauts magistrats annulaient le refus implicite d'abroger les dispositions réglementaires de l'article D. 332 du code de procédure pénale, aux termes desquelles le chef d’un établissement pénitentiaire pouvait procéder à des retenues sur la part disponible au profit du Trésor public, en réparation des dommages matériels causés par les détenus ou en cas de découverte sur le détenu de sommes possédées irrégulièrement. Pour le Conseil d'État, le pouvoir réglementaire n'est pas compétent pour autoriser une privation du droit de propriété des détenus. Le nouvel article 728-1 du CPP donne ainsi un fondement légal à cette retenue.
Fouille et prise en charge en unité dédiée

L��article 111 modifie l’article 57 de la loi pénitentiaire, s’agissant de la réglementation des fouilles des détenus. Désormais le chef d’établissement pourra, en cas de « raisons sérieuses de soupçonner l’introduction [...] d’objets ou de substances interdits ou constituant une menace pour la sécurité des personnes et des biens » ordonner des fouilles « indépendamment der la personnalité des personnes détenues ». Modification importante qui permet des fouilles envers un ensemble de détenu sans qu’ils puissent faire l’objet de suspicions personnalisées, quand bien-mêmes elles doivent être « strictement nécessaires et proportionnées » et spécialement motivées. Ceci répond à une demande constante d’une grande partie des personnels pénitentiaires qui considérait la version initiale de l’article 57 trop restrictive. Les possibilités de pratiquer des fouilles sont maintenant nettement élargies.

Enfin l’article 19 légalise la possibilité de placer des détenus dans une unité dédiée à des modalités de prise en charge spécifique. Il s’agit là de donner une base légale à l’expérimentation en cours de regroupement de certains détenus radicalisés dans des quartiers spécifiques.

Philippe Pottier, ancien directeur de l'École nationale d'administration pénitentiaire (Enap)
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