La cour administrative d'appel de Versailles considère qu'un logiciel de compression d'images intégré dans un dossier médical numérique autonome n'est pas un dispositif médical.
Par une décision du 12 janvier 2015, l’ANSM a suspendu la mise sur le marché du dispositif de stockage numérique Infocament, et de son module intégré de compression d’images, jusqu’à leur mise en conformité à la réglementation des dispositifs médicaux.
Saisi d’un recours pour excès de pouvoir par le fabricant du dispositif (la société Cira), le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a confirmé la légalité de la décision de police édictée par l’agence (TA Cergy-Pontoise, 20 avr. 2017, n° 1501966).
Appel ayant été interjeté par la société requérante, la cour administrative d’appel de Versailles annule le jugement et la décision de l’ANSM, considérant que le logiciel en cause n’est pas un dispositif médical, dans la mesure où ses fonctionnalités sont limitées à la compression, au stockage et la transmission de données issues du dossier médical du patient.
Une décision fondée sur un arrêt de la CJUE
Selon le juge de l’Union, un logiciel dont l’une des fonctionnalités permet l’exploitation à des fins médicales de données propres à un patient constitue, pour ce qui est de cette fonctionnalité, un dispositif médical, même si ce logiciel n’agit pas directement dans ou sur le corps humain. Il en va de même des modules d’un logiciel médical qui, sans remplir cette condition, constituent des accessoires de modules qui répondent à la définition de dispositif médical.
En revanche, un module comprenant un logiciel qui, tout en ayant vocation à être utilisé dans un contexte médical, a uniquement pour finalité d’archiver, de collecter et de transmettre des données, n’est pas un dispositif médical, dès lors qu’il n’opère pas un traitement individualisé de données médicales au bénéfice du patient.
En l’occurrence, Infocament est un dispositif électronique mobile, à usage individuel, destiné à stocker une grande quantité d’images médicales au moyen d’un logiciel de compression (waaves). Alors que le format classique JPEG découpe une image numérique en une multitude de petits blocs (les pixels), la technologie waaves repose sur un algorithme de traitement permettant d'éviter la pixellisation, ce qui a pour avantage de réduire le poids des fichiers sans altérer la qualité des images. Ce module de compression implique l’utilisation combinée d’un logiciel de visualisation capable de lire et d’afficher les images, ces modules étant intégrés, avec d’autres (un module de protection notamment), au sein du dispositif mobile commercialisé sous forme de clé USB.
L’Infocament a été mis sur le marché par la société Cira en tant que dispositif médical de classe I. Or, l’ANSM a estimé que ce produit ne répondait pas à la définition de dispositif médical et n’avait pas à revêtir de marquage CE, dès lors qu’il se borne à gérer et archiver des données issues du dossier médical du patient.
Elle a néanmoins considéré que le logiciel de compression et de visualisation d’images waaves, lequel est dissociable du dispositif Infocament, est présenté par son fabricant avec une finalité de diagnostic médical et doit ainsi être regardé comme un dispositif médical de classe IIa.
A défaut d’avoir observé la procédure de certification adéquate, la société Cira a donc fait l’objet d’une décision suspendant la mise sur le marché de son dispositif.
Si elle a été suivie en première instance, l’interprétation de l’ANSM a été infirmée en appel. La cour administrative d’appel de Versailles a en effet considéré que le logiciel de compression d’images waaves ne saurait être regardé comme un dispositif médical, dès lors que ses fonctionnalités sont limitées à la compression, au stockage et la transmission de données nécessaires à un diagnostic, sans qu’il effectue une action sur ces données ou participe de manière active à un diagnostic médical.
Une affaire qui suscite des questions technologiques
Force est de reconnaître que cette affaire pose une question technologique qui n’est pas simple pour les profanes. Des lignes directrices sont pourtant censées aider les parties prenantes lorsqu’un tel problème d’interprétation survient (Guide Meddev 2.1/6 : « Guidelines on the qualification and classification of stand alone software used in healthcare within the regulatory framework of medical devices », juill. 2016).
La première question est de savoir si le logiciel opère une action sur les données différentes de celles du stockage, de l’archivage et de la compression ? Autrement dit, dans quelle mesure le traitement algorithmique des images médicales procède, ou non, à une action de calcul, de comparaison ou de quantification des données du patient. La seconde question concerne la destination du dispositif : implique-t-il une finalité médicale consistant en un diagnostic ou une aide au diagnostic d’une maladie ? En introduisant la notion de participation active à la fonction diagnostique, la cour administrative semble apporter des nuances à la notion d’aide au diagnostic.
Comme on peut le constater, la sophistication croissante des fonctions développées par des logiciels informatiques intégrés dans des dispositifs utilisés dans le domaine de la santé expose à de sérieuses difficultés d’interprétation. Celles-ci expliquent notamment la mise en place d’une procédure précontentieuse, impliquant la saisine du Groupe de coordination en matière de dispositifs médicaux (MDCG), créé par le règlement (UE) 2017/745 du 5 avril 2017, dont l’entrée en application est prévue pour le 26 mai prochain.
Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.
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Jérôme Peigné, Professeur à l'université de Paris (Institut droit et santé)