Quatre projets impactant la vie des juristes en situation de handicap primés à la soirée «Tech for legal accessibility»

Quatre projets impactant la vie des juristes en situation de handicap primés à la soirée «Tech for legal accessibility»

22.06.2022

Gestion d'entreprise

Retranscription de visioconférences pour les étudiants malentendants, un Doctolib du droit, des produits numériques accessibles et une plateforme de contenus innovants sur des sujets engagés. Le 12 mai, quatre projets ont été récompensés lors de la soirée de charité organisée par le Cercle Montesquieu, l’association Droit comme un H ! et Microsoft France. Rencontre avec les lauréats et Laure Lavorel, présidente du Cercle Montesquieu.

Au départ, ils étaient 28 candidats à concourir pour l’appel à projets* lancé par le Cercle Montesquieu, l’association Droit comme un H ! et Microsoft France. « Après plus de deux heures de débats passionnés et enflammés » entre les onze membres du jury** reçus à la maison du Barreau lors d’un déjeuner donné par la bâtonnière, Julie Couturier, quatre projets ont été récompensés le 12 mai dernier, à l’occasion d’une grande soirée de charité organisée au collège des Bernardins. « Le Prix Goncourt de l’accessibilité ! », se remémore Laure Lavorel, présidente du Cercle.

Les candidats avaient un défi à relever : présenter un projet ayant un « impact positif sur la formation, l’emploi et l’usage du numérique au profit des professionnels du droit et plus particulièrement des juristes en situation de handicap ». 

Comment les projets des lauréats seront-ils soutenus ? « Trois d’entre eux ont reçu une bourse de 10 000 € et les quatre bénéficieront d’un soutien personnalisé : sessions de coaching, accès à un carnet d’adresses, aide sur un plan stratégique, communication, tech ou juridique, etc. », explique Laure Lavorel.

« Deux étudiants malentendants ont déjà convaincu leurs professeurs » (Lazare Rossilon, Spoke)

« Le sujet de l’inclusivité nous tient à cœur », raconte Lazare Rossilon, fondateur de la société Spoke, et heureux lauréat du prix « Étudiant ». Après 4 années de droit, Lazare décide d’étudier l’informatique à l’École 42. Pendant la crise sanitaire, il fait le constat que « le matériau des discussions en visioconférence disparait ». Il a donc l’idée de créer un outil qui permet de retranscrire les conversations à l’écrit pour pouvoir les retrouver plus tard et en extraire la substantifique moëlle grâce à l’intelligence artificielle.

« Aujourd’hui, l’outil est intégré à Zoom, Teams et Google Meet ». Effectivement, Lazare nous fait tester l’outil en direct après notre interview réalisée en visio. Nous retrouvons le contenu écrit de notre conversation dans un dossier dès la fin de nos échanges. Dans un espace de travail personnel, l’utilisateur récupère les vidéos dans un dossier avec leur retranscription. Il peut se déplacer dans le texte, rechercher des mots-clés, indexer le contenu …

L’objectif : vendre la solution à des écoles et des Universités afin de rendre les cours plus accessibles aux étudiants en situation de handicap. « Deux étudiants malentendants inscrits à l’Université de Nanterre et à l’école de commerce Iscae à Nice ont déjà convaincu leurs professeurs d’accepter d’enregistrer leurs cours en visioconférence via notre outil ». A quel tarif ? « Les étudiants peuvent s’abonner pour 30 € par mois, avec un essai gratuit possible ». Les entreprises peuvent aussi acheter la solution, au même prix. « L’entreprise paiera 30 € pour chaque utilisateur qui crée des vidéos et les enregistre ».

Accompagnée durant un an par le cabinet d’avocats Skadden, l’équipe de Lazare souhaite profiter de ce soutien de taille pour « s’améliorer sur le volet de la confidentialité des données ». Un sujet primordial pour la profession, que Lazare souhaite à terme, conquérir.

Si je peux aider des salariés à travailler dans des entreprises qui sont à la hauteur   Lucie Premel (D.Crypte)

 

Le Prix du Barreau de Paris pour le volet professionnel a ensuite été décerné à D.Crypte, une plateforme d’accompagnement et de formation pour les professionnels du droit. « Nous allons proposer du contenu qui permet - en premier lieu aux avocats et aux notaires -, d’améliorer la qualité de vie de leurs salariés et leur relation clients », explique Lucie Premel, cofondatrice de la société. « Nous sommes dans un monde de plus en plus concurrentiel. Les clients et les candidats à l’embauche ont un large choix. Pour faire la différence, les professionnels du droit doivent s’intéresser à de nouvelles techniques de management, à l’innovation et à l’inclusion ».

LexbaseA terme, la plateforme pourrait devenir « un label de bien-être, que les entreprises et les cabinets pourraient mettre en avant sur leur site ». Les salariés, les clients iraient « au-delà des avis Google » pour vérifier que l’entreprise prend en considération l’humain et qu’elle est attachée à certaines valeurs. « Si je peux aider des salariés à travailler dans des entreprises qui sont à la hauteur, je vais tout faire pour », déclame Lucie. Pour l’heure, la start-up déposera ses statuts à la fin du mois et la bourse de 10 000 € permettra déjà de financer du matériel pour les podcasts, un abonnement à Canva (logiciel de création de contenus en ligne), ainsi qu’un service d’emailing. Les premiers contenus seront dévoilés en octobre sur le site internet et la page Linked In. « Un compte Instagram sera bientôt lancé pour se rendre visible auprès des salariés », annonce Lucie.

Prendre en compte le volet accessibilité et handicap dès la conception de nouveaux produits   Euphrate Khantouche (Lamy)

Le prix « éditeur juridique » a ensuite été remis à Lamy (Wolters Kluwer France), représenté par Euphrate Khantouche, directeur des produits digitaux. Sa promesse : « prendre en compte le volet accessibilité et handicap dès la conception de nouveaux produits et services ». En pratique, cela consiste, entre autres, à « faciliter l’intégration de la recherche vocale, la transcription de podcasts et des webinaires » mais aussi permettre « de rendre les produits digitaux plus accessibles ».

« Pour certaines personnes en situation de handicap - daltonisme, handicap visuel, auditif et physique - il peut être très compliqué d'interagir avec un produit ou un service numérique qui manque de contraste et sur lequel il est difficile de naviguer », explique Euphrate. L’objectif d’ici 2 à 3 ans : « obtenir le niveau double A (AA), c’est-à-dire le niveau d'accessibilité amélioré ». En France, le taux d’accessibilité d’un site est mesuré au regard de plusieurs critères fixés par le référentiel RGAA, qui a été mis à jour en février 2021.

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« Les 10 000 € serviront à financer l’audit de notre site d’actualités juridiques. La somme restante sera reversée à une associative caritative », affirme Euphrate. Et après ? « Peut-être obtenir un triple A dans un avenir plus lointain », espère-t-il.

« Tous les experts admis sans discrimination à l’entrée » (Sabrina Mennad, Leeberal)

Enfin, un prix « spécial du jury » a été décerné à la société Leeberal, une plateforme de mise en relation en présentiel ou visioconférence entre les professionnels du droit et leurs clients, mais pas seulement. « C’est aussi un outil CRM qui permet à l’expert de prendre des RDV visio avec ses clients, transférer des documents confidentiels, signer électroniquement ses contrats, ou encore confier un dossier à un autre expert inscrit sur la plateforme et tout cela de manière sécurisée », explique Sabrina Mennad qui a cofondé l’entreprise avec sa sœur Leïla. Si la juriste a candidaté à cet appel à projets, c’est pour « casser la barrière entre les experts juridiques et les justiciables ». L’outil permettra l’inclusion tant du côté des professionnels que celui des citoyens qui n’ont pas facilement accès au droit et à la justice. « Qu’ils soient issus d’un milieu aisé, qu’ils n’aient pas de réseau, qu’ils soient en situation de handicap : tous les experts seront admis sur la plateforme sans discrimination à l’entrée », assure l’entrepreneuse.

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Ayant vocation à devenir « le Doctolib du droit », l’outil permettra d’ « amener le droit dans les campagnes et les banlieues, de le rendre accessible hors des grandes villes et d’accompagner la digitalisation des professions juridiques ». Accompagnées par l’avocat Jean Veil, « qui aime l’idée que deux femmes soient à la tête du projet visant à démocratiser l’accès au droit », les cofondatrices travaillent actuellement sur le référencement des professionnels. « Quand la base sera assez solide, d’ici septembre ou octobre, on ouvrira la plateforme au grand public ». Les tarifs ont aussi vocation à être « accessibles à tous » : entre 70 € et 109 € selon les options choisies (référencement, visioconférence, outil CRM).

Et après ? « Cette soirée était un lancement pour d’autres initiatives », annonce Laure Lavorel. Il va falloir passer à une nouvelle étape : comment aider les directions juridiques dans la mise en place de programme d’inclusion positive ? Nous allons travailler notamment avec Atorus Executive, partenaire de notre projet, pour mettre en place un programme d’accompagnement afin de faciliter le recrutement et l’intégration des juristes en situation de handicap ». Et la directrice juridique prévient : « il ne s’agit pas de rendre service. Offrir cette diversité à nos équipes, ce n’est pas de la naïveté ou de la bien-pensance. On est convaincu que cela rend nos entreprises plus performantes. C’est un message business important. Que ce soit le handicap, le genre, la race, l’âge… Cette diversité, on en a besoin pour être meilleur ».

 

*L’appel à projets comprenait, à l’origine, trois volets : étudiant, professionnel et éditeur juridique.

**Le jury était composé de plusieurs personnalités du monde juridique : Arash Attar, Partner chez Skadden, Laurent Bibard, Professeur à ESSEC, Julie Couturier, Avocate associé JCD Bâtonnière du Barreau de Paris, Arnaud Dumourier,  Directeur de la Rédaction Le Monde du Droit, Olivier Fréget, Founding Partner - Cabinet Fréget & Associés, Karine Gros, Maître de conférences HDR Sciences Humaines Handicap et Emploi, Matthieu Juglar, Président Droit comme un H! , Laure Lavorel, Présidente du Cercle Montesquieu, Jean-Marc Liduena, Senior Partner KPMG Président de la Fondation du Collège des Bernardins, Philippe Trotin, Accessibility Lead Microsoft et Roxanne Varza, Directrice Station F.

 

 

 

Leslie Brassac

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