Les étrangers en situation irrégulière n'ont pas vocation à bénéficier du dispositif d'hébergement d'urgence, sauf circonstances exceptionnelles. Dans cette dernière hypothèse, seul l'État peut être destinataire d'une injonction de prise en charge.
Dans plusieurs décisions du 13 juillet 2016, le Conseil d’État juge qu’à l’issue de la période strictement nécessaire à la mise en œuvre du délai de départ volontaire, les étrangers en situation irrégulière, même accompagnés d’enfants, n’entrent plus dans le champ des articles L. 345-2 et suivants du code de l’action sociale et des familles (hébergement d’urgence, sauf circonstances exceptionnelles).
Remarque : L’article L. 345-2-2 impose notamment à l’État une obligation de protection par l’accès, « à tout moment », à un hébergement d’urgence, à l’égard de toute personne « sans abri, en situation de détresse médicale, psychique ou sociale ».
Un droit fondamental à la portée très relative
La nécessaire prise en compte des capacités de l’État
Dans ses décisions, le Conseil d’État rappelle d’abord qu’une carence de l’État dans sa mission de protection des personnes sans abri ne constitue pas, par elle-même, une atteinte grave et manifestement illégale à l’exercice d’une liberté fondamentale. Pour constituer une telle atteinte, il est en effet nécessaire que cette carence « entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée ». En outre, et à supposer qu’une telle circonstance soit établie, il appartient au juge des référés d’apprécier « dans chaque cas, les diligences accomplies par l’administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l’âge, de l’état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée ».
Ainsi, le caractère illégal de l’atteinte portée à la liberté fondamentale ne dépend pas uniquement de la violation des sources de droit mais également de la capacité des autorités à remplir les obligations qui en découlent. Le juge peut alors prendre en compte, par exemple, les efforts accomplis par l’État pour accroître les capacités d’hébergement (CE, réf., 13 juill. 2016, n° 399829).
L’exclusion des étrangers en situation irrégulière, sauf circonstances exceptionnelles
Dans un second temps, le Conseil d’État souligne que les étrangers « qui font l’objet d’une obligation de quitter le territoire français ou dont la demande d’asile a été définitivement rejetée et qui doivent ainsi quitter le territoire en vertu des dispositions de l’article L. 743-3 » du Ceseda n’ont, de toute façon, pas vocation à bénéficier de cette protection, sauf circonstances particulières.
De telles circonstances sont constituées lorsque, du fait du très jeune âge d’un enfant, une solution appropriée ne peut être trouvée dans leur prise en charge hors de leur milieu de vie habituel par le service de l’aide sociale à l’enfance, dès lors qu'il existe un risque grave pour la santé et la sécurité d’enfants mineurs, dont l’intérêt supérieur doit être une considération primordiale dans les décisions qui les concernent.
Ainsi, lorsque, en présence d’un jeune enfant, l’État n’a été en mesure de proposer qu’une seule nuit en hébergement d’urgence, l’atteinte grave et manifestement illégale est caractérisée (CE, réf., 13 juill. 2016, n° 399829). En l’absence de telles circonstances, l’atteinte n’est pas établie (CE, réf., 13 juill. 2016, n° 400074, 399836 et 399834).
Une compétence supplétive du département
L’hébergement d’urgence relève de la compétence de l’État, sauf dans des cas particuliers visés par l’article L. 222-3 du code de l’action sociale et des familles (mineurs isolés, femmes enceintes ou mères isolées avec un ou plusieurs enfants âgés de moins de trois ans), dans lesquels cette compétence échoit au département.
Toutefois, le Conseil d’État souligne que la compétence de l’État n’exclut pas celle des départements qui, par voies financières, peut permettre d’assurer le logement de familles lorsque la santé des enfants, leur sécurité, leur entretien ou leur éducation l’exige, notamment lorsque les structures d’hébergement d’urgence prises en charge par l’État sont saturées. L’aide apportée par le département devant être de nature identique à celle apportée par l’État, les besoins des enfants ne peuvent, selon le Conseil d’État, « faire l’objet d’une appréciation différente selon la collectivité amenée à prendre en charge, dans l’urgence, l’hébergement des familles ».
Ainsi, l’action du département n’est supplétive de celle de l’État que dans le cas où ce dernier n’aurait accompli aucune des diligences qui lui reviennent. Pour autant, le département ne peut être regardé comme étant l’auteur d’une atteinte à la liberté fondamentale, laquelle trouve uniquement sa source dans la carence de l’État. C’est pourquoi un demandeur ne peut diriger sa requête contre le département et le juge des référés enjoindre à ce dernier de prendre des mesures adéquates pour assurer la sauvegarde de la liberté fondamentale en cause.
Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.
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