Quelles sont les conditions d'échange et de partage d'informations couvertes par le secret médical ?

02.09.2016

Droit public

Les conditions d'application de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, concernant ce qu'il est paradoxalement convenu d'appeler le "secret partagé", sont fixées.

Deux décrets du 20 juillet 2016 précisent les conditions d'échange et partage d'information entre professionnels de santé et autres professionnels des champs social et médico-social ainsi qu'au sein d'une équipe de soins.
 
Le décret n° 2016-994 confirme la volonté du l��gislateur de faciliter les échanges d’information strictement nécessaires à la prise en charge d’une personne, entre professionnels de santé et professionnels du secteur social et médico-social.
 
En effet, la Loi Kouchner du 4 mars 2002 n’autorisait l’échange d’informations couvertes par le secret qu’entre professionnels de santé (C. santé publ., art. L. 1110-4, version en vigueur jusqu’au 27 janvier 2016). Les professionnels du secteur social et médico-social étaient ainsi nécessairement exclus des échanges, ce qui n’était pas toujours conforme à l’intérêt de l’usager.
 
Désormais, le principe est le suivant : « Un professionnel peut échanger avec un ou plusieurs professionnels identifiés des informations relatives à une même personne prise en charge, à condition qu'ils participent tous à sa prise en charge et que ces informations soient strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention ou à son suivi médico-social et social » (art. L. 1110-4, II). Le secret partagé s’ouvre ainsi aux professionnels du secteur social et médico-social, ainsi qu’à la prévention, dans la double limite d’une prise en charge commune et de la stricte nécessité des échanges dans l’intérêt de la personne.
 
Le décret ajoute cependant une limite  : l’échange ou le partage d’informations doivent être circonscrits, par les professionnels concernés, au « périmètre de leurs missions » (C. santé publ., art. R. 1110-1). Il s’agit ici de renforcer le caractère « strictement nécessaire » des échanges, ce qui suppose toutefois que chacun ait bien cerné les fonctions et compétences de son interlocuteur avant de délivrer l’information.
Professionnels visés
Les professionnels susceptibles de partager ou d’échanger des informations relatives à une même personne prise en charge sont par ailleurs regroupés en deux catégories : d’une part les professionnels de santé, expressément définis comme ceux mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique, d’autre part les autres « professionnels », dont une liste exhaustive est dressée.
 
Tout échange ou partage d’informations entre un professionnel de santé et un professionnel n’appartenant pas à cette liste est par conséquent exclu et constitutif d’une violation du secret médical.
 
La liste en question comporte neuf sous-catégories, parmi lesquelles figurent notamment les assistants de service social, les ostéopathes, chiropracteurs, psychologues et psychothérapeutes « non professionnels de santé par ailleurs », les aides médico-psychologiques et accompagnants éducatifs et sociaux, les assistants maternels et assistants familiaux, les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et délégués aux prestations familiales, ou encore les non-professionnels de santé membres de l'équipe médico-sociale compétente pour l'instruction des demandes d'allocation personnalisée d'autonomie (C. santé publ., art. R. 1110-2).
 
L’écueil lié à l’absence de définition légale des professions du secteur social et médico-social paraît ainsi éradiqué puisque les professions concernées par l’échange et le partage sont limitativement énumérées. L’avenir permettra d’apprécier la pertinence de cette liste.
 
Notons toutefois que les professionnels appartenant à la deuxième catégorie (celle des non professionnels de santé) ne sont pas tous expressément et légalement soumis au secret en raison de leur fonction ou mission. N’y a-t-il pas, dès lors, un risque à autoriser les professionnels de santé à échanger des informations personnelles avec ces derniers ? Puisqu’ils interagissent avec des professionnels de santé, dans le cadre d’une prise en charge commune, il serait logique de les considérer comme des « professionnels intervenant dans le système de santé », auxquels le secret s’impose en vertu de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, I, 2ème alinéa.
 
Il faut enfin préciser que les échanges et partages d’informations demeurent facultatifs, comme l’emploi du verbe « pouvoir » le démontre, sauf bien entendu pour le professionnel de santé à déroger à son obligation d’assurer la continuité des soins. Les professionnels de la deuxième catégorie ne peuvent donc exiger d’un professionnel de santé la communication d’informations couvertes par le secret médical.
Dans quelles conditions ces échanges peuvent-ils avoir lieu ?
Pour mémoire, depuis la loi de modernisation de notre système de santé, il faut distinguer entre les membres d’une équipe de soins et les professionnels n’appartenant pas à une même équipe de soins.
 
Au sein d’une équipe de soins, les informations sont réputées confiées par la personne à l’ensemble de l’équipe. Dès lors, le consentement exprès de l’intéressé n’est pas requis pour le partage du secret au sein de cette équipe. La personne doit cependant être dûment informée de son droit d'exercer une opposition à l'échange et au partage d'informations la concernant. Elle peut exercer ce droit à tout moment.
 
Le partage entre des professionnels ne faisant pas partie de la même équipe de soins, d'informations nécessaires à la prise en charge d'une personne requiert en revanche son consentement préalable, recueilli par tout moyen, y compris de façon dématérialisée.
 
Le décret n° 2016-996 « relatif à la liste des structures de coopération, d'exercice partagé ou de coordination sanitaire ou médico-sociale dans lesquelles peuvent exercer les membres d'une équipe de soins » précise la notion d’équipe de soins.
 
C'est un ensemble de professionnels qui participent directement au profit d'un même patient à la réalisation d'un acte diagnostique, thérapeutique, de compensation du handicap, de soulagement de la douleur ou de prévention de perte d'autonomie, ou aux actions nécessaires à la coordination de plusieurs de ces actes, et qui :
 
 – soit exercent dans le même établissement de santé, au sein du service de santé des armées, dans le même établissement ou service social ou médico-social mentionné au I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles ou dans le cadre d'une structure de coopération, d'exercice partagé ou de coordination sanitaire ou médico-sociale figurant sur une liste fixée par décret ;
 
 – soit se sont vu reconnaître la qualité de membre de l'équipe de soins par le patient qui s'adresse à eux pour la réalisation des consultations et des actes prescrits par un médecin auquel il a confié sa prise en charge ;
 
 – soit exercent dans un ensemble, comprenant au moins un professionnel de santé, présentant une organisation formalisée et des pratiques conformes à un cahier des charges fixé par un arrêté du ministre chargé de la santé (C. santé publ., art. L. 1110-12).
 
Le décret susvisé énonce la liste des structures de coopération, d'exercice partagé ou de coordination sanitaire ou médico-sociale dont les professionnels constituent une équipe de soins, parmi lesquelles les groupements hospitaliers de territoire (ce qui est extrêmement vaste), les fédérations médicales inter-hospitalières, les groupements de coopération sanitaire et groupements de coopération sociaux et médico-sociaux ainsi que les GIP et GIE ayant pour objet la prise en charge médicale coordonnée de personnes, les maisons de santé et centres de santé, les sociétés d’exercice libéral et toute autre personne morale associant des professionnels de santé libéraux lorsqu’elles ont pour objet la prise en charge médicale coordonnée de personnes (à l’exclusion, donc, des sociétés en participation, plus communément dénommées « associations » avec ou sans mise en commun des honoraires), les réseaux de santé…
 
Au sein de ces équipes de soins, l’échange d’informations requiert en principe non le consentement exprès mais l’information préalable du patient sur son droit d’opposition, depuis la loi du 20 janvier 2016. Le décret n° 2016-994 précise toutefois (C. santé publ., art. R. 1110-3-II) que « lorsqu'ils sont membres d'une même équipe de soins, les professionnels relevant d'une des catégories mentionnées à l'article R. 1110-2, partagent, avec ceux qui relèvent de l'autre catégorie, les informations relatives à une personne prise en charge dans les strictes limites de l'article R. 1110-1 et en informent préalablement la personne concernée. Ils tiennent compte, pour la mise en œuvre de ce partage, des recommandations élaborées par la Haute Autorité de santé avec le concours des ordres professionnels, en particulier pour ce qui concerne les catégories d'informations qui leur sont accessibles ». Ainsi, l’information préalable du patient est requise pour les échanges « intercatégoriels » au sein d’une même équipe de soins. Alors que l’information sur le droit d’opposition (issue de la loi du 26 janvier 2016) semble pouvoir être donnée une fois pour toutes,  le pouvoir réglementaire paraît ici exiger une information préalable au cas par cas, dont le contenu est au demeurant précisé à l’alinéa précédent. Il y aurait ainsi une différence, au sein d’une même équipe de soins, entre les communications intra-catégorielles, supposant une information préalable unique quant au droit d’opposition, et les informations inter-catégorielles, qui nécessiteraient une information préalable systématique. Cela reste cependant à vérifier, le décret n’étant pas très clair à ce sujet. Particulièrement intéressante est, par ailleurs, la référence à des recommandations (à venir) de la Haute Autorité de santé, élaborées avec le concours des ordres professionnels et devant définir les catégories d’informations susceptibles de donner lieu à communication. Une limitation supplémentaire est ainsi introduite, tenant probablement à la nature des informations.
 
En outre et dans tous les cas, les échanges d’informations entre professionnels de catégories différentes – au sein ou en dehors d’une équipe de soins - requièrent l’information préalable de la personne concernée, d'une part, quant à la nature des informations devant faire l'objet de l'échange, d'autre part, soit quant à l'identité du destinataire et la catégorie dont il relève, soit quant à sa qualité au sein d'une structure précisément définie.
 
Ainsi, si l’on résume les dispositions de la loi et de son décret d’application sur ce point :
– au sein d’une même équipe de soins, telle que définie par ces textes, le secret est réputé confié à l’ensemble de l’équipe et la personne doit être informée de son droit de s’opposer aux échanges d’informations la concernant ; son consentement exprès n’est pas requis ; toutefois, pour les échanges entre professionnels de catégories différentes, l’intéressé doit recevoir une information préalable relative à la nature des informations et à la qualité du destinataire ;
– en dehors d’une équipe de soins, le consentement exprès de l’intéressé est requis et suppose bien entendu une information préalable adéquate, cette information devant porter sur la nature des informations et la qualité du destinataire s’il est envisagé un échange entre professionnels de catégories différentes.
 
Le I de l’article R. 1110-3, dans sa nouvelle version, ne distingue pas, en effet, selon que le partage de l’information a lieu au sein d’une équipe de soins ou non et vise donc toutes les hypothèses d’échanges « inter-catégoriels », tandis que le II vise expressément les membres d’une équipe de soins.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Maïalen Contis, Docteur en droit, avocat au barreau de Toulouse
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