Quels gamètes ou embryons humains pourra-t-on utiliser en vue d’une AMP à compter du 31 mars 2025 ?

04.09.2023

Droit public

A compter du 31 mars 2025, ne pourront être utilisés pour une tentative d’assistance médicale à la procréation que des gamètes et des embryons pour lesquels les donneurs auront consenti à la transmission de leurs données non identifiantes et à la communication de leur identité en cas de demande des personnes nées de leur don.

Gamètes et embryons utilisables à compter du 31 mars 2025

Tel est l’objet principal du décret n° 2023-785 du 16 août 2023. Ce texte est pris pour l’application du C du VII de l’article 5 de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique. Ces dispositions transitoires de la loi prévoient en effet qu’ « à compter d'une date fixée par décret, ne peuvent être utilisés pour une tentative d'assistance médicale à la procréation que les gamètes et les embryons proposés à l'accueil pour lesquels les donneurs ont consenti à la transmission de leurs données non identifiantes et à la communication de leur identité en cas de demande des personnes nées de leur don ». Le décret précité vient fixer cette date au 31 mars 2025. Son article 1er pose : « La date à compter de laquelle ne peuvent être utilisés pour une tentative d’assistance médicale à la procréation que les gamètes et les embryons proposés à l’accueil pour lesquels les donneurs ont consenti à la transmission de leurs données non identifiantes et à la communication de leur identité en cas de demande des personnes nées de leur don est fixée au 31 mars 2025 ».

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Ce décret est entré en vigueur le lendemain de sa publication, soit depuis le 18 août 2023. Les publics visés sont principalement les tiers donneurs de gamètes ou d’embryons et les personnes majeures issues de ces dons ; les bénéficiaires d’une assistance médicale à la procréation (AMP) avec tiers donneur ; les praticiens exerçant au sein des centres d’étude et de conservation du sperme ainsi que les praticiens exerçant au sein des centres d’AMP.

Quelques précisions méritent cependant d’être apportées en complément tant le régime de droit transitoire résultant des dispositions prises depuis la loi du 2 août 2021 s’avère passablement complexe. Le décret précité y ajoute sa contribution puisqu’il vient s’insérer dans ce régime.

Cas des personnes nées d’un don

Si l’on se tourne d’abord du côté des personnes nées du don, on rappellera que, conformément à l’article L. 2141-2 du code de la santé publique, « toute personne conçue par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur peut, si elle le souhaite, accéder à sa majorité à l'identité et aux données non identifiantes du tiers donneur définies à l'article L. 2143-3 ». L’article 5, VIII A de la loi du 2 août 2021 précise pour sa part que « l'article L. 2143-2 du code de la santé publique s'applique aux personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur à compter de la date fixée par le décret prévu au C du VII du présent article ». Celle-ci étant fixée par le décret du 16 août 2023 au 31 mars 2025, il en résulte que l’accès de l’enfant issu du don à l'identité et aux données non identifiantes du tiers donneur sera possible à compter de cette date.

Cas des donneurs

Ensuite, du côté des tiers donneurs et en ce qui concerne le don et l’utilisation du don, on rappellera que la loi du 2 août 2021 impose le consentement du donneur lors du don à la communication des données identifiantes ou non identifiantes faute de quoi, le don ne serait pas possible (sur les conditions du don : v. C. santé publ., art. L. 1244-2 et R. 1244-2). On sait désormais, avec le décret du 16 août 2023, qu’il ne pourra être fait appel en vue d’une AMP à compter du 31 mars 2025 qu’à des donneurs remplissant cette condition.

Pour autant, la collecte des données identifiantes ou non identifiantes lors du don ne concerne pas seulement les dons à compter du 31 mars 2025.  Conformément au A du VII de l'article 5 de la loi du 2 août 2021, les dispositions de l’article L. 1244-2 qui régissent le don de gamètes « entrent en vigueur le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi », soit le 1er septembre 2022 (v. aussi l’article R. 1244-7 dans sa rédaction résultant du décret n° 2022-1187 du 25 août 2022, art. 5, I). Même solution pour l’article L. 2143-3 qui énumère la liste des données identifiantes et non identifiantes que le médecin doit collecter s’agissant des personnes souhaitant procéder à un don de gamètes ou proposer leur embryon à un accueil.

Qu’en est-il des dons réalisés avant le 1er septembre 2022 ?

D’abord, s’agissant des dons non utilisés, l’article 5, VII D de la loi du 2 août 2021 précise qu’à « la veille de la date fixée par le décret prévu au C du présent VII » (soit le 30 mars 2025 en vertu du décret du 16 août 2023), « il est mis fin à la conservation des embryons proposés à l'accueil et des gamètes issus de dons réalisés avant le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi » (avant le 1er septembre 2022), c’est-à-dire à une date où, par hypothèse, les dons de gamètes ou d’embryons étaient régis par le droit antérieur (lequel ne comportait pas de dispositif permettant une levée de l’anonymat).

Ensuite, pour les donneurs antérieurs au 1er septembre 2022 dont les gamètes et embryons auront été utilisés en vue d’une AMP avant le 31 mars 2025, une faculté leur est ouverte de consentir à la transmission de leurs données identifiantes et non identifiantes auprès de la commission d’accès prévue par l’article L. 1243-6, soit spontanément, à leur initiative, soit à la suite d’une demande d’accès émanant de personnes nées du don. En effet, l’article 5, VIII B de la loi du 2 août 2021 précise que « les tiers donneurs dont les embryons ou les gamètes sont utilisés jusqu'à la date fixée par le décret prévu au C du VII du présent article (31 mars 2025) peuvent manifester auprès de la commission mentionnée à l'article L. 2143-6 du code de la santé publique leur accord à la transmission aux personnes majeures nées de leur don de leurs données non identifiantes d'ores et déjà détenues par les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 2142-1 du même code ainsi que leur accord à la communication de leur identité en cas de demande par ces mêmes personnes ».

Par ailleurs, « à compter du premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi (soit le 1er septembre 2022), et au plus tard l'avant-veille de la date fixée par le décret prévu au C du VII du présent article (au plus tard le 29 mars 2025), les tiers donneurs qui ont effectué un don avant l'entrée en vigueur de l'article L. 2143-2 du code de la santé publique (avant le 1er septembre 2022) peuvent également se manifester auprès des organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 2142-1 du même code pour donner leur accord à l'utilisation, à compter de la date fixée par le décret prévu au C du VII du présent article (soit le 31 mars 2025), de leurs gamètes ou embryons qui sont en cours de conservation. Ils consentent alors expressément, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à la communication de leurs données non identifiantes et de leur identité aux personnes majeures conçues, à partir de cette date, par assistance médicale à la procréation à partir de leurs gamètes ou de leurs embryons qui en feraient la demande (L. 2 août 2021, art. 5, VIII, C). Cette disposition évite du même coup, aux conditions que le texte détermine, la destruction des embryons et gamètes non utilisés avant le 31 mars 2025 (v. supra : l’article 5, VII D de la loi du 2 août 2021).

Enfin, s’agissant des demandes d’accès aux données identifiantes et non identifiantes du donneur émanant de personnes issues du don, il est prévu que « les personnes majeures conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur à partir des embryons ou des gamètes utilisés jusqu'à la date fixée par le décret prévu au C du VII du présent article (utilisation avant le 31 mars 2025) peuvent se manifester, si elles le souhaitent, auprès de la commission mentionnée à l'article L. 2143-6 du code de la santé publique pour demander l'accès aux données non identifiantes du tiers donneur détenues par les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 2142-1 du même code et, le cas échéant, à l'identité de ce tiers donneur » (L. 2 août 2021, art. 5, VIII, D). « La commission mentionnée à l'article L. 2143-6 du code de la santé publique fait droit aux demandes d'accès aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur qui lui parviennent en application du D du présent VIII si le tiers donneur s'est manifesté conformément au B » (L. 2 août 2021, art. 5, VIII, E). Ces dernières dispositions sont applicables à compter du 1er septembre 2022. En effet, « les dispositions des B et D du présent VIII sont applicables le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi (L. 2 août 2021, art. 5, VIII, F).

Progressivement, le dispositif transitoire de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique, en ce qu’elle a ouvert une possibilité de lever l’anonymat des dons de gamètes et d’embryons, se précise mais au prix de dispositions dont la simplicité et la lisibilité ne font peut-être pas figure de vertu.

Daniel Vigneau, Agrégé des facultés de droit, professeur à l'université de Pau et des Pays de l'Adour, conseiller scientifique honoraire du DP Santé, bioéthique, biotechnologies
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