Rétention : la prise d'empreintes irrégulière ne doit pas affecter la vie privée

06.09.2016

Droit public

Étendant la portée du contrôle du juge judiciaire, la Cour de cassation considère que l'irrégularité de la prise d'empreinte dans le cadre d'une mesure de retenue ne vicie pas la procédure de placement en rétention si elle ne porte pas atteinte à la vie privée.

Dans un arrêt rendu le 6 juillet 2016, la Cour de cassation apprécie la régularité de l’exploitation des empreintes digitales (ici dans le cadre d’une retenue pour vérification de situation administrative) au regard du droit à la vie privée. Elle étend ainsi le champ de la liberté individuelle, tout en restreignant la portée du contrôle juridictionnel.
 
En l’espèce, le demandeur se pourvoyait en cassation contre la décision d’un premier président refusant de déclarer irrégulière la procédure l’ayant conduit en rétention alors même qu’il avait admis « que la prise des empreintes [...] était irrégulière dans la mesure où elle ne constituait pas l’unique moyen d’établir sa situation, l’identité fournie spontanément ayant permis de retrouver sans difficulté le dossier administratif de la préfecture ».
Le seul relevé d’empreintes à fin de comparaison ne porte pas atteinte aux droits de l’étranger
A titre liminaire, la Cour rappelle que « lorsqu’il constate une irrégularité des actes de procédure préalables au placement en rétention, il incombe au juge de rechercher si celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger ». L’article L. 552-13 du Ceseda n’autorise en effet le juge à prononcer la mainlevée de la rétention que si l’irrégularité, qu’elle soit formelle ou substantielle, porte une atteinte aux droits des retenus. Mais force est de constater que cette condition reste assez floue, laissant aux juges du fond une liberté totale d’appréciation.
 
Lorsque l’irrégularité porte sur les conditions d’exploitation des empreintes digitales relevées à fin d’identification, la Cour de cassation distingue ainsi, dans la présente espèce, l’opération de relevé et de comparaison de celle d’enregistrement ou de conservation.
 
Ainsi, selon la Cour, le seul fait de relever les empreintes et de les comparer à une banque de donnée n’est pas de nature à porter atteinte aux droits des intéressés, quand bien même cette opération n’aurait pas été strictement nécessaire à l’identification de la personne. Autrement dit, la seule circonstance que les empreintes aient été irrégulièrement recueillies à fin de simple comparaison ne fait pas grief.
 
En revanche, l’enregistrement ou la conservation des empreintes seraient de nature à porter atteinte aux droits des intéressés si l’opération s’avérait irrégulière.
Extension du contrôle du juge sur le respect du droit à la vie privée
Le second apport de la décision réside dans l’extension du champ de la liberté individuelle.
 
En principe, l’autorité judiciaire n’intervient dans le processus de la rétention qu’en raison de l’article 66 de la Constitution qui lui confie, en exclusivité, la mission de sauvegarde de la liberté individuelle. Or, c’est précisément lorsque les actes antérieurs à la rétention sont de nature à porter atteinte à cette liberté individuelle, au sens du droit à la sûreté, que la procédure doit être sanctionnée par la mainlevée.
 
En appréhendant la régularité de la procédure au travers du prisme du droit à la vie privée, qui est directement affectée par le traitement des données à caractère personnel, la Cour de cassation a ainsi repoussé les frontières de la liberté individuelle en y englobant une composante qui en était alors exclue.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Christophe Pouly, avocat
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