Rétention : le CGLPL alerte sur une dérive sécuritaire et carcérale

09.06.2020

Droit public

Parallèlement à une liste de recommandations minimales, le rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) pour l'année 2019 dénonce les conditions de maintien des étrangers dans les centres de rétention en France et condamne l'attitude de l'ensemble de la chaîne de commandement.

Dans son rapport d’activité pour l’année 2019, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) témoigne de ce qu’aucune amélioration n’a été constatée dans les centres de rétention et zones d’attente malgré les recommandations adressées de manière récurrente aux autorités. Selon le Contrôleur, le fait que les équipes de direction des organismes visités ont « paru peu sensibles » à ces observations « témoigne » d’ailleurs « d’une absence de sensibilisation des autorités de tutelle et des équipes policières à la question des droits fondamentaux des personnes placées en rétention ».
Or, pour le Contrôleur, la mise à disposition de nouveaux moyens restera toujours sans effet « sans un profond changement d’attitude des responsables locaux ».
Le Contrôleur pointe du doigt quatre sujets de tensions et, parallèlement, publie des « recommandations minimales [...] pour le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes privées de liberté » dont certaines concernent le régime de la rétention.
Remarque : le Contrôleur a visité quatre centres de rétention administrative (Oissel, Palaiseau, Paris-Vincennes et Perpignan) et une zone d’attente (Nouméa).
Des conditions de prise en charge toujours insatisfaisantes
En premier lieu, le Contrôleur constate que l’ensemble des informations que la loi impose de donner aux personnes retenues (informations sur les droits, règles de vie, etc.) est transmis de manière expéditive. Ainsi, les traductions par téléphone, les formulaires traduits de manière incomplète, le défaut de remise de livret d’accueil et règlement intérieur, sont autant de négligences qui « conforte [nt] l’impression de règles obscures et arbitraires ».
Le Contrôleur rappelle par ailleurs que les retenus n’ont commis aucune infraction et qu’ils ne doivent par conséquent pas se voir « imposer des contraintes qui ne seraient pas strictement nécessaires en vue de l’exécution de la mesure d’éloignement ». Il plaide ainsi pour l’extension des horaires de visite, l’accès au téléphone et à internet, le cas échéant en laissant les matériels personnels (téléphones, même munis d’appareils photo, et ordinateurs personnels) à disposition.
Remarque : dans ses recommandations minimales publiées le 4 juin 2020, le Contrôleur précise que l’hospitalisation de la personne retenue ou l’incompatibilité de son état de santé physique ou psychique avec les conditions d’enfermement doivent entraîner la levée de la mesure, dès lors qu’elle ne peut plus exercer ses droits.
Une dérive carcérale des lieux de rétention
Le Contrôleur observe également « une évolution très nette » des centres de rétention administrative « vers une vocation sécuritaire de plus en plus affirmée, en décalage complet avec leur fonction comme avec la nature de la population hébergée ».
Cloisonnement, circulation interne compliquée, aspect de camps retranché, menottage systématique lors des déplacements, pratique de l’isolement disciplinaire sans texte ni procédures garantissant les droits de la défense. Autant de signes qui, non seulement donnent une coloration carcérale à l’enfermement, mais sans les droits afférents.
En effet, la tendance sécuritaire ne profite pas aux retenus, qui ne sont finalement eux-mêmes pas protégés des vols ou des violences et voient leurs droits, en tant que victimes, non garantis.
Remarque : dans ses recommandations minimales publiées le 4 juin 2020, le Contrôleur rappelle que les fouilles à nu sont interdites au sein des centres de rétention administrative.
Une vie quotidienne dans un cadre précaire et marquée par l’ennui
Le Contrôleur relève également que la vie quotidienne des personnes maintenues en rétention est marquée par l’ennui et que l’extrême bureaucratisation des interactions mets en place une véritable « infantilisation ».
Il insiste par ailleurs « sur le caractère précaire des conditions matérielles d’hébergement » (exiguïté des locaux, chauffage défaillant, hygiène déplorable, alimentation de piètre qualité, équipements collectifs ou individuels spartiates), les conditions de vie dans les centres ayant un impact sur l’équilibre psychologique des retenus (« nuits sans sommeil, troublées par la peur ou les bruits », visiteurs « qui attendent dans des conditions indignes et rencontrent leurs proches sans aucune intimité »).
L’allongement de la durée de rétention source de tension
Dans un tel contexte, le Contrôleur « observe que depuis l’allongement de la durée maximale de rétention, le climat général s’est tendu : des suicides ou tentatives de suicide semblent plus fréquents, les associations d’aide juridique rencontrent des difficultés pour exercer leur mission au point de se retirer ».
Il doute aussi de la pertinence de « l’argument selon lequel l’allongement de délai représenterait une telle pression psychologique qu’il aurait pour effet de susciter des départs volontaires ». A supposer même que cela soit démontré, il considère que cela signifierait « qu’une mesure purement administrative est devenue un moyen de pression qui affecte le libre-arbitre des personnes qu’elle concerne » constitutive d’une « atteinte à l’intégrité psychique ».
Remarque : en tout cas, le Contrôleur rappelle, dans ses recommandations minimales publiées le 4 juin 2020, que « toute rétention doit être aussi brève que possible et ne doit être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Aucune mesure de rétention administrative ne doit être mise en œuvre ou poursuivie si ces conditions ne sont pas remplies ».

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Christophe Pouly, avocat
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