Pour la Cour européenne des droits de l'homme, le recours contre la décision de placement en rétention administrative ne garantit pas le respect du droit à la sûreté au sens de l'article 5 § 4 de la Convention.
Aux termes de l’article 5 § 4 de la Convention européenne des droits de l’homme, toute personne privée de sa liberté en raison de son arrestation ou de sa détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal afin qu’il statue, à bref délai, sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. Dans un arrêt du 12 juillet 2016, la Cour européenne des droits de l’homme juge que cette disposition, qui a pour but de protéger l’individu contre l’arbitraire, n’est pas respectée par la France dans le cadre du recours contre la décision de placement en rétention administrative en raison de la compétence trop limitée du juge administratif.
L’article 5 § 4 n’impose pas un recours suspensif...
A titre liminaire, la Cour écarte le grief tiré du défaut de caractère suspensif du recours disponible contre l’arrêté de placement en rétention.
Elle rappelle en effet qu’elle n’a jamais exigé que le recours prévu à l’article 5 § 4 ait un caractère suspensif. Au contraire, puisque, selon la Cour, une telle exigence aurait pour effet paradoxal de prolonger une situation que le demandeur souhaite faire cesser et conduirait « à retarder l’exécution d’une décision définitive d’éloignement, dont, au surplus, la légalité peut [...] avoir déjà été vérifiée ».
...mais un contrôle juridictionnel sur l’ensemble des actes ayant conduit à la rétention
Pour autant, la nature du contrôle juridictionnel exercé par le juge administratif ne satisfait pas aux conditions posées par la Convention.
En effet, pour la Cour, le juge doit examiner le respect des exigences de procédure et de fond nécessaires à la régularité de la privation de liberté, ce qui signifie que le contrôle s’exerce tant au regard du droit interne que des principes généraux consacrés par la Convention et les finalités des restrictions permises par l’article 5 § 1.
Si la Convention n’exige pas que le contrôle soit « d’une ampleur telle qu’elle habiliterait le tribunal à substituer sur l’ensemble des aspects de la cause, y compris des considérations de pure opportunité, sa propre appréciation à celle de l’autorité dont émane la décision », ce contrôle doit en revanche être « assez ample pour s’étendre à chacune des conditions indispensables à la régularité de la détention ».
Ce faisant, comme le souligne la Cour, l’ordre juridique qui ne permet pas au juge d’apprécier la légalité du renvoi qui constitue le fondement juridique de la détention ou qui ne l’autorise pas à contrôler séparément la légalité de la détention d’un étranger dont la décision d’expulsion a été suspendue, n’offre pas un contrôle de légalité suffisant.
Poursuivant, la Cour estime qu’il appartient au juge d’exercer son contrôle sur les conditions de détention.
Condamnation de la France en raison des lacunes de son droit procédural
De telles exigences ne pouvaient donc que conduire la Cour à reconnaître les lacunes du droit français.
En effet, comme la Cour le constate dans sa décision, le juge administratif (qui est seul compétent pour apprécier la légalité de la décision de placement en rétention administrative, privative de liberté) ne peut contrôler que la compétence de l’auteur de la décision et la motivation de celle-ci. En revanche, n’ayant pas la compétence de contrôler les actes antérieurs, telle que l’interpellation, qui ont abouti à la rétention, et vérifier leur régularité au regard des exigences de l’article 5 de la Convention, qui est de protéger l’individu contre l’arbitraire, le juge n’exerce qu’un contrôle limité et en deçà des exigences de l’article 5 § 4.
Remarque : les motifs retenus par la Cour imposent une réforme profonde du contentieux de la rétention. Le transfert de compétence (tel qu’il est prévu par la loi du 7 mars 2016) au profit du juge judiciaire quant au contrôle de légalité de la décision de placement en rétention règle une partie du problème, dès lors que le juge judiciaire contrôle les actes antérieurs à la rétention. Le dispositif mis en place restera toutefois en deçà des exigences de la Cour dès lors que le juge judiciaire ne peut apprécier la légalité de la décision d’éloignement qui en constitue le fondement. A moins que la Cour de cassation, prenant acte de cette contrainte, en accepte le principe...
Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.
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