Soins psychiatriques sans consentement : ne pas confondre saisine tardive et saisine chaotique du JLD

01.04.2019

Droit public

Doit être considérée comme valide la saisine du juge des libertés et de la détention (JLD) pour le contrôle d'une mesure de soins dès lors que, même si cette saisine s'inscrit dans un contexte chaotique qui oblige à fixer une nouvelle date d'audience, elle intervient à l'intérieur du délai de 8 jours après le début de la mesure fixé à l'article L. 3212-12-1 du code de la santé publique.

Un arrêt de la Cour de cassation, du 6 mars 2019, rappelle que, en matière de contrôle judiciaire des soins psychiatriques, la notion de saisine tardive du juge doit s’entendre strictement. La situation est la suivante. Une personne a fait l’objet d’une mesure de soins en urgence sur décision du maire d’une commune le 27 septembre 2018. Le 28 septembre, le préfet de Haute-Savoie confirme cette mesure par arrêté. Les services du greffe du TGI, alertés par les services de l’agence régionale de santé (ARS) du cas de ce malade et de la nécessité pour le JLD d’examiner son dossier, planifie alors une audience pour la date du 3 octobre au matin. La veille, aucune requête à fin de saisine du JLD n’étant encore parvenue aux services du greffe, ceux-ci téléphonent par deux fois à l’ARS pour demander que le nécessaire soit fait afin que l’audience prévue puisse se dérouler le lendemain comme prévu. Il leur est répondu à chaque fois que la requête est en cours de signature par le préfet. Le matin du 3 octobre, la requête, accompagnée du dossier, parvient enfin aux services du JLD mais seulement à 11 h 08 alors qu’il était prévu que l’audience cesse à 11 h 10. Le JLD décide alors de prononcer la mainlevée de la mesure en considérant que « en application de l'article L. 3211-12-1, IV du code de la santé publique, la saisine tardive du [JLD,] rendant impossible le respect du débat contradictoire, a pour effet l'acquisition automatique de la mainlevée de la mesure d'hospitalisation sans consentement ». Sa décision précise néanmoins que cette mesure s'achèvera à l'issue du délai de 12 jours prévu par la loi à compter de son départ. En cause d’appel, le premier président valide sans sourciller ce raisonnement pourtant manifestement erroné.
Le délai de saisine du JLD est de 8 jours suivant la décision du préfet, pas moins
Il est dès lors logique que la Cour de cassation le retoque, ce qu’elle fait en rappelant que, en application de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, « le juge des libertés et de la détention, tenu de se prononcer avant l'expiration d'un délai de douze jours, à compter de la décision d'admission, sur la poursuite de soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, est saisi dans un délai de huit jours à compter de cette décision ». Or en l’espèce, ce délai de 8 jours est loin d’être écoulé au 3 octobre. Il est d’ailleurs à relever que, comme l’indique la Cour de cassation, il l’est d’autant moins qu’il ne commence même pas à courir au jour de la décision provisoire d’admission en soins en urgence prise par le maire mais bien à la date de sa confirmation par le préfet, ce qui, en l’espèce, offre aux services du préfet jusqu’au 6 octobre pour saisir le JLD (le jour même de la décision d’admission, en application de l’article 641 du code civil, n’étant pas inclus dans le décompte). La Cour de cassation a déjà posé le principe que, en cas d’admission en urgence par arrêté du maire, les délais relatifs au contrôle judiciaire trouvent leur point de départ non pas dans la décision d’admission du maire mais bien dans l’arrêté du préfet qui le confirmerait mais elle avait alors appliqué cette règle pour déterminer le délai d’intervention maximal de la décision du JLD (Cass. 1re civ., 5 févr. 2014, no 11-28.564). Cette règle est ici logiquement transposée au délai de saisine de ce même JLD.
 
On peut comprendre, dans cette espèce, que le JLD se soit senti indisposé par l’inertie des services préfectoraux à la suite des instances répétées de son greffe. Pour autant, il a été parfaitement saisi dans les délais et, de surcroît, il n’était nullement impossible d’examiner ensuite le dossier du malade dans des conditions tout à fait satisfaisantes au regard du respect des droits de la défense. En effet, la décision du juge devant intervenir dans un délai de 12 jours suivant le début de la mesure, il restait 7 jours pour trouver une nouvelle date d’audience.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Mathias Couturier, Maître de conférences à l'université de Caen
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