Tableau de bord de la performance de l'ANAP : un accouchement réglementaire laborieux

16.04.2019

Droit public

Près de six mois après que les instances consultatives aient rendu leur avis sur ce texte, l'arrêté interministériel donnant une valeur juridique au tableau de bord de la performance dans le secteur médico-social élaboré par l'ANAP est enfin paru.

En 2009, à la demande des ministères sociaux et de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP) engageait un travail de construction d’un tableau de bord des établissements et services médico-sociaux pour personnes âgées et pour personnes handicapées. Cet outil fut expérimenté entre 2011 et 2014 et connut, de ce fait, un certain nombre d’enrichissements et précisions. En 2015, sans qu’aucun texte ne soit paru, les pouvoirs publics décidaient de le généraliser progressivement sur trois ans. Il aura fallu attendre un arrêté, publié le 12 avril 2019, pour que le tableau de bord de la performance dans le secteur médico-social ait enfin une base juridique. Les gestionnaires doivent le renseigner au plus tard le 31 mai de chaque année. Par cohérence, sont abrogés, uniquement pour ceux concernés par ce tableau de bord, divers arrêtés fixant les indicateurs médico-socio-économiques (IMSE) construits dans les années 2000 suite à la publication du décret budgétaire, comptable et tarifaire du 22 octobre 2003.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Fin du double remplissage

Les gestionnaires verront ainsi, avec la publication de cet arrêté, la fin d’une aberration. En effet, la réglementation leur fait obligation de produire, à l’appui des budgets prévisionnels et des comptes administratifs depuis 2003 (ou des EPRD et ERRD depuis 2016), les renseignements nécessaires au calcul des indicateurs médico-socio-économiques. Or, ces derniers n’ont jamais été définis pour l’ensemble des ESSMS mais pour certains d’entre eux seulement (EHPAD, IME, Sessad, FAM…). Par ailleurs, force est de constater que  nombre d’agences régionales de santé (ARS) ont progressivement délaissé ces indicateurs – pourtant obligatoires – pour se focaliser sur le tableau de bord de l’ANAP qu’elles demandaient aux gestionnaires de renseigner… en dehors de toute base réglementaire ! La situation était d’autant plus incompréhensible pour les gestionnaires que des juristes leur indiquaient de continuer à remplir les IMSE sous peine de voir leurs propositions budgétaires déclarées incomplètes (le risque étant de se voir tarifer d’office) ou sous peine également que leur compte administratif soit considéré incomplet (auquel cas l’autorité de tarification peut affecter d’office le résultat de l’établissement ou du service concerné. Au demeurant, depuis un décret du 23 mars 2007, l'absence de production des IMSE à l'appui du compte administratif autorise également l'autorité de tarification à tarifer d'office l'établissement ou le service). Une telle aberration était également constatée à l’égard des structures devant produire un état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD) et son pendant, l’état réalisé des recettes et des dépenses (ERRD).

Avec la publication de l’arrêté du 10 avril 2019, ces situations ubuesques sont terminées. En effet, l’article 7 de ce texte abroge une série d’arrêtés qui fixaient les  anciens IMSE applicables aux établissements et services désormais exclusivement soumis au tableau de bord ANAP, plus précisément les arrêtés portant sur les indicateurs médico-socio-économiques des IME, IEM, SESSAD, ITEP, MAS, ESAT, CMPP, SSIAD, CAMSP, FAM et EHPAD.

Attention : les arrêtés fixant les indicateurs d’autres ESSMS ne sont pas abrogés et demeurent en vigueur (centres éducatifs fermés, services d’aide et d’accompagnement à domicile…).

Un tableau de bord doté d’une assise juridique

L’arrêté du 10 avril confère une assise juridique au tableau de bord médico-social de l’ANAP. Il précise les 20 types d’établissements et services concernés, les informations à remplir, la date et l’outil de remplissage. Il ne vise pas seulement des ESSMS sous compétence tarifaire de l’ARS ou sous compétence tarifaire conjointe du directeur général de l’ARS et du président du conseil départemental (PCD). En effet, les foyers de vie, foyers d’hébergement et services d'accompagnement à la vie sociale sont également listés alors qu’ils sont sous compétence tarifaire exclusive du PCD.

Établissements et services concernés

Dans le champ de l’enfance et de l’adolescence handicapées, le tableau de bord de la performance de l’ANAP s’impose à ces structures :

- les établissements pour déficients moteurs ou instituts d'éducation motrice (IEM) ;

- les instituts médico-éducatifs (IME) ;

- les instituts pour déficients auditifs (IDA) ;

- les instituts pour déficients visuels (IDV) ;

- les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (ITEP) ;

- les établissements pour enfants ou adolescents polyhandicapés ;

- les services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD).

- les centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP) ;

- les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) ;

Dans le champ des personnes âgées et des personnes adultes handicapées, sont concernés :

- les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ;

- les centres de rééducation professionnelle (CRP) ;

- les établissements et services d'aide par le travail (ESAT) ;

- les foyers d'accueil médicalisé pour adultes handicapés (FAM) ;

- les foyers de vie (FDV) ;

- les foyers d'hébergement (FH) ;

- les maisons d'accueil spécialisées (MAS) ;

- les services d'accompagnement à la vie sociale (SAVS) ;

- les services d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH) ;

- les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ;

- les services polyvalents d'aide et de soins à domicile (SPASAD).

Contenu et remplissage du tableau de bord

Le tableau de bord de la performance du secteur médico-social se compose d'une partie relative aux données de caractérisation de chaque établissement ou service et d'une partie constituée d'indicateurs relatifs aux domaines suivants :

- les prestations de soins et d'accompagnement, profils et parcours des personnes accompagnées ;

- les ressources humaines afférentes au fonctionnement de la structure ;

- les ressources budgétaires et financières ;

- l'état des lieux des systèmes d'information.

L'annexe 2 de l’arrêté du 10 avril 2019 détaille le contenu du tableau de bord.

Les données sont saisies au plus tard le 31 mai de l'année qui suit l'exercice concerné, ou le dernier jour ouvré du mois de mai, au moyen d'un système d'information mis à disposition par l'Agence technique d'information sur l'hospitalisation (ATIH). Les établissements et services sont réputés avoir satisfait leur obligation de remplissage du tableau de bord de la performance s'ils renseignent au moins 80 % des données à saisir. Sont exclues du calcul de ce taux les données financières figurant à l’annexe n° 3 de l’arrêté. A titre transitoire, le taux minimum de remplissage du tableau de bord est fixé à 70 % pour l'année 2019.

Le remplissage du tableau de bord est possible entre le 15 avril et le 31 mai prochains.

Les acteurs peuvent consulter les outils d’aide au remplissage que l’ANAP a créés : http://www.anap.fr/ressources/outils/detail/actualites/le-tableau-de-bord-de-la-performance-dans-le-secteur-medico-social-kit-doutils-2019/

Utilisation

Aux termes de l’article 3 de l’arrêté, le tableau de bord de la performance du secteur médico-social est "un outil de pilotage interne pour les établissements et services, d'aide au dialogue de gestion avec les autorités de tarification et de contrôle, notamment dans le cadre du contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens [CPOM], de comparaison entre établissements et services et de connaissance de l'offre territoriale".

Les indicateurs du tableau de bord de la performance ne sont pas utilisés dans le cadre des articles du code de l’action sociale et des familles (CASF) sur la convergence tarifaire (R. 314-31, R. 314-33 et R. 314-33-1). Rien n’empêchera pour autant l’autorité de tarification de se baser sur l’exploitation de ces données pour mettre en avant, concernant les structures en procédure budgétaire annuelle, que « les prévisions de charges sont manifestement hors de proportion avec le service rendu ou avec les coûts des établissements et services fournissant des prestations comparables en termes de qualité de prise en charge ou d'accompagnement » (CASF, art. L. 314-7, III) ou, pour celles sous CPOM, d’essayer d’argumenter sur la base de ces données des demandes de récupération sur le fondement de l’article L. 313-14-2 du CASF (possibilité de récupération notamment des dépenses sans rapport ou manifestement hors de proportion avec le service rendu ou avec les coûts des établissements ou des services fournissant des prestations comparables en termes de qualité de prise en charge ou d'accompagnement).

On ne peut que regretter le peu de temps laissé aux gestionnaires pour satisfaire à cette obligation alors que près de 6 mois se sont écoulés entre le moment où le Comité national de l’organisation sanitaire et sociale (CNOSS) et le Comité national d’évaluation des normes ont rendu leur avis et la date de publication de l’arrêté interministériel. 

 

Arnaud Vinsonneau
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