Transfert « Dublin » : en refusant le test PCR, l'étranger prend la fuite

14.04.2021

Droit public

Pour le juge des référés du Conseil d'État, l'étranger qui, sans motif légitime, refuse de se soumettre à un test PCR en vue de l'exécution de son transfert vers l'État responsable de l'examen de sa demande d'asile, doit être regardé comme étant « en fuite », à la condition qu'il ait été prévenu des conséquences de son refus.

Dans deux ordonnances du 10 avril 2021, le juge des référés du Conseil d’État estime que l’étranger qui refuse de se soumettre à un test PCR « se soustrait intentionnellement » à l'exécution de son transfert vers l’État membre responsable de sa demande d’asile et doit être regardé comme étant dans une situation de fuite au sens du règlement « Dublin ».

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Un tel comportement expose l’intéressé à une prorogation du délai de transfert, porté à dix-huit mois, à condition, toutefois :

  • qu’il ait bien eu connaissance des conséquences de son refus ;

  • que ce refus ne soit pas justifié par des raisons médicales.

Le refus intentionnel de se soumettre à un test PCR entre dans la notion de fuite...

Dans ses deux ordonnances, le juge des référés rappelle d’abord que la notion de fuite, au sens de l’article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 (règlement dit « Dublin ») doit s’entendre « comme visant le cas où un ressortissant étranger se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l’autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d’éloignement le concernant ».

Or, selon lui, « tel est le cas notamment s’il se soustrait intentionnellement à l'exécution d’un transfert organisé en refusant un test PCR obligatoire pour l’entrée effective sur le territoire de l’État membre responsable ».

... à condition que l’étranger ait été informé des conséquences de son refus...

Toutefois, rappelle le juge des référés, l’étranger ne peut pas être considéré comme étant en fuite « s’il n’a pas eu connaissance des conséquences d’un refus de sa part ». Or, à ce titre, les deux espèces emportent des conséquences différentes.

Dans la première (ordonnance n° 450928), le juge relève que l’étranger, qui devait être transféré vers l’Allemagne, « avait connaissance [...] qu’une opposition au test de sa part ferait échec à un transfert qu’il ne souhaitait pas ». Par conséquent il devait bien être considéré comme étant « en fuite » au sens de l’article 29 du règlement « Dublin ».

pour le juge des référés, cette connaissance résultait d’un « procès-verbal faisant foi produit en défense ».

Dans la seconde (ordonnance n° 450931), il relève que l’étranger, qui devait être transféré vers la Suède et avait, à plusieurs reprises, refusé de se soumettre à un test PCR, n’avait « pas été informé dans une langue qu’il comprend de la portée de sa décision, au regard notamment de la prolongation du délai de transfert ». Pour le juge il « n’avait donc pas connaissance des conséquences de son refus » et ne pouvait pas être considéré comme s’étant soustrait de manière intentionnelle et systématique à l’exécution du transfert.

... et qu’il n’existe pas de raison médicale le justifiant

Par ailleurs, même informé des conséquences de son refus, l'intéressé peut toujours faire état d’une « raison médicale particulière justifiant [son] absence de consentement à la réalisation du test ». Tel n’était toutefois pas le cas dans les espèces soumises au juge.

en réponse à un moyen soulevé par le requérant, le juge estime également que le résultat d’un test PCR n’entre pas dans le champ des données de santé visées à l’article 32 du règlement et dont l’échange est réglementé.

Conséquence de la reconnaissance ou de l’absence de reconnaissance de la situation de fuite

En définitive, dès lors que l’étranger est regardé « comme s’étant soustrait de manière intentionnelle et systématique à l’exécution du transfert organisé », se mettant ainsi en situation de fuite, le préfet peut légalement refuser l’enregistrement de la demande d’asile en procédure normale, le délai de transfert étant étendu de six à dix-huit mois.

A contrario, le préfet qui reporte le délai de transfert de douze mois pour l’étranger qui n’avait pas connaissance des conséquences de son refus porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile, eu égard aux conséquences sur la situation de l’intéressé.

Arnaud AUBARET, Dictionnaire permanent droit des étrangers
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