Turnover dans les cabinets comptables : quelles raisons ?

Turnover dans les cabinets comptables : quelles raisons ?

04.10.2019

Gestion d'entreprise

Selon une étude, une large majorité de collaborateurs en poste se disent ouverts à d'autres opportunités professionnelles et passent même des entretiens d'embauche. En cause, une politique de fidélisation des cabinets peu visible par les salariés et un décalage de perception dans les actions à mettre en place. La question salariale est, par exemple, sous-évaluée par les employeurs.

L'attractivité et la fidélisation des collaborateurs demeurent la bête noire de la profession comptable. Les trois quarts des professionnels de l'audit et de l'expertise comptable qui sont en poste déclarent rester ouverts à d'autres opportunités professionnelles, d'après une PDF iconétude de Fed finance réalisée auprès de 1518 personnes (1). La plupart des répondants travaillent au sein de leur cabinet depuis moins de 4 ans. Une proportion qui confirme d'ailleurs la volatilité de ces professionnels, souligne le spécialiste du recrutement.

Des employeurs (trop ?) pessimistes

Ces collaborateurs à l'écoute du marché vont jusqu'à passer plusieurs entretiens d'embauche (76 % des sondés). "Les profils comptables et financiers en cabinet sont (...) sur-sollicités et, en conséquence, de plus en plus difficiles à séduire", analyse l'enquête. La preuve : une majorité de candidats ont le choix entre 2 à 5 propositions lorsqu'ils recherchent un nouveau poste.

Et les cabinets (2) semblent avoir conscience de la volatilité de leurs équipes. Jusqu'à être trop méfiants sur les intentions de leurs collaborateurs ? Il existe en effet un décalage de perception entre employeurs et salariés quant à la durée de présence de ces derniers dans l'entreprise. Alors que plus de la moitié des professionnels déclarent - lorsqu'ils acceptent un poste - vouloir rester au sein de leur structure tant qu'elle leur apporte un épanouissement professionnel, seuls 21 % des cabinets pensent que leurs nouvelles recrues pensent sur le long terme, sans stratégie de carrière. Les employeurs penchent plutôt vers une durée de collaboration de moins de 5 ans. Les collaborateurs se montrent plus optimistes (moins d'un tiers se projette sur une durée de moins de 5 ans).

Des actions de fidélisation peu visibles

Le turnover reste un problème récurrent pour les cabinets, même si une étude de 2018 a relevé une tendance à la baisse. Avec des impacts qui peuvent même amplifier le phénomène. En effet, la plupart des collaborateurs répondants ressentent de l'insatisfaction due à une organisation instable (causée par un turnover important) et certains déclarent perdre confiance dans leur entreprise.

Par ailleurs, les actions de fidélisation menées par les cabinets - pourtant de plus en plus nombreuses - ne semblent pas atteindre leur but. Les jugements entre employeurs et salariés divergent fortement. Plus de la moitié des candidats affirme qu'aucune action n'est entreprise pour mesurer leur satisfaction alors que 70 % des recruteurs déclarent mettre en place des enquêtes de satisfaction annuelles ou du moins évoquer le sujet lors des évaluations. De même, pour limiter le départ des collaborateurs, 80 % des professionnels estiment que rien n'est fait, contre 75 % des cabinets qui affirment le contraire. Ce décalage montre peut-être que les cabinets ne communiquent pas assez sur leur démarche et leur politique de fidélisation. Selon l'étude Fed finance, les collaborateurs (qui estiment qu'il existe des actions de fidélisation au sein de leur cabinet) sont peu nombreux à percevoir les activités de cohésion type team building, et encore moins les cursus de formation mis en place par leur cabinet.

La question salariale sous-évaluée par les cabinets

Il existe également une divergence d'opinion sur les "bonnes" actions à mener. 82 % des collaborateurs déclarent qu'il faut leur proposer une rémunération attractive ou supérieure au marché pour les faire rester, alors que ce critère n'est prioritaire que pour 55 % des employeurs. La flexibilité horaire et l'organisation du travail sont ensuite citées par les professionnels. "Les employeurs sous-évaluent l'importance de la question salariale pour leurs équipes, et surévaluent les attentes en matière d'actions de team-building et de management de proximité", résume l'enquête.

Ces différences de perceptions peuvent expliquer en partie le manque d'attractivité des cabinets. La raison de ce déficit étant elle-même analysée de façon différente par les deux parties. "Si le salaire est cité par la quasi-totalité des [collaborateurs], il est rarement cité dans l'analyse des recruteurs qui attribuent davantage le déficit d'image des cabinets au rythme de travail plus élevé qu'en entreprise [par exemple]", souligne l'étude. Et de conclure : "La vérité se situe peut-être à la croisée de ces deux points de vue : le niveau de salaire serait peut-être mieux considéré par les collaborateurs si le rythme de travail était perçu comme moins intense".

 

Profils des répondants

Du côté des collaborateurs ayant répondu à l'enquête Fed finance :

  • La majorité travaille dans de petits-moyens cabinets (23% dans une structure de moins de 10 salariés, 29% dans une structure employant entre 11 et 30 salariés, et 14% dans un cabinet employant entre 31 et 50 salariés).
  • La durée d'expérience professionnelle est hétérogène (21% ont entre 1 et 3 ans d'expérience, 23% entre 6 et 10 ans, et 22% entre 11 et 20 années d'expérience).

Du côté des recruteurs :

  • Il s'agit, pour la majorité, de petits-moyens cabinets (15% emploient moins de 10 salariés, 34% entre 11 et 30 salariés, et 15% entre 31 et 50 salariés).

 

(1) Dans cette enquête, 87 % des collaborateurs répondants sont en poste.

(2) 129 recruteurs ont répondu à l'enquête.

Céline Chapuis

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