Encourt la cassation, l’ordonnance d’un premier président qui, pour prononcer la mainlevée d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement, retient que la mesure a été poursuivie sur la base d’un certificat médical mensuel établi en retard d’une journée sans avoir, en application de l’article L. 3216-1 du code de la santé publique, caractérisé l’atteinte aux droits de la personne causée par cette irrégularité.
Le critère de l’atteinte aux droits continue à alimenter la chronique jurisprudentielle. Celui-ci, prévu à l’article L.3216-1 du code de la santé publique, veut que le juge ne puisse prononcer la mainlevée d’une mesure de soins psychiatriques en raison d’une irrégularité que s’il en résulte une « atteinte aux droits » de l’intéressé. Cette exigence, inspirée par l’adage Pas de nullité sans grief, vise à éviter que toute irrégularité de la procédure de soins psychiatriques sans consentement, même minime, n’aboutisse à une mainlevée alors même que la mesure aurait été pertinente au fond.
Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.
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Le retard dans l’émission d’un certificat ne constitue pas en soi une atteinte aux droits
En l’espèce, une personne avait été admise en 2009 en soins par décision du directeur d’établissement sur demande d’un tiers. A l’occasion d’un contrôle obligatoire semestriel par le juge des libertés et de la détention (JLD) ayant fait l’objet d’un appel, le premier président de la cour d’appel prononçait la mainlevée en notant qu’un certificat médical mensuel obligatoire en application de l’article L. 3212-7 du code de la santé publique avait été produit en retard d’un jour. Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation censurait cette décision en rappelant que le juge ne peut, en application de l’article L. 3216-1 du même code, prononcer la mainlevée à la suite de la découverte d’une irrégularité que s’il est établi qu’il est résulté de celle-ci une « atteinte aux droits » de l’intéressé. Tel n’avait pas été le cas selon la Cour de cassation.
La solution de cet arrêt était assez prévisible parce qu’elle constitue la réitération exacte d’une autre décision rendue exactement dans le même sens en 2021 (Cass. 1re civ., 31 mars 2021, no 20-12.194). Cette dernière était, dans sa motivation, un peu plus circonstanciée et soulignait que, exactement face au même type d’irrégularité, l’atteinte aux droits de l’intéressé ne pouvait être retenue car l’intéressé, « qui [avait] été à même d’exercer des recours en temps utile, ne [justifiait] avoir subi aucun grief de ce retard ». Ceci permet d’expliquer que le juge doit, pour prononcer la mainlevée, caractériser que l’irrégularité a modifié quelque chose à la situation de l’intéressé en diminuant ou supprimant, par exemple, ses chances de recouvrer sa liberté.
Il est à noter que, probablement inspirée par la jurisprudence pénale qui considère que certaines irrégularités portent « nécessairement » grief à l’intéressé et emportent nullité d’un acte de procédure (ex. : retard injustifié de notification des droits dans la garde à vue : Cass. crim., 30 avr. 1996, n° 95-82.217), la première chambre civile estime que certaines irrégularités portent atteinte « en soi » aux droits de la personne faisant l’objet de la mesure (Cass. 1re civ., 5 déc. 2019, n° 19-22.930). L’atteinte aux droits est alors présumée et l’intéressé, dès lors que l’irrégularité est caractérisée, est dispensé de prouver cette atteinte. Tel n’est donc pas le cas du retard dans l’émission du certificat mensuel.
Le juge n’a pas à respecter le contradictoire pour la décision de retarder l’effet de la mainlevée
L’autre intérêt de l’arrêt est de souligner le régime de motivation du prononcé d’un effet retardé à la mainlevée. Le premier président qui avait prononcé celle-ci avait, en effet, décidé, comme le lui permet l’article L. 3211-12, III, du code de la santé publique, que la mainlevée devait produire effet avec un décalage de 24 h afin de permettre, comme le prévoit ce texte, de mettre en place un programme de soins. L’intéressé critiquait ce point dans son pourvoi car le premier président n’avait pas, avant de prendre cette décision de décaler l’effet de la mainlevée, recueilli ses observations. Il estimait donc que cela portait atteinte à l’exigence du contradictoire dans le procès et violait l'article 6, § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La Cour de cassation rejette cet argument en estimant que « lorsqu'il ordonne la mainlevée d'une mesure d'hospitalisation complète, le juge des libertés et de la détention ou le premier président n'a pas à recueillir au préalable les observations des parties sur le fait que cette mainlevée prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi. »
La solution de la Cour de cassation est, sur ce point, peut-être posée de manière un peu trop péremptoire. En effet, l’article L. 3211-12, III, prévoit que cette décision de retarder l’effet de la mainlevée n’est pas prise de manière discrétionnaire et doit être « motivée ». Or, comment motiver correctement une décision sans avoir débattu les éléments qui la fondent avec les parties ?
Mathias Couturier, Maître de conférences à l'université de Caen