Une nouvelle expérience de vote pour les détenus

25.03.2019

Droit public

Ils pourront voter par correspondance aux prochaines élections européennes.

Les détenus incarcérés en France pourront faire connaître leur choix pour les élections européennes en votant par correspondance sous pli fermé. C’est la première fois que ce mode de vote leur est ouvert. Le dispositif est mis en place par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et un décret d’application, tous deux parus au Journal Officiel du 24 mars.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Les détenus disposaient jusqu’ici de deux solutions pour exercer leur droit de vote. Ils peuvent en premier lieu solliciter une autorisation de sortie auprès du juge d’application des peines s’ils ont été condamnés à une peine de prison inférieure à 5 ans, dont moins de la moitié a été exécutée. Le vote par procuration leur est également ouvert sous réserve de fournir un registre d’écrou et d’obtenir ainsi le déplacement d’un officier de police dans l’établissement pénitentiaire pour certifier la procuration.

En leur accordant une troisième possibilité d’exercer leur vote, l’État espère améliorer le taux de participation des détenus aux élections. Il n’était par exemple que de 2 % aux dernières présidentielles.

Cette expérimentation ne concerne pour l’instant que le scrutin européen. De son succès dépendra sa pérennisation pour les futures élections.

Détenus autorisés à voter par correspondance

Seules les personnes placées en détention provisoire et les détenus purgeant une peine n’entraînant pas une incapacité électorale peuvent voter par correspondance, à condition bien entendu d’être inscrites sur les listes électorales.

Ces personnes sont informées par le ministère de la Justice de cette nouvelle possibilité de vote. A cette occasion, un formulaire leur est remis en main propre. Il explique sans ambiguïté que le vote par correspondance exclut par la suite le vote à l’urne ou par procuration sauf cas particulier.

En effet, les détenus qui optent pour le vote par correspondance ne peuvent pas revenir sur leur choix. Une fois admis à voter par correspondance, ils ne pourront pas voter à l’urne ni par procuration. Cela est clairement indiqué dans le formulaire de demande remis aux détenus concernés.

Une dérogation est toutefois prévue pour les électeurs dont la période de détention prend fin après qu’ils ont été admis à voter par correspondance. Si leur sortie doit intervenir avant la veille du scrutin, sachant que celui-ci se tiendra au maximum entre le 13 et le 25 mai, ils peuvent demander au tribunal d'instance l’autorisation de voter à l’urne le 26 mai.

Après sa libération, chaque détenu peut donc saisir le tribunal d’instance de sa commune d’inscription, par déclaration orale ou écrite, faite, remise ou adressée au greffe. La déclaration indique les nom, prénoms, adresse du requérant, son dernier lieu de détention, ainsi que l’objet du recours. Les formalités de jugement sont réduites au minimum. Le tribunal statue sans forme et sur simple avertissement donné au requérant et à la commission électorale, qui peut présenter des observations. La loi n’impose aucun délai mais le tribunal doit impérativement avoir rendu sa décision avant le 26 mai. Le jugement est notifié par le greffe à l’électeur intéressé et à la commission électorale, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Il peut être contesté devant la Cour de cassation dans un délai de 10 jours à compter de sa notification dans les mêmes conditions que les opérations classiques de révision des listes (C. élect., art. R. 19-1 à R. 19-6).

Demande de vote par correspondance

Le détenu qui souhaite voter par correspondance doit remettre son formulaire en main propre au chef d’établissement pénitentiaire avant le 4 avril 2019. Il y indique ses nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance, nationalité, commune d’inscription sur les listes électorales, numéro d’écrou et lieu de détention. Une fois le formulaire remis, la demande ne peut être retirée.

Pour accomplir les missions dont il a la charge tout au long du vote par correspondance, le chef d’établissement pénitentiaire peut déléguer sa signature ou se faire assister par son adjoint, un fonctionnaire appartenant à un corps de catégorie A ou un membre du corps de commandement placé sous son autorité.

Instruction de la demande
Procédure et délais d’instruction

Au moment où le détenu lui remet le formulaire, le chef d’établissement pénitentiaire vérifie son identité, et ce par tous moyens. Une fois la liste des demandes établie, l’administration pénitentiaire la fait parvenir à une commission électorale spécialement constituée, qui la transmet à son tour à l’INSEE au plus tard le 12 avril 2019 à midi.

Le 29 avril 2019, l’INSEE doit avoir vérifié que les personnes ayant formulé une demande sont inscrites sur une liste électorale et en avoir informé la commission électorale.

La liste définitive des électeurs admis à voter par correspondance est arrêtée au plus tard le 30 avril 2019 par la commission électorale. Elle est utilisée comme liste d’émargement et n’est pas communicable. La commission électorale informe les détenus de l’admission ou du rejet de leur demande.

Composition et organisation de la commission électorale

Elle est composée :

  • d’un membre de la Cour de cassation ou de son suppléant, également membre de la Cour de cassation, désignés par le premier président de la Cour de cassation, président ;
  • d’un magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ou de son suppléant, également magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, désignés par le vice-président du Conseil d’État ;
  • du directeur de l’administration pénitentiaire au ministère de la justice ou de son représentant ;
  • du directeur de la modernisation et de l’action territoriale du ministère de l’intérieur ou de son représentant ;
  • du directeur général des outre-mer ou de son représentant.

La liste des membres titulaires et suppléants de la commission électorale est établie par un arrêté conjoint du ministre de l’Intérieur et du Garde des sceaux.

Un quorum de trois membres est impératif pour que la commission puisse siéger. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante. En cas d’absence ou d’empêchement, le président est remplacé par le plus âgé des membres présents.

Le secrétariat de la commission est assuré par la direction de l’administration pénitentiaire.

Gestion des listes électorales

La commission électorale doit adresser à l’INSEE la liste des détenus admis à voter. Par l’intermédiaire du REU, l’institut prévient le maire des communes d’inscription, l’ambassadeur ou le chef des postes consulaires. Celui-ci doit en effet indiquer sur les listes d’émargement qu’un vote par correspondance sera exercé.

La mention « ne vote pas dans la commune » ou « ne vote pas dans la circonscription consulaire » est alors portée à l’encre rouge devant le nom de l’électeur concerné sur la liste d’émargement. Pour les listes d’émargement éditées par des moyens informatiques, la mention peut être portée en noir à condition que les caractères utilisés se distinguent avec netteté de ceux qui sont utilisés pour l’édition des autres indications figurant sur la liste.

Remarque : bien qu’une date butoir soit fixée au 30 avril, des ajouts et des retraits de noms pourront être effectués postérieurement. La commission électorale pourra procéder aux rectifications nécessaires de la liste. La procédure à suivre pour informer l’INSEE, les maires et les ambassadeurs et corriger les listes d’émargement est identique à celle mise en œuvre antérieurement.

Organisation du scrutin
Matériel de vote

Les bulletins de vote destinés au vote par correspondance passent par le contrôle de la commission de propagande instituée pour Paris. Les candidats têtes de liste ou leurs représentants pour les élections européennes doivent lui remettre ces bulletins. La date de remise et les quantités seront fixées par un arrêté à paraître du ministre de l’Intérieur.

L’acheminement du matériel de vote est assuré par la direction de l’administration pénitentiaire. A ce titre, chaque chef d’établissement pénitentiaire concerné reçoit :

  • les bulletins de vote ;
  • une enveloppe électorale pour contenir le bulletin de vote ;
  • une enveloppe d’identification.
Date du scrutin

Les opérations de vote doivent se dérouler entre le 13 et le 25 mai. Le chef d’établissement définit lui-même l’intervalle pertinent tout en restant dans cette limite. Le délai doit être assez important pour garantir l’effectivité de l’exercice du suffrage.

Déroulement du scrutin

L’installation d’isoloirs n’est pas imposée mais chaque électeur doit être soustrait aux regards pendant qu’il introduit son bulletin dans l’enveloppe électorale.

L’identité de l’électeur est ensuite vérifiée par le chef d’établissement. Immédiatement après, le détenu reçoit son enveloppe d’identification. Celle-ci précise ses nom, prénoms, lieu de détention et numéro d’écrou du détenu. Elle contient l’enveloppe électorale ainsi qu’une photocopie de la pièce d’identité de l’électeur ou, à défaut, un document attestant de l’identité de l’électeur établi par le chef d’établissement. L’enveloppe d’identification est scellée par le détenu qui, une fois ce geste accompli, ne peut plus revenir sur son choix.

Le détenu signe ensuite l’extrait de la liste des électeurs admis à voter par correspondance, qui tient lieu de liste d’émargement.

Centralisation des votes
Envoi des enveloppes

Les enveloppes d’identification sont conservées dans un lieu sécurisé. Les correspondances des personnes détenues avec la commission électorale, notamment l’enveloppe d’identification et l’enveloppe électorale, sont des correspondances protégées (L. 24 nov. 2009, art. 40, al. 3 ; C. proc. pén., art. R. 57-6-18, ann.).

Une fois le vote achevé, le chef d’établissement pénitentiaire adresse à la commission électorale avant le 26 mai, 16h :

  • les enveloppes d’identification scellées ;
  • l’extrait de la liste des électeurs admis à voter par correspondance ;
  • un procès-verbal en double exemplaire qui indique le nombre d’électeurs de l’établissement admis à voter par correspondance et le nombre d’électeurs ayant effectivement pris part à ce vote. Le chef d’établissement y mentionne en outre toute observation qu’il estime nécessaire à l’information de la commission électorale. Il y joint, s’il y a lieu, les réclamations formulées par les électeurs.

Les documents parvenus à la commission hors délai ne sont pas examinés.

Décompte des votes

Les documents transmis par les établissements pénitentiaires sont conservés dans un lieu sécurisé, sous la responsabilité du secrétariat de la commission électorale jusqu’au 26 mai. A cette date, les votes sont centralisés au ministère de la justice, 13 place Vendôme à Paris. Dans ce lieu, entre 10h et 18h, les suffrages sont dénombrés et les résultats proclamés par la commission selon les étapes suivantes :

  • vérification du nombre d’enveloppes d’identification reçues des établissements pénitentiaires puis ouverture de celles-ci ;
  • mention sur la liste d’émargement, pour chaque établissement, des détenus qui ont pris part au vote par correspondance. Cette mention n’est pas apposée pour les enveloppes d’identification reçues au nom d’un même électeur, parvenues à la commission après le 26 mai, ne comportant pas les mentions requises ou les documents nécessaires ou pour lesquelles la commission n’a pas authentifié l’identité de l’électeur.
Remarque : les enveloppes qui ne sont pas admises et tout leur contenu est annexée au procès-verbal des opérations de vote.
  • introduction au fur et à mesure des enveloppes électorales dans une ou plusieurs urnes transparentes.

Lorsque ces opérations sont terminées, la liste d’émargement est signée par tous les membres de la commission.

Dépouillement des votes
Responsables du dépouillement

Le dépouillement est réalisé par des scrutateurs désignés au préalable par la commission.

Par ailleurs, chaque candidat tête de liste ou son représentant peut désigner un délégué en vue de contrôler les opérations de la commission. Ces délégués peuvent être désignés scrutateurs.

Remarque : la désignation de délégués doit être réalisée par télécopie ou courrier électronique auprès du Garde des sceaux avant le 22 mai, 18h. Tout changement de délégué est notifié sous la même forme et dans le même délai.

S’il n’y a pas assez de scrutateurs, les membres de la commission peuvent participer au dépouillement.

Procédure de dépouillement

Après le 26 mai, 18h, les urnes sont ouvertes. Le dépouillement est opéré immédiatement et sans désemparer, sous la surveillance des membres de la commission.

Une fois les opérations de lecture et de pointage terminées, les scrutateurs remettent à la commission :

  • les feuilles de pointage signées par eux ;
  • les bulletins, enveloppes électorales et enveloppes de centaine dont la régularité leur a paru douteuse ou a été contestée par les délégués des candidats. Les règles relatives aux suffrages non admis sont identiques à celles applicables pour tous les autres scrutins (C. élect., art. R. 66-2).
Résultats du vote

Immédiatement après la fin du dépouillement, les résultats du recensement des votes sont constatés par un procès-verbal. Celui-ci est établi en double exemplaire et signé de tous les membres de la commission en présence des délégués des candidats qui contresignent ces deux exemplaires.

Remarque : l’électeur qui conteste l’élection en justice peut prendre connaissance du procès-verbal auprès du secrétariat de la commission.

Le président de la commission nationale de recensement général des votes reçoit :

  • le premier exemplaire, qui indique notamment les réclamations présentées par les délégués ;
  • la liste des électeurs admis à voter par correspondance ;
  • les pièces fournies à l’appui des réclamations et des décisions prises par la commission.

Le deuxième exemplaire est déposé et conservé à la direction de l’administration pénitentiaire dans un lieu sécurisé jusqu’au 5 juin. Y sont joints :

  • les pièces fournies à l’appui des réclamations et des décisions prises par la commission ;
  • les bulletins de vote blancs et nuls ;
  • les enveloppes électorales trouvées sans bulletin ;
  • les enveloppes d’identification et enveloppes électorales écartées du scrutin par la commission électorale lors de son examen du 26 mai.

Les bulletins autres que ceux qui doivent être annexés au procès-verbal sont détruits en présence des scrutateurs et des délégués des candidats.

Anne Debailleul, Guide Pratique des Élections
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