Saisie en tant que cour de renvoi d’un litige opposant l'ONIAM à une infirmière vaccinée contre l'hépatite B, la cour administrative d’appel de Nantes maintient qu’en l'état des connaissances scientifiques, aucune probabilité d'un lien de causalité entre l'injection d’un vaccin contenant un adjuvant aluminique et la survenue de symptômes évoquant une myofasciite à macrophages ne peut être retenue.
Saisi de pourvois dirigés contre deux arrêts de la cour administrative d’appel de Nantes ayant rejeté des demandes indemnitaires au motif qu’aucun lien de causalité n’avait été scientifiquement établi entre l’administration de vaccins contenant des adjuvants aluminiques et le développement de différents symptômes constitués de lésions histologiques de myofasciite à macrophages, le Conseil d’État a imposé aux juridictions du fond une approche probabiliste du lien de causalité lorsqu’elles se prononcent sur un litige individuel portant sur les conséquences dommageables d’une vaccination obligatoire (CE, 29 sept. 2021, n° 435323 ; CE, 29 sept. 2021, n° 437875).
Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.
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Statuant en tant que cour de renvoi dans la seconde affaire, la cour administrative d‘appel de Nantes maintient qu’en l'état des connaissances scientifiques, aucune probabilité d'un lien de causalité entre l'injection d’un vaccin contenant un adjuvant aluminique et la survenue de symptômes évoquant une myofasciite à macrophages ne peut être retenue.
En l’espèce, une infirmière a été vaccinée contre le virus de l'hépatite B entre 1992 et 1998. Des symptômes de paresthésies associés à des douleurs importantes sont apparus en 2007, le diagnostic d'une myofasciite à macrophages ayant été établi en août 2009. Saisi par l’intéressée, l’ONIAM a rejeté, en avril 2016, la demande indemnitaire présentée au titre de l’article L. 3111-9 du code de la santé publique.
En première instance, l’infirmière a obtenu gain de cause puisque le tribunal administratif de Caen a condamné l'ONIAM à lui verser un capital de 367 418 euros ainsi qu'une rente annuelle de 9 911 euros en réparation de ses préjudices (TA Caen, 22 juin 2017, n° 1601158). Mais le jugement a été annulé en appel, la cour administrative estimant, au vu des travaux scientifiques de diverses autorités académiques, qu'aucun lien de causalité n'avait été scientifiquement établi (CAA Nantes, 26 nov. 2019, n° 17NT02615).
C’est à l’occasion du pourvoi introduit contre cet arrêt que le Conseil d’Etat a été conduit à reformuler sa jurisprudence et à censurer l’arrêt pour erreur de droit.
Selon le juge de cassation administrative, pour écarter la responsabilité de l’Etat au titre d’une vaccination obligatoire, il convient, non pas de rechercher si le lien de causalité entre l’administration d’un vaccin comportant des adjuvants aluminiques et les symptômes liés à une myofasciite à macrophages est ou non établi, mais de s’assurer, au vu du dernier état des connaissances scientifiques, qu’il n’y a aucune probabilité qu’un tel lien existe.
Si la probabilité est nulle, la demande indemnitaire ne peut être que rejetée, aucun lien n’étant susceptible d’être scientifiquement établi. Si la probabilité n’est pas nulle, la démonstration de la relation causale peut résulter d’un faisceau d’indices et relever du mécanisme de la présomption, l’appréciation de cette relation causale devant être établie au cas par cas, compte tenu des circonstances de l’espèce.
L’existence d’un lien de causalité ne peut alors être retenue que si les symptômes ressentis par la personne vaccinée sont apparus, postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d’affection, ou se sont aggravés à un rythme et une ampleur qui n’étaient pas prévisibles au vu de son état de santé antérieur ou de ses antécédents et, par ailleurs, qu’ils ne peuvent pas être regardés comme résultant d’une autre cause que la vaccination.
Pour affirmer qu’aucune probabilité d’un lien de causalité entre l'injection du vaccin contre le virus de l'hépatite B contenant ou non un adjuvant aluminique et la survenue de symptômes pouvant se rattacher aux manifestations cliniques caractéristiques d'une myofasciite à macrophages ne peut être retenue, la cour administrative d’appel s’est fondée sur les conclusions de l’Académie nationale de médecine qu’elle a formellement sollicitées lors de l’instruction, sur le fondement de l'article R. 625-3 du code de justice administrative.
Dans son avis rendu le 22 septembre 2022, l'Académie nationale de médecine indique que « si l'hypothèse que la persistance d'une quantité microscopique d'aluminium au site d'injection pendant des années après une vaccination reflèterait la distribution normale de l'élimination de l'aluminium au sein d'une population vaccinée peut être retenue, celle de son rôle éventuel dans la mise en œuvre d'une maladie clinique générale, qu'elle soit inflammatoire et/ou auto-immune n'est pas démontrée à ce jour ».
C’est à partir de ce constat que la cour en a déduit qu’aucune probabilité du lien causal ne pouvait être retenue, l’étude scientifique et la publication invoquées contradictoirement par la demanderesse n’ayant pas été jugées suffisamment pertinentes pour remettre en cause l’avis académique. Reste à voir si le fait qu’aucun lien de causalité ne soit démontré à ce jour suffise à regarder la probabilité qu’un tel lien existe comme nulle.
Il n’est pas impensable que le Conseil d’Etat soit de nouveau conduit à statuer sur cette interprétation, d’autant que la cour administrative d’appel de Nantes a également considéré qu’il n’existait aucune probabilité d'un lien de causalité entre l'injection du vaccin contre le virus de l'hépatite B et la survenue d'une sclérose en plaques (CAA Nantes, 3 juin 2022, n° 21NT00333).
Remarque : statuant en tant que cour de renvoi dans l’autre affaire ayant donné lieu à la cassation du Conseil d’Etat, la cour administrative d‘appel de Nantes a rejeté le recours formé par une personne vaccinée contre le virus de l’hépatite B durant son service militaire et qui avait bénéficié par la suite d’une pension militaire d'invalidité, mais dont la demande d'indemnisation de divers préjudices non indemnisés par sa pension avait été rejetée par l’ONIAM, le tribunal administratif d'Orléans confirmant cette décision au motif que la créance était prescrite : la cour considère, de la même manière, qu’aucune probabilité d'un lien de causalité entre l'injection du vaccin contre le virus de l'hépatite B contenant ou non un adjuvant aluminique et la survenue de symptômes caractéristiques d'une myofasciite à macrophages ne peut être retenue (CAA Nantes, 3 févr. 2023, n° 21NT02781).
Jérôme Peigné, Professeur à l'Université Paris Cité (Institut Droit et santé)