Vente en ligne de médicaments : revirement du Conseil d'Etat

26.03.2021

Droit public

Le Conseil d’Etat juge illégale l’interdiction de référencement payant des sites de vente en ligne de médicaments et enjoint au ministre de la Santé d’abroger la disposition litigieuse figurant dans l’arrêté du 26 novembre 2016.

Le Conseil d’Etat était saisi d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision ministérielle refusant d’abroger une disposition figurant en annexe de l’arrêté du 26 novembre 2016 relatif aux règles techniques applicables aux sites internet de commerce électronique de médicaments, dans la mesure où elle interdit la recherche de référencement dans des moteurs de recherche ou des comparateurs de prix contre rémunération.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Alors qu’il s’était déjà prononcé sur cette question à l’occasion d’un recours direct contre l’arrêté (CE, 4 avr. 2018, n° 407292) – il avait alors confirmé la légalité de la disposition interdisant le référencement payant des sites internet de pharmacie – le juge administratif vient de décider, par un arrêt du 17 mars 2021, que cette restriction était illégale.

Ce revirement n’est pas surprenant si l’on considère la récente jurisprudence de la Cour de justice rendue sur un renvoi préjudiciel de la cour d’appel de Paris à propos de la compatibilité avec le droit de l’Union des règles françaises encadrant la publicité des sites de pharmacies en ligne (CA Paris, 28 sept. 2018, n° 17/17803).

Dans un arrêt du 1er octobre 2020, qui n’est pas expressément mentionné dans la décision du 17 mars 2021, la Cour de justice a estimé qu’un Etat membre ne peut pas interdire aux pharmacies proposant un service de commerce électronique de médicaments de recourir au référencement payant dans des moteurs de recherche et des comparateurs de prix, à moins qu’il ne soit dûment établi devant la juridiction nationale qu’une telle restriction est apte à garantir la réalisation de l’objectif de protection de la santé publique et qu’elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (CJUE, 1er oct. 2020, A., aff. C‑649/18).

En défense, le ministre chargé de la santé a excipé de l’exception de la chose jugée par le Conseil d’Etat dans son arrêt du 4 avril 2018. L’autorité relative de la chose jugée suppose toutefois une identité de l’objet. Or, les deux recours pour excès de pouvoir, s’ils sont dirigés contre le même arrêté, ne repose pas sur le même objet. L’objet du second recours, qui vise à demander l’annulation du refus d’abroger la disposition litigieuse de l’arrêté, est en effet distinct de celui du premier recours, lequel tendait à obtenir l’annulation rétroactive des dispositions contestées de l’arrêté du 28 novembre 2016.

L’arrêt du 4 avril 2018 ne fait donc pas obstacle à ce que soit contestée la disposition interdisant le référencement payant des sites de commerce électronique de médicaments par la voie d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d’abroger cette disposition.

Alors qu’elle avait jugé qu’une telle restriction ne peut être regardée comme soumettant le commerce électronique de médicaments à des contraintes disproportionnées au regard de l’objectif de protection de la santé publique, la Haute juridiction administrative s’est appuyée sur un autre moyen, en l’occurrence celui de la rupture d’égalité.

Elle a en effet estimé que l’interdiction de référencement payant des sites de vente en ligne de médicaments, applicable aux seules officines situées en France, ne repose pas sur un motif d’intérêt général suffisant, en rapport avec l’objectif de lutte contre la surconsommation des médicaments, et qu’elle porte, dès lors, une atteinte injustifiée au principe d’égalité.

La décision ministérielle refusant d’abroger l’annexe de l’arrêté du 28 novembre 2016, en tant qu’elle interdit le référencement payant de ces sites dans des moteurs de recherche ou des comparateurs de prix, est donc annulée, le Conseil d’Etat ayant enjoint au ministre chargé de la santé d’abroger la disposition litigieuse dans le délai de deux mois.

Jérôme Peigné, Professeur à l'université Paris Descartes
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