Vente en ligne des médicaments : les plateformes sont illicites

25.06.2019

Droit public

La Cour de cassation juge illicites les plateformes en ligne référençant des sites de commerce électronique de médicaments.

Saisie d’un pourvoi introduit par un collectif de pharmaciens (l’UDGPO) contre un arrêt de la cour d’appel de Versailles ayant estimé que le site Doctipharma n’exerçait aucune activité illégale, la Cour de cassation vient de leur donner raison en estimant que la plateforme de vente en ligne de médicaments est illicite dans la mesure où elle n’est pas directement détenue et exploitée par des pharmaciens diplômés.
 
Concrétisant le concept « d’ubérisation de la santé », la société Doctipharma exploite en effet un site web de commerce électronique de médicaments non soumis à prescription médicale et de produits parapharmaceutiques  (www.doctipharma.fr). Procédant à une désintermédiation de la relation entre les pharmaciens et les acheteurs, elle référence, via sa plateforme, des produits vendus en ligne par des pharmacies d’officine légalement autorisées par les ARS à exercer le commerce électronique de médicaments sans ordonnance.
 
En première instance, le Tribunal de commerce de Nanterre avait accueilli la demande du collectif de pharmaciens. Il avait ainsi jugé que le site Doctipharma ne saurait être regardé comme un simple concepteur et éditeur d’une solution technique destinée à des pharmaciens d’officine, mais constituait bien un site de vente en ligne de médicaments, regroupant plusieurs pharmacies, cette plateforme n’étant pas, de surcroît, autorisée par l’ARS compétente (T. com. Nanterre, 31 mai 2016, n°  2015F00185, UGDPO c/ Sté Doctipharma).
 
Le jugement a ensuite été infirmé par la cour d’appel de Versailles, cette dernière considérant, d’une part, que la société Doctipharma ne faisait que référencer des sites de pharmacies d’officine légalement autorisées à exercer une activité de commerce électronique et, d’autre part, que le site doctipharma.fr n’était qu’une plateforme technique ne procédant à aucune commercialisation directe de médicaments, laquelle reste le fait des seuls pharmaciens référencés sur le site, aucune disposition n’interdisant que ceux-ci aient recours à une plateforme commune comme support technique de leurs sites, et peu importe que le paiement des achats en ligne soit centralisé par la société éditrice de la solution technique (CA Versailles, 12 déc. 2017, n° 16/05167).
 
Par sa décision du 19 juin 2019, la Cour de cassation vient de censurer cet arrêt. La Chambre commerciale a en effet estimé qu’au regard des dispositions combinées des articles L. 5125-25 et L. 5215-26 du code de la santé publique, lesquelles, d’une part, prohibent la vente de médicaments et d’autres produits relevant du monopole des pharmaciens par l’intermédiaire de personnes non diplômées et, d’autre part, interdisent aux pharmaciens de recevoir des commandes par l’entremise d’intermédiaires non diplômés, l’arrêt de la cour d’appel devait être annulé pour violation de la loi, en ce qu’il avait relevé que l’activité de la société Doctipharma consistait à mettre en relation, par le biais d’une plateforme en ligne, des pharmaciens d’officine et des acheteurs de médicaments.
 
Les dispositions légales invoquées ont précisément pour objet d’interdire la vente par correspondance et par intermédiaire de médicaments dont la vente directe – et par suite non désintermédiée – relève de la compétence exclusive des pharmaciens d’officine, peu importe qu’elle soit le fruit d’une activité dématérialisée.
 
Cette décision est à mettre en parallèle de l’avis récent de l’Autorité de la concurrence (avis n° 19-A-08 du 4 avril 2019 relatif aux secteurs de la distribution du médicament en ville et de la biologie médicale privée) considérant que la législation française sur le commerce en ligne des médicaments était trop contraignante pour permettre son développement optimal.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Jérôme Peigné, Professeur à l'université Paris Descartes
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