Cancers professionnels, travail détaché, équipements de protection individuelle... le Parlement européen légifère sur des sujets relatifs à la santé sécurité au travail. Parfois, les mesures prises, ou souhaitées par les députés mais retoquées par les gouvernements, sont plus protectrices que ce qu'impose la loi française.
Non, le contrôle des frontières et de l’immigration n'est pas le seul enjeu des élections européennes. L’Europe sociale fonctionne parfois : l’Union légifère sur des questions relatives aux conditions de travail et à la protection des salariés. Certes, la Commission européenne, non élue, est souvent à l’initiative, mais les députés, que nous devons choisir le 26 mai prochain, jouent aussi un rôle.
La question des cancers professionnels en est un exemple. Une directive dite cancérogène de 1990 fixe des valeurs limites d’exposition professionnelle aux agents dangereux. Certaines VLEP européennes ne changent rien en France parce qu'elles sont plus élevées que celles qui y sont déjà en vigueur, mais d'autres sont au contraire bien plus strictes.
Or, ce texte est progressivement en train d’être revu. Lors de trois récentes vagues de réforme, la Commission a proposé des modifications, le parlement les a amendées de manière à rendre la législation plus ambitieuse en termes de protection des travailleurs, en proposant notamment des valeurs limites moins élevées et l'introduction de nouveaux agents, et un compromis a finalement été trouvé. Le parlement a par exemple échoué à introduire explicitement les substances toxiques pour la reproduction dans le champ de la directive, mais est parvenu à y insérer les gaz d’échappement des moteurs diesel.
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"Le texte final est nettement meilleur que la proposition initiale", commentait en 2018 Laurent Vogel à propos de la première phase de révision. D'après les observations de ce juriste spécialiste de la santé sécurité au travail à l'Etui (institut syndical européen), les questions de SST sont arrivées sur la table dès la création du marché européen mais à partir de 2002 le nombre de textes européens en la matière a baissé. Les réponses sont devenues plus partielles aussi à partir de cette date. D'après lui, la question des cancers professionnels est donc une "contre tendance".
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Le parlement européen a revu l'an dernier les conditions de ce qu’on appelle le travail détaché. Désormais, la durée du détachement est limitée à une année contre deux avant et, à travail égal, un travailleur détaché devra percevoir la même rémunération, comprise au sens large, qu’un travailleur local.
Le parlement a aussi, en avril dernier, modifié les règles du transport routier pour améliorer les conditions de travail des chauffeurs et limiter la concurrence déloyale entre pays. Les temps de conduite journaliers et hebdomadaires, les temps de pause et de repos minimaux seront désormais réglementés pour tous les conducteurs. Le repos hebdomadaire ne devra plus être pris dans le camion et les chauffeurs devront pouvoir repartir régulièrement dans leur pays d’origine.
Le même mois, le parlement européen a aussi adopté un projet de résolution pour les travailleurs dits "uberisés", qui exercent un emploi à la demande, notamment ceux qui travaillent pour des plateformes comme Uber et Deliveroo par exemple.
Le salaire minimum varie beaucoup d’un État membre à l’autre, et certains pays en sont dépourvus. Des candidats aux élections européennes souhaitent introduire un salaire minimum européen. Or, comme le montre le sociologue américain Matthew Desmond repris par Alternatives économiques, l’instauration d’un smic améliore la santé des travailleurs, notamment en diminuant le stress induit par la pauvreté, ce qui aide à prendre des décisions favorables pour sa santé et son bien être. Les personnes qui en bénéficient "sont plus reposées, plus détendues [...] Matthew Desmond montre que, dans ce cas, on peut mieux se soigner", résume l'hebdomadaire français. Bien sûr, tout dépend du niveau de ce smic, et cette mesure n'aurait, a priori, pas d'influence directe sur la santé des travailleurs en France.
L'Union adopte petit un petit un socle européen de droits sociaux. Un accord a récemment été trouvé sur l'un des vingt thèmes : l'équilibre entre la vie et la vie professionnelle. Cette fois-ci, parlement et commission étaient d'accord pour adopter un texte ambitieux, mais au Conseil, près de la moitié des État, dont la France, s'y sont opposés. Emmanuel Macron trouvait que rémunérer le congé parental et le congé de proche aidant à un niveau équivalant au moins à ce que le travailleur reçoit en cas de congé maladie serait "insoutenable" financièrement.
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D'autres sujets, sur lesquels le parlement ne devrait pas plancher dans les années à venir, sont traités par l'Union. C'est le cas des EPI (équipements de protection individuelle). Une directive de 1989, modifiée et transformée en règlement il y a peu, traite de la question. Le texte impose des exigences essentielles de sécurité à ces équipements. Il concerne donc surtout leurs concepteurs et fabricants. C'est la même chose pour la directive dite machines, entrée en vigueur en 2009. En 2015, une évaluation de la Commission estimait que les coûts globaux engendrés par la directive (estimés à environ 136 millions d'euros par an) sont largement compensés par les économies réalisées grâce à l'amélioration de la santé et de la sécurité (estimées à environ 401 millions d'euros par an).
Les chercheurs de l'Etui portent une attention particulière aux risques psychosociaux, sur lesquels l'Union n'a pas encore légiféré. Le sujet est pour le moment plutôt traité par la direction générale santé de la Commission européenne, ce que regrettent les syndicats. D'après eux, la question serait traitée par une approche individuelle au lieu de regarder les organisations du travail défaillantes.
De manière plus générale, certes, comme le constate Laurent Vogel, "c'est parce que des règles plus efficaces ont déjà été adoptées dans un certain nombre d'Etats membres que la législation européenne peut évoluer", mais l'effet de levier n'est pas à négliger.
HSE
Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement.
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