Depuis le rapport Lecocq, l'association Présanse – qui rassemble la majorité des services de santé au travail interentreprises – n'a de cesse de chercher à être force de proposition. Un travail de fond est sur le point d'aboutir : définir une offre de services dans un vocabulaire commun à tous les SSTI. Avec en ligne de mire un cahier des charges, puis un référentiel ouvrant la voie à la certification tierce partie. Pourquoi défendre la certification, quels avantages par rapport au label Amexist ou à l'agrément de l'État, comment définir des indicateurs, quel impact sur la fusion des services ?… Explications avec le directeur général de Présanse.
Il y a un peu plus d'un an, le rapport de Charlotte Lecocq, Henri Forest et Bruno Dupuis préconisait de "fortement réorganiser" tout notre système de santé au travail, sur la base d'un constat assez sévère de l'activité des SSTI, décrivant un "écart grandissant de perception entre les services attendus et rendus". Le rapport écrit un scénario big-bang avec une nouvelle entité nationale publique – que la députée Charlotte Lecocq désigne par "France Santé Travail" – et des structures régionales englobant les SSTI. Édouard Philippe saluait alors des "préconisations […] disruptives, ce qui est nécessaire en ce domaine". La réforme était promise pour cette année. Et depuis ? Pas grand chose de concret. En février, la secrétaire d'État Christelle Dubos a semblé se positionner sur la question, mais sans suite. Du côté des partenaires sociaux, 3 mois de réunions régulières au sein du GPO (groupe permanent d'orientation) du Coct (conseil d'orientation sur les conditions de travail) se sont soldés par un constat d'échec. Ils devaient défricher le terrain et déterminer les sujets sur lesquels ils étaient prêts pour une négociation (paritaire) ou une concertation (tripartite, avec l'État). En juin – après un échange tendu avec le ministère – ils n'ont pu qu'acter l'impossibilité à se mettre d'accord. Parmi les lignes rouges côté employeurs figure la question de la gouvernance des SSTI : hors de question d'aller vers des structures régionales les englobant. Enfin, plus récemment, un rapport sénatorial s'est opposé aux préconisations du rapport Lecocq, préconisant de garder les services de santé au travail interentreprises, et de les certifier. C'est justement ce que défend Présanse. ► Martial Brun est directeur général de Présanse, association à laquelle adhérent la quasi-totalité des services de santé au travail interentreprises, puisqu'elle revendique 240 services – sur environ 250. Présanse, ex-Cisme, a changé de nom en 2018, et a achevé cette année-là de structurer son réseau : chaque région métropolitaine a désormais son antenne. |
Martial Brun : Il ne s'agit pas d'attaquer, mais de faire savoir. Cela a été une de nos premières réactions à la lecture du rapport de Charlotte Lecocq. Autant nous partagions le diagnostic de la nécessité de progrès, autant l'état des lieux n'était pas instruit par des données. Il n'y a dans le rapport à peu près rien sur la réforme de 2016 [sur le nouveau suivi médical, NDLR], alors que dans les services, l'activité a été redéployée sur l'action en milieu de travail, dans des proportions très importantes. Nous avons donc mobilisé notre réseau pour décrire, montrer les enjeux, et faire entendre notre voix de partie prenante. Nous craignions – et nous craignons toujours aujourd'hui – qu'une réforme d'ampleur telle qu'elle se dessine, se décide sans intégrer la réalité de l'activité des services en 2019.
Martial Brun : Commercial est un adjectif que je réfute assez facilement. En revanche, il est très important aujourd'hui que l'on développe une démarche de service. Ce n'est d'ailleurs pas nous qui avons utilisé en premier cette expression : le rapport Lecocq parle d'une offre de services en santé au travail (1). Si ce vocabulaire, dont nous nous sommes emparés pour correspondre à des attentes, permet de repenser le système en fonction des bénéficiaires – que sont les salariés pour leur santé et les employeurs pour leur responsabilité –, c'est quelque chose que l'on porte très volontiers. Très longtemps le système a été conditionné par les textes, on était davantage dans une démarche de conformité réglementaire que de réponse au besoin. Ce vocabulaire du service permet de repenser la cible et l'objet.
Martial Brun : Tous les services font globalement la même chose, mais ils ne l'expriment pas du tout de la même façon, ce qui gêne la lisibilité. Nous avons donc commencé par faire un état des lieux de ce qui est proposé, puis nous avons cartographié ces activités sous un vocabulaire commun. On a décrit 15 pans de l'offre (2). C'est peut-être le plus gros sujet de la réforme à venir : déterminer ce que doit faire un service de santé au travail.
Prenons l'exemple de l'aide à l'évaluation des risques. Tous les services en font. Mais pas dans les mêmes proportions, pas avec les mêmes modalités d'accompagnement, et pas avec la même effectivité auprès de toutes les TPE-PME. Le travail qui se poursuit est d'essayer de déterminer quelle serait l'exigence à imposer à tous les services de santé au travail pour que les entreprises bénéficient d'une offre cohérente sur tout le territoire. Cela doit nous permettre d'aboutir à un cahier des charges.
Martial Brun : On pourrait par exemple se dire qu'il faut faire la fiche d'entreprise – premier pas vers le document unique – au moins tous les 5 ans pour toutes les entreprises. Vous voyez : une fois que l'on définit des objectifs, des indicateurs et des livrables, on est beaucoup plus précis sur l'attente envers le SSTI. Nous essayons de construire cette déclinaison pour les 15 pans de l'offre, de voir comment les formaliser en exigences. Pour ce travail, on mobilise des médecins du travail, des IPRP, des directeurs de services, des présidents, dans des groupes régionaux et aujourd'hui inter-régionaux.
Martial Brun : L'agrément a plusieurs défauts. Les politiques d'agrément qui sont censées être obligatoires dans chaque région n'ont pas toujours été définies – ou ne sont pas connues des services. Lorsqu'elles existent, il n'y a pas d'homogénéité ; même l'État le reconnaît, me semble-t-il. Cela n'aide pas à la cohérence, et la montée en niveau le cas échéant. De plus, les critères pour l'agrément ne sont pas tous qualitatifs. Par exemple, on ne vient pas vérifier le DMST est conforme aux recommandations de la HAS, alors qu'on sait que c'est un point central de notre activité. Nous préconisons depuis des années une certification tierce partie, qui permette de vérifier l'organisation et l'atteinte de certains objectifs. Cette certification pourrait être une des pièces majeures de l'autorisation de fonctionner.
Martial Brun : La profession s'est en effet créé son label, avec trois niveaux : l'attestation d'engagement (Amexist niveau 1), puis de mise en œuvre (niveau 2) et la certification (niveau 3). Une soixantaine de services sont engagés dans la démarche à des différents stades, et ils couvrent un peu plus de la moitié des salariés suivis. L'évolution souhaitée serait que l'entité de pilotage des services de santé au travail – sans doute tripartite, c'est-à-dire le France Santé Travail proposé par Charlotte Lecocq, s'il existe un jour, ou le Coct aujourd'hui – s'approprie le référentiel qui servira de base à une certification tierce partie, et lui donne ainsi toute sa légitimité. Une légitimité qui aura fait le parcours du dialogue social et de l'arbitrage de l'État.
Martial Brun : L'objet social de Présanse est d'aider les SSTI à réaliser leurs missions. Nous n'avons pas d'autres prétentions. Présanse représente les services, nous pouvons à ce titre consolider des positions, des chiffres, des données, etc, et constituer un interlocuteur pour ceux qui pilotent, qui sont l'État et les partenaires sociaux. Néanmoins, nous pourrions être beaucoup plus, en région comme au niveau national, des interlocuteurs des politiques de santé au travail.
Le travail que nous menons sur l'offre de services, pour aboutir à un cahier des charges, puis à un référentiel ouvrant la voie à la certification tierce partie, ce n'est pas pour en décider nous-mêmes, c'est pour le proposer. On est dans le flou : le rapport Lecocq a plus d'un an et le gouvernement n'a toujours pas déclaré ses intentions. On nous accordera simplement la démarche constructive d'être force de proposition. Ensuite, on verra si le contenu de notre proposition est crédible et si cela aide les décideurs – partenaires sociaux et État – à prendre position.
Martial Brun : Si, et c'est d'ailleurs un de nos arguments en faveur de la certification, dans une démarche vertueuse : soit vous êtes capables de répondre aux exigences, et donc aux besoins des salariés et entreprises, soit vous êtes trop court, et cela vous impose de fusionner pour parvenir à la certification. Ce processus est déjà engagé, plusieurs services se sont déjà regroupés dans une logique de progrès, mais cela reste lent, alors qu'on sent une forte attente. Il est nécessaire d'accélérer les choses, d'aller vers cette certification tierce partie.
(1) Le rapport fixe en effet comme objectif à la réforme, entre autres, d'"assurer à toutes les entreprises sur chaque territoire, une offre de services certifiée, homogène, accessible et lisible".
(2) Martial Brun a présenté ces 15 pans lors des journées santé-travail organisées par Présanse, le 16 octobre 2019. Les voici. Les 15 "briques" ne sont pas hiérarchisées.
- identification des situations de travail et analyse des risques ;
- métrologie de certaines expositions de l'entreprise ;
- accompagnement à la rédaction et à la mise en œuvre du DUERP ;
- suivi de l'état de santé des salariés en lien avec le travail ;
- baromètres santé ;
- propositions d'aménagement de poste ;
- préparation de la reprise du travail et avis d'aptitude ;
- conseils pour la santé globale et orientations vers le secteur du soin ;
- accompagnement social des salariés en risque de désinsertion professionnelle ;
- intervention à la suite d'un événement grave ;
- information et sensibilisation aux risques professionnels ;
- formation de relais en entreprise ;
- conseil dès la conception des lieux de travail ;
- accès à mon historique personnel santé au travail.
HSE
Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement.
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