[interview] Vianney Cuny : "La contestation de la loi Asap confond simplification et réduction du droit"

[interview] Vianney Cuny : "La contestation de la loi Asap confond simplification et réduction du droit"

13.12.2020

HSE

Tandis que nombre de professionnels du droit voient dans les articles relatifs aux ICPE de la loi Asap (accélération et simplification de l’action publique) un détricotage du droit de l’environnement, l'avocat Vianney Cuny défend, au contraire, leur visée simplificatrice.

 

Tandis que nombre de professionnels du droit - à l’image de Christian Huglo qui s’est exprimé en novembre dans actuEL HSE - ont vu dans les articles relatifs aux ICPE de la loi Asap (accélération et simplification de l’action publique) un détricotage du droit de l’environnement, Vianney Cuny défend au contraire leur visée simplificatrice.

Pour mémoire, cette loi a été votée en lecture définitive au Sénat le 27 octobre et à l’Assemblée nationale le 28 octobre. Plusieurs des articles relatifs aux ICPE ont ensuite été attaqués devant le Conseil constitutionnel, qui les a finalement validé le 3 décembreLa loi Asap enfin été publiée le 7 décembre 2020.

► Vianney Cuny est avocat au sein du cabinet d’affaires DS Avocats. Il accompagne les porteurs de projets sur les questions d’évaluation environnementale et sur l’articulation des procédures réglementaires (procédures de participation du public, autorisations requises…).

 

 

Quelle est votre lecture de la loi Asap et de son titre III relatif aux ICPE ?

Vianney Cuny : Il s’agit avant tout d’une loi de simplification. Pour la comprendre, il faut remonter au rapport de septembre 2019 du député LREM Guillaume Kasbarian qui avait notamment pour objectif la création de sites industriels "clés en main".  Ces sites correspondent à des zones identifiées où un aménageur va déposer une première demande d’autorisation environnementale avec ses volets loi sur l’eau, espèces protégées et défrichement.

Quand l’industriel arrive, il doit poser, quant à lui, une demande d’autorisation environnementale sur le volet ICPE. Mais une partie des procédures a déjà été prise en charge par l’aménageur ; et c’est ici que la loi Asap intervient, en offrant à l’industriel des possibilités d’assouplissements. L’article 37 prévoit que l’avis de l’autorité environnementale qui est à nouveau sollicité ne revient pas sur les éléments déjà autorisés, l’article 44 donne au préfet la possibilité de recourir à une consultation électronique plutôt qu'à une enquête publique (si le projet n’est pas soumis à évaluation environnementale) et l’article 56 permet à l’industriel, sous certaines conditions, d’anticiper certains travaux de construction. Ces articles qui ont fait polémique n’ont donc pas été pensés pour tous les projets, mais bien pour des situations comme celles des sites clés en main.

La loi Asap ne change donc pas grand-chose du point de vue du droit environnemental. Nous verrons comment les aménageurs s’approprieront ce dispositif, puis comment l’Autorité environnementale se prononcera.

Comment expliquer alors la levée de boucliers dont ce texte a fait l’objet ?

Vianney Cuny : Quand on manipule quotidiennement le droit de l’environnement, on se rend compte de la complexité inouïe des articulations de procédures. Cette complexité est liée à des raisons historiques : ce droit s’est bâti sur le droit communautaire, mais il est toujours en évolution, en intégrant notamment la loi sur la biodiversité de 2016 ou le principe de prévention - dont on ne cerne pas encore totalement les contours.

Pourtant, cette complexité n’offre pas forcément de garantie d’une meilleure protection de l’environnement. La contestation part sans doute d’une présomption selon laquelle toute simplification correspondrait à une réduction du droit.

Que pensez-vous alors de l’article 43, qui réduit à deux mois au lieu de quatre le droit d’initiative ?

Vianney Cuny : Il s’agit d’une parfaite illustration de cette complexité inopérante dont je viens de parler. Introduit par les réformes de 2016 sur l’évaluation environnementale et la participation du public, le droit d’initiative permet à des collectivités territoriales, à des associations, ou à des citoyens de demander au préfet d’organiser une concertation préalable à certains projets. Sur le papier, l’intention est bonne puisque ce droit doit permettre une concertation en amont de projets  n’entrant pas dans les cases du débat public ou de la concertation préalable du code de l’urbanisme. Mais concrètement, les critères sont trop stricts et le mécanisme trop contraignant juridiquement... et le droit d’initiative n’est que rarement activé.

Il me semblerait finalement plus simple de remplacer ce droit par une concertation préalable du code de l’environnement, qui concernerait l’ensemble des projets soumis à autorisation environnementale (et pour lesquels aucun débat public ni aucune concertation du code de l’urbanisme ne sont prévus). Ce serait certes plus contraignant, mais beaucoup plus lisible.

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Éva Thiébaud
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