"La contribution des SSTI à la santé au travail n’est pas à la hauteur des attentes", dénonce l'Igas

"La contribution des SSTI à la santé au travail n’est pas à la hauteur des attentes", dénonce l'Igas

04.06.2020

HSE

Les prestations des SSTI sont très hétérogènes. Certains n'apportent pas assez à la protection des salariés et à la prévention des risques professionnels, observe l'Inspection générale des affaires sociales. Les piloter et les contrôler davantage pourrait éviter cette "sous-potentialisation".

Que ce soit en matière de financement, de gouvernance ou de qualité des prestations, les SSTI (services de santé au travail interentreprises) cumulent les problèmes, observe l'Igas qui conclut que leur "contribution globale à la santé au travail n'est pas à la hauteur des attentes". Son rapport publié le 2 juin risque encore un peu plus d'inquiéter les concernés, déjà heurtés par le rapport Lecocq-Forest-Dupuis qui préconisait leur fusion avec les Aract et la branche prévention des Carsat. D'un autre côté, les services ne sont pas responsables de toutes les critiques et lacunes formulées par l'inspection. Beaucoup des problèmes soulevés sont davantage liés à l'architecture du système de la santé au travail qu'aux pratiques des professionnels concernés. Aussi, l'Igas, qui a enquêté auprès de 12 services, note bien leur grande hétérogénéité et remarque quand même de bons élèves.

Elle perçoit des différences de qualité de service. De manière générale, l'Igas note que les délais des visites médicales ne sont toujours pas respectés alors même que leur nombre a baissé avec la réforme de 2016. L'Igas estime aussi que les services, même s'ils ont fait beaucoup d'efforts en la matière, ne réalisent toujours pas suffisamment de fiches d'entreprises. Et quand ils le font, la tâche peut vite se transformer en "abattage", c'est-à-dire la rédaction de fiches sans réel échange avec l'employeur lors de l'élaboration. Les SSTI réalisent aussi encore trop peu d'actions en milieu de travail et de prévention primaire collective. Autre carence : le manque d'actions pour prévenir la désinsertion professionnelle. Ici aussi, il y a de grandes disparités d'un service à l'autre. L'Igas recommande que tous se dotent d'une cellule dédiée. 

 

► Lire aussi Le maintien en emploi doit être pensé bien avant l'arrêt de travail

 

Face à tant de disparités, l'Igas propose alors d'instaurer un socle de prestations de base commun à tous. Presanse, l'association qui représente les SSTI, a pris les devants puisqu'elle a élaboré une proposition de cahier des charges, finalisée en janvier dernier mais toujours pas rendue publique. En plus de ce socle, l'inspection recommande de développer un référentiel de certification des services qui permettrait de vérifier leurs pratiques, en particulier médicotechniques, comme l'a également proposé un rapport de la commission des affaires sociales du Sénat. Il s'ajouterait à l'agrément des Direccte déjà existant dont la procédure fait l'objet de critiques et dont l'Igas préconise aussi de revoir la politique. Mais cette politique, même changée, risque de se heurter au manque de médecins inspecteurs du travail : certains postes sont vacants. 

 

 Lire aussi [interview] Martial Brun : "C'est peut-être le plus gros sujet de la réforme à venir : déterminer ce que doit faire un service de santé au travail"

 

Cotisations

La pluridisciplinarité n'est pas encore arrivée à maturité partout. L'Igas préconise d'élargir le périmètre d'intervention des infirmiers de santé au travail, malgré la réticence de certains médecins à déléguer. À ce propos, l'inspection propose d'établir des protocoles types de délégation alors qu'ils varient d'un service à l'autre et parfois même d'un médecin à l'autre pour le même Idest. Le problème soulevé par les médecins est que tous les Idest ne bénéficient pas de la même formation, ils ne seraient donc pas tous capables d'accomplir certaines tâches. Dans le même souci d'"optimiser les ressources et le fonctionnement" des services, l'Igas propose de promouvoir la télémédecine.

 

► Lire aussi Passera-t-on bientôt sa visite médicale dans une capsule ?

 

La mission d'inspection a questionné les adhérents. D'après les résultats, ils ont une "image globalement positive" mais méconnaissent les missions des services et critiquent fortement le coût et le service rendu. Ils dénoncent par exemple un manque de réactivité. En résumé, beaucoup d'employeurs n'ont pas l'impression d'en avoir pour leur argent. Les taux de cotisation oscillent entre 52 et 167 euros par salarié par an. La mission d'inspection propose d'encadrer leur fixation. Par ailleurs, elle demande une plus grande transparence financière des SSTI et plus de contrôle de leur gestion. 

 

► Lire aussi : Employeurs et SSTI continuent de s'opposer sur la méthode de calcul de la cotisation

 

"Léthargie"

Les SSTI sont "contrôlés" de manière paritaire. Or, l'Igas remarque un assez large accord entre représentants patronaux et syndicaux des instances, une concorde qui masquerait mal une certaine "léthargie". L'inspection pointe plusieurs problèmes de gouvernance, parmi lesquels la difficulté à mobiliser et faire vivre les instances. Les services ont du mal à renouveler les mandats. Par manque d'administrateurs, on retrouve les mêmes personnes dans le conseil d'administration et le comité de contrôle. Dans beaucoup de SSTI les deux instances siègent alors en même temps, alors que leurs missions sont bien distinctes. L'igas propose une formation de leurs membres et une gouvernance plus simple.

L'Igas regrette l'absence de pilotage des 235 SSTI et de coordination avec les autres acteurs. Les inspecteurs proposent de renégocier les CPOM (contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens) conclus entre Direccte, Carsat et SSTI en y ajoutant un volet "performance". Ils imaginent aussi une "Alliance pour la santé au travail" réunissant État, Cnam, INRS, OPPBTP, Anact et une représentation des SSTI permettant de suivre les actions menées pour répondre aux objectifs fixés par la politique nationale de santé au travail. Une instance qui fait un peu penser à celle imaginée par Charlotte Lecocq mais qui laisserait plus de liberté aux services. Quoi qu'il en soit, les inspecteurs concluent leur rapport en indiquant que leurs orientations et leur déclinaison sont d'après eux "compatibles avec différents schémas de réforme de la politique de santé au travail, dans laquelle elles ont vocation à s’inscrire".

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

Découvrir tous les contenus liés
Pauline Chambost
Vous aimerez aussi