Juriste à l'association Notre Affaire à tous, Anne Stévignon revient sur l'avis "historique" de la Cour internationale de justice, qui fixe un cadre clair sur les efforts ambitieux attendus des États pour faire face à l'urgence climatique, et notamment sur le fait qu'ils "doivent mettre en œuvre tous les moyens pour réglementer les activités des acteurs privés". Près de 20 % des affaires climatiques initiées en 2024 visent des entreprises ou leurs dirigeants, rappelle-t-elle.
La Cour internationale de justice (CIJ) a adopté à l’unanimité, le 23 juillet 2025, un avis très attendu sur les obligations des États en matière de changement climatique, à l’initiative du Vanuatu, un archipel du Pacifique en première ligne face aux bouleversements du climat. ► Anne Stévignon, juriste chez Notre affaire à tous, une association de juristes spécialisée sur la lutte contre la crise écologique, commente pour nous cette décision "historique et ambitieuse". |
L’avis consultatif a été rendu après que des 96 États et 11 organisations internationales se sont exprimés dans le cadre d’auditions publiques en décembre 2024. Quels sont les éléments principaux à retenir ?
Anne Stévignon : La Cour affirme que pèse sur les États une obligation exigeante de diligence en matière climatique et que le niveau d’effort requis par les États, et par ricochet par les entreprises, d’un point de vue juridique, s’inscrit bien dans l’objectif de limiter le réchauffement à + 1,5°C d’ici 2050. Et ce, même si de plus en plus de voix s’élèvent pour dire que cet objectif est hors de portée.
L’avis précise même que l’obligation de préserver le système climatique s'impose à tous les États (elle a un effet "erga omnes"), qu’ils soient ou non parties aux accords internationaux pertinents ! Cela signifie notamment que des États non parties à l’Accord de Paris ou qui s’en sont retirés, comme les États-Unis, n’échappent pas aux standards fondamentaux de protection du climat au regard du droit international général.
Lors des auditions, la plupart des États (46) ont d'ailleurs soutenu que leurs obligations climatiques s’ancrent dans un corpus juridique international bien plus large que le seul régime conventionnel (CCNUCC, Protocole de Kyoto, Accord de Paris). À l’inverse, 19 États, dont la France, ont défendu une lecture étroite des obligations climatiques, cantonnées au régime conventionnel. La CIJ, qui est pourtant une instance plutôt conservatrice, a donné raison aux premiers : les États ne sont pas totalement libres de fixer leurs objectifs en matière de climat du point de vue du droit international. Une position intéressante dans un contexte où le multilatéralisme est mis à mal.
C’est une conséquence importante, et l’avis est très clair sur ce point : les États doivent mettre en œuvre tous les moyens pour réglementer les activités des acteurs privés ! La CIJ indique explicitement que la production, l’utilisation, l’octroi de permis d’exploration ou de subvention pour les combustibles fossiles peut constituer pour un État "un fait internationalement illicite". De hautes instances judiciaires ont déjà pris des décisions dans ce sens, comme dans l’affaire Finch en juin 2024, où la Cour suprême du Royaume-Uni a annulé l’octroi d’un permis d’exploitation pétrolière, dont le projet ne prenait pas suffisamment en compte les effets sur le climat de l’ensemble des émissions du projet. Dans des contentieux similaires, l’avis de la CIJ pourra désormais être invoqué.
Anne Stévignon : L’avis va surtout nourrir les contentieux climatiques existants, qui sont déjà florissants : fin 2024, on dénombre près de 3 000 affaires liées et 276 d’entre elles sont désormais portées devant les plus hautes juridictions telles que les cours suprêmes et les cours constitutionnelles. Près de 20 % des affaires climatiques initiées en 2024 visent des entreprises ou leurs dirigeants. Au-delà du secteur de l’énergie fossile, toutes les entreprises sont exposées à un risque contentieux, les litiges liés au "climate washing" (en particulier sur la compensation carbone) sont d’ailleurs les plus nombreux.
Anne Stévignon : Nous allons nous en emparer dans nos écritures à la fois dans nos contentieux qui visent l’État mais aussi dans ceux qui visent des multinationales, notamment TotalEnergies et BNP Paribas. L’avis de la CIJ fixe un cadre clair sur ce qui est attendu des États, le fait que les activités des acteurs privés doivent être régulées et que les efforts poursuivis tant par les acteurs publics que privés doivent être ambitieux.
Anne Stévignon : C'est un avis ambitieux, mais il s’inscrit dans un mouvement global. La Cour inter-américaine des droits de l’Homme a par exemple rendu un avis le 3 juillet affirmant que le droit à un climat stable résulte d’une norme impérative du droit international. De même, la Cour européenne des droits de l’Homme a rendu l’année dernière une décision importante qui a admis pour la première fois, que le changement climatique peut engager la responsabilité d’un État au regard de ses obligations positives en matière de droits humains.
Mais si l’urgence n’est plus niée par aucune juridiction, cela n’enlève rien au caractère historique de l’avis de la CIJ qui a une portée mondiale ! D’autant plus que nous vivons une période marquée par de graves reculs de la part des États sur le plan climatique. On assiste d’ailleurs à une augmentation des contentieux opposés à l’action climatique : 226 affaires, dont une soixantaine en 2024, visent à restreindre ou annuler des politiques ou législations climatiques, notamment aux États-Unis.
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Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement.
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