Arrêts de travail : prévenir pour réduire nombre et durée

Arrêts de travail : prévenir pour réduire nombre et durée

22.02.2019

HSE

Plus de prévention, meilleure coordination des acteurs et télétravail, voilà une partie de la recette préconisée par le rapport sur les arrêts de travail remis à Matignon mercredi. Pour prévenir les arrêts longue durée des seniors, qui expliquent en partie la hausse des dépenses d'indemnités journalières, il prêche une prise en compte précoce de la réduction des capacités.

Edouard Philippe a commandé en septembre dernier à Jean-Luc Berard, DRH de Safran, Stéphane Oustric, médecin généraliste et Stéphane Seiller, conseiller maître à la Cour des comptes, un rapport pour identifier les causes de la hausse des dépenses d’arrêts de travail, faire des propositions pour agir sur ces causes et leurs conséquences et faire évoluer le dispositif d’indemnisation et de contrôle. Ils ont officiellement remis leur rapport au Premier ministre le 20 février 2019. Sans surprise, les causes identifiées sont principalement le vieillissement de la population active et l'élévation des taux d'activité. La durée des arrêts de travail augmente avec l’âge. Les auteurs ciblent les arrêts de longue durée, moins nombreux mais plus couteux (voir encadré).

 

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Pour "permettre de manière préventive d’éviter des arrêts pour maladie", les auteurs recommandent de prendre en compte la réduction progressive des capacités de travail avec l'âge. Des actions d'adaptation du poste de travail aux seniors existent, il faut les intensifier. Les dispositifs de retraite progressive, de réduction progressive d'activité et de retraite pour inapatitude devraient être plus utilisés, estiment aussi les auteurs. 

 

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Télétravail 

Tout sauf l'arrêt de travail. Pour maîtriser le nombre et la durée des arrêts, les auteurs préconisent des alternatives à leur recours. La mission propose par exemple que le médecin puisse prescrire la possibilité du télétravail, "de manière alternative à une mise au repos total ou partiel". L'option serait aux choix du salarié et sous condition d'acceptation de l'employeur. En novembre dernier, Edouard Philippe a qualifié la piste d'"intéressante". D'après les auteurs du rapport, l'idée est susceptible de réunir un accord assez large, mais dans un communiqué du 21 février Force ouvrière a déjà qualifié la préconisation de "dangereuse". 

Lors de leur point d'étape d'octobre, les rapporteurs ont préconisé de généraliser la possibilité du temps partiel thérapeutique à toutes les personnes, sans arrêt préalable à temps complet. La mesure a déjà été votée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Jusqu'à présent, la possibilité n’était ouverte qu’aux personnes en affection de longue durée ou relevant du risque professionnel.

À l'arrêt longue durée est acollé le risque de désinsertion professionnelle. Les auteurs fixent : l’objectif des dispositifs d’indemnisation est la reprise du travail. Les auteurs préconisent d'agir le plus tôt possible pour faciliter le retour du salarié, ou l'orienter vers d'autres activités. Une position de bon sens au coeur des recommandations de bonnes pratiques de la Haute autorité de santé pour prévenir la désinsertion professionnelle des travailleurs publiées il y a quelques jours. Dans cette optique, les auteurs du rapport estiment qu'il serait bon d'inscrire dans la réglementation que la visite de pré-reprise doit avoir lieu le plus rapidement possible, et au plus tard dans un délai de trois mois. 

"Trio solidaire"

Les trois auteurs constatent, comme tous les protagonistes de la question, un manque de communication entre médecin traitant et médecin du travail. "Sous réserve du consentement du patient, le médecin prescripteur doit pouvoir communiquer au médecin du travail les informations d’ordre médical utiles à son traitement, et disposer dans le dossier médical partagé (DMP) des données de santé-travail, renseignées et consultables par le médecin du travail", estiment-t-ils. Le DMP, une nouvelle version d'arrêt de travail et une évolution de l'interface du service de télétransmission participeraient, entre autres choses, à une meilleure coordination du "trio solidaire" de médecins (traitant, conseil, du travail) et traçabilité. Le médecin traitant doit être placé en position centrale dans la mise en œuvre des dispositifs de retour au travail en interface avec les autres, d'après les auteurs du rapport. 

Ils ne pointent pas du doigt les médecins laxistes dénoncés par Agnès Buzyn, mais ils recommandent tout de même que tous les médecins aient accès à un tableau de bord décrivant leur pratique de prescription d’arrêt de travail et la comparant avec celles de leurs confrères...

Prévention

La mission ne met pas de côté la question de l’absentéisme de courte durée pour raisons de santé, qui coûte, plus qu’en indemnisation, en désorganisation à l’entreprise. "Les acteurs de l’entreprise doivent se convaincre qu’ils ont un rôle essentiel à jouer" en matière de prévention de ces arrêts, qui ne sont pas une "fatalité", insistent les rapporteurs. 

Ils renvoient cette question de la prévention primaire, qu'ils mettent en avant, au débat prévu entre partenaires sociaux pour réformer le système de santé au travail. Ils préconisent quand même que l’Assurance maladie fournisse aux entreprises leur profil d’absentéisme comparé au sein de leur secteur d’activité et qu’il soit transmis au comité social et économique. Aussi, ils recommandent que le taux de cotisation maladie tienne compte de l’écart du profil de sinistralité en matière d’arrêt de travail maladie d’une entreprise par rapport à son secteur d’activité. 

 

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Contrôle 

Parmi les 20 recommandations, l'instauration d'un jour de carence obligatoire pour tous, c'est-à-dire non payé, en cas d'arrêt-maladie, fait du bruit, alors même que les auteurs reconnaissent que les statistiques ne permettent pas de savoir si un tel dispositif limite la prévalence des arrêts. Dans le privé, les salariés ont en théorie trois jours de carence, mais souvent, un accord de branche ou d'entreprise prévoit leur prise en charge par l'employeur. Les auteurs du rapport proposent un jour de carence "d'ordre public" : les entreprises auraient interdiction de le compenser. En contrepartie, ils recommandent de généraliser le principe de la subrogation, c'est-à-dire le maintien du versement du salaire par l'entreprise pendant l'arrêt, au lieu de l'attente du versement par la sécurité sociale.

 
 

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"Nul ne conteste l’existence d’abus", écrivent messieurs Berard, Oustric et Seiller. Les contrôles tels qu'ils existent n'ont pas de sens, d'après eux. La mission propose de supprimer les obligations de présence au domicile ou de maintien dans la circonscription de la caisse primaire. Elle appelle l’Assurance maladie à "transformer son dispositif et réinvestir le contrôle des arrêts courts", tout en reconnaissant que les abus concernent une "très faible proportion" de ces arrêts. Elle pense à des campagnes de SMS ou de mails informant les assurés en arrêt de courte durée d'une éventualité d’un contrôle. Elle recommande de privilégier les contrôles médicaux sur personne par convocation au cabinet du médecin conseil, ou à celui d’un médecin assermenté par le service médical de l’Assurance maladie.

Réforme

La mission propose que la Cnam puisse mettre fin à l'indemnisation si le salarié "s'est soustrait sans motif légitime" au contrôle du médecin mandaté par l'employeur, appelé contre-visite. Cela suppose la mise en place par l'Assurance maladie d'un cahier des charges pour ces médecins. Aujourd'hui, en cas d'absence du salarié lors de la contre-visite, ou si l'arrêt est considéré par le médecin comme injustifié, l'employeur peut seulement arrêter de verser au salarié les indemnités complémentaires. 

 

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Ce rapport, comme celui de la députée Charlotte Lecocq (LREM) sur la santé au travail, et les travaux de l’Igas sur la prévention de la désinsertion professionnelle des salariés malades ou handicapés et sur la lutte contre la pénurie de médecins du travail, devraient alimenter "la réflexion des partenaires sociaux sur le sujet plus global de l’amélioration de la santé au travail et du maintien en emploi", explique le Premier ministre dans un communiqué du 20 février. Le gouvernement propose aux partenaires de sociaux de réflechir aux deux objectifs de la future réforme de la santé au travail : l'accompagnement des entreprises pour qu’émerge une culture de prévention et le maintien en emploi. Cette première phase de trois mois doit leur permettre d'identifier ce qui fera l'objet d'une négociation ou d'une concertation. 

 

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Crédit : rapport Berard, Oustric et Seiller. Source : Cnam.

 

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Pauline Chambost
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