Le gouvernement a promis une reconnaissance de la contamination par le coronavirus pour tous les soignants. Mais qu'en sera-t-il de tous les autres travailleurs ? La contamination au coronavirus peut-elle être reconnue comme maladie professionnelle hors tableau, ou comme accident du travail ? Cela semble compliqué. Plusieurs voix – dont la Fnath et des avocats comme Sylvie Topaloff – demandent la création d'un fond d'indemnisation spécifique.
"Le covid-19 est en train de produire un gigantesque accident du travail dont les conséquences en l’état actuel du droit échapperont à toute forme de régulation efficace", écrivent dans une tribune publiée par Le Monde le 1er avril 2020 les avocats Jean-Paul Teissonnière et Sylvie Topaloff, spécialistes de la défense des salariés (dans les affaires de l'amiante et lors du procès France Télécom, notamment). En l'état actuel de notre système juridique – qui exige d'établir une chaîne causale et n'est ainsi pas apte à prendre en compte les catastrophes sanitaires, par essence complexes –, ils alertent sur le fait que la reconnaissance en accident du travail ou maladie professionnelle sera particulièrement difficile.
Le gouvernement a promis une reconnaissance "systématiquement et automatiquement" pour les soignants, sans que l'on sache pour l'instant comment cela se traduira concrètement. On peut imaginer que soit complété le tableau de maladie professionnelle 76 du régime général, pour les "maladies liées à des agents infectieux ou parasitaires contractées en milieu de soins", qui permet entre autres de reconnaître comme maladie professionnelle une infection à staphylocoque pour le "personnels de soin et assimilé" en milieu hospitalier, hospitalisation à domicile ou Ehpad.
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Qu'en sera-t-il des autres travailleurs ? Quelle reconnaissance pourront par exemple obtenir les ayants-droit d'Aïcha Issadounène, 52 ans, caissière au supermarché Carrefour de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) le 26 mars, du covid-19 ? Quid des forces de l'ordre, des livreurs via plateformes, des travailleurs agricoles, pour ne citer que ceux avec des régimes sociaux encore différents ? Le gouvernement n'a pour l'instant pas pris position sur la question.
L'Académie nationale de médecine recommande, dans un communiqué du 3 avril, la création d'un tableau de maladie professionnelle qui inclura "les professionnels de santé et les personnels travaillant pour le fonctionnement indispensable du pays (alimentation, transports en commun, sécurité…)". Cela serait tout à fait possible, puisque la liste des métiers d'un tableau n'a pas à être exhaustive ; ce sont les "travaux" listés qui comptent. Ainsi en est-il, par exemple, du tableau 56 pour la "rage professionnelle", qui concerne ceux exerçant des "travaux susceptibles de mettre en contact avec des animaux atteints ou suspects de rage ou avec leurs dépouilles" ou des "travaux de laboratoire de diagnostic de la rage".
Hors tableau, la reconnaissance comme maladie professionnelle est théoriquement possible – via les CRRMP (comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles) pour les salariés du privé, ou via les commissions de réforme pour les fonctionnaires. Mais cela suppose de justifier d'un taux d'incapacité permanente de 25 %, puis il revient à la victime d'apporter la preuve du "lien direct et essentiel" entre le travail et la pathologie.
Quant à l'accident du travail, là, aussi, cela semble compliqué, puisqu'il reviendra notamment à la victime d'établir que le covid-19 a été contracté à la suite d'une contamination précise, du fait du travail, ou lors du travail. "Comment démontrer la date de la contamination qui est une des clefs de la reconnaissance ?", interrogent Sylvie Topaloff et Jean-Paul Teissonnière.
L'éventualité que chacun ferme les yeux pour permettre une prise en charge – la Cnam en acceptant la demande ; l'employeur en ne la contestant pas – ne semble pas satisfaisante du point de vue de la justice. C'est pourtant la piste que semble privilégier l'Académie de médecine. "Dans l’attente de la parution [du] tableau de maladie professionnelle", elle voudrait "que les cas de maladie liée à une contamination professionnelle puissent être déclarés comme affection imputable au service pour les agents de l’État et des collectivités, en accident du travail pour les autres".
Plusieurs syndicats, tels que Solidaires, conseillent aussi aux travailleurs de faire des déclarations d'accidents du travail (ou de service, pour les fonctionnaires), en insistant sur la nécessité que cela s'inscrive dans une action collective de la part des équipes syndicales. Il s'agit dans ce cas de s'appuyer sur le fait que l'accident survenu au temps et lieu de travail est présumé être un accident du travail, sauf à établir que la lésion a une cause étrangère au travail. Solidaires insiste sur l'importance de documenter autant que possible le dossier dès le départ, en montrant notamment comment l'activité a pu être source de contamination (impossibilité des gestes barrière, pas de protections, etc.).
Pour les avocats Jean-Paul Teissonnière et Sylvie Topaloff, il ne peut y avoir de solution tant que l'on reste dans "l’archaïque système d’indemnisation issu de la loi sur les accidents du travail de 1898". Les deux avocats appellent à "d'urgence construire un système moderne de reconnaissance et d’indemnisation intégrale spécifique sous forme d’un fonds cofinancé par les entreprises (branche AT-MP) et par l’État, afin d’affirmer par des actes notre reconnaissance et notre solidarité et éviter ainsi d’ajouter un scandale judiciaire à la crise sanitaire".
Leur position est reprise par l'Andeva. Ce fond "permettrait, plaide l'association des victimes de l'amiante, de répondre aux besoins des personnes, salariées ou bénévoles, qui garderont des séquelles plus ou moins graves après une intubation dans un service de réanimation". Cela pourrait aussi garantir "l’indemnisation de tous les proches du défunt, y compris les concubins et les pacsé-e-s".
La Fnath, association des accidentés de la vie, a écrit à Emmanuel Macron la semaine dernière, lui demandant de créer une "commission d'indemnisation" qui couvrirait tous les travailleurs concernés, y compris bénévoles, ainsi que leurs ayants-droit. Elle y ajoute "l’indemnisation incontournable d’un préjudice d’anxiété pour l’ensemble de ces professionnels et bénévoles exposés au quotidien depuis des semaines, car la Nation leur doit une reconnaissance supplémentaire et spécifique".
HSE
Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement.
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