Quelques entreprises françaises ont décidé d’appliquer la norme québécoise, qui englobe les habitudes de vie, telles que l’alimentation ou le sport. Chez nous, cela n’est pas sans interroger. L’entreprise doit-elle s’occuper de ce qui touche plutôt à la santé publique ?
Elle est allée chercher la norme au Québec. Selon la DRH Laurence Breton-Kueney, "la France n’est pas mature" pour développer une normalisation en matière de qualité de vie au travail, les entreprises ne sont pas prêtes à être auditées sur ce thème. En attendant, convaincue de l’importance d’avoir une vision globale de la santé – au sens de l’OMS (Organisation mondiale de la Santé), c’est-à-dire physique, mentale et sociale – Laurence Breton-Kueney a implanté la norme québécoise "Entreprise en santé" dans le groupe Afnor il y a quelques années. Une vingtaine de RH, responsables QSE et autres professionnels de la SST et de la QVT écoutaient attentivement son témoignage, le 16 mai 2017, lors d’une présentation de la norme québécoise co-organisée par le cabinet Psya.
Cette démarche "Entreprise en santé" couronnée par le Bureau de normalisation du Québec d’une certification (BNQ 97 00-800) a été lancée en 2008. Elle est présentée par ce bureau comme la première norme au monde visant la santé globale en milieu de travail. D’application volontaire, elle porte sur la prévention, la promotion et les pratiques organisationnelles favorables à la santé en milieu de travail. Aux côtés de l’équilibre vie privée/vie professionnelle, de l’environnement physique et social de travail et des pratiques de management, elle fait entrer les habitudes de vie. Et contre toutes attentes, c’est par ce dernier sujet, qui concerne, entre autres, l’alimentation et l’exercice physique, que les entreprises québécoises débutent la plupart du temps leur démarche, explique Valérie Combette Javault, psychologue du travail et responsable audit-conseil de Psya. Une méthode liée à la culture québécoise qui peut surprendre en France.
HSE
Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement.
C’est pourtant précisément ce positionnement qui a séduit Laurence Breton Kueney. Elle l’affirme sans détour : "J’ai horreur de parler de risques psychosociaux, j’ai horreur d’entrer par le petit bout de la lorgnette". Les auteurs de la norme ne posent pas un cadre trop contraignant : ils listent simplement des exemples d’intervention. Chez Afnor, on a instauré, pêle-mêle : un programme de sevrage tabagique, la vaccination gratuite contre la grippe, la semaine sur l’alimentation saine, la mesure de l’IMC lors de la visite médicale aboutissant à un rapport annuel sur l’IMC moyen de l’entreprise comparé à celui de la population générale dans la région… Autres exemples de mesures, prises pour le volet équilibre vie privée/vie professionnelle cette fois-ci : une crèche inter-entreprises, la possibilité de faire des horaires variables ou encore une plateforme de covoiturage.
Où placer le curseur de l’implication de l’entreprise dans la santé globale de ses salariés sans tomber dans un paternalisme déplacé ? Cela fait débat. Pour Laurence Breton Kueney, il ne fait aucun doute que l’entreprise a un rôle important à jouer ; elle vante les mérites de la culture québécoise, qui aborde ceci avec moins de tabous. A propos de la pesée lors des visites médicales par exemple, elle justifie : "dans le temps vous aviez toujours ça aux visites médicales […] on a perdu la culture de la mesure", et tente de rassurer en rappelant que le secret médical est respecté. Mais la question de la collecte des données personnelles semble bien épineuse, à en croire une ergonome présente dans la salle : "les salariés ne savent pas toujours que leurs données sont protégées", témoigne-t-elle. De son côté, Valérie Combette Javault reconnaît également que "l’état des lieux de la santé par l’entreprise peut être une démarche mal perçue par certains". Mais d’après Laurence Breton Kueney, très peu de salariés ont pris ces collectes comme des intrusions dans leur vie privée. Une récente étude de Malakoff Médéric lui donne raison : selon un sondage réalisé sur un échantillon représentatif de 3 500 salariés, 56 % des employés semblent satisfaits à l’idée que leur employeur s’implique pour évaluer leur profil de risque santé et 32 % souhaiteraient que leur entreprise leur propose un service pour être mieux suivis médicalement.
La norme québécoise encadre précisément le processus à mettre en place : il s’agit d’une démarche pas à pas, et un comité spécialisé doit être installé. C’est ici que la DRH d’Afnor a rencontré le premier obstacle : "le plus long a été d’expliquer au CHSCT la différence des rôles, et que la création d’un comité ‘de santé et mieux-être’ n’allait pas toucher leur champ de compétences". Dans son entreprise, deux membres du CHSCT font d’ailleurs partie de ce comité. Pour Valérie Combette Javault, qui a déjà accompagné quelques structures voulant appliquer cette norme, son succès repose sur le volontariat de la participation des salariés et l’anonymat des données collectées auprès d’eux. Mais la psychologue insiste surtout sur la nécessité de se conformer à toutes les obligations légales françaises en la matière (document unique, négociation sur la QVT…) avant de s’engager dans cette norme, qu'elle perçoit comme "une cerise sur le gâteau". Comme le conclut Richard Lavergne, directeur du développement de Psya, qui compte sur un échange de bonnes pratiques entre entreprises, cette démarche "n’est pas un sprint mais une course de fond".
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