Aux "verbatims anonymes" du rapport Lecocq, Présanse veut opposer des chiffres

Aux "verbatims anonymes" du rapport Lecocq, Présanse veut opposer des chiffres

22.05.2019

HSE

Alors que se profile une réforme qui pourrait rassembler dans des entités régionales les différents acteurs de la santé au travail, à commencer par les services de santé au travail interentreprises, l’association professionnelle Présanse a voulu en avoir le cœur net : les TPE-PME – dirigeants et salariés – ont-elles une si mauvaise image des SSTI ? La première réponse, globale, est plutôt très positive. Dans le détail, les résultats sont toutefois à nuancer, dénotant notamment une méconnaissance des services.

L'objectif de l'association Présanse, à laquelle adhérent la plupart des SSTI (services de santé au travail interentreprises), a le mérite d'être clair : avoir des chiffres solides à opposer aux velléités de réforme portées par le rapport de la députée Charlotte Lecocq.

“Un des points qui nous a choqués dans le rapport, déclare Martial Brun, directeur général de Présanse, est le fait que cela repose sur des verbatims anonymes, des ‘on nous a dit que’. On sort d’une réforme qui a initié de grands changements [réforme du suivi médical, NDLR], il faut les mesurer. Nous pensons que les services de santé au travail doivent continuer à évoluer, mais pour cela, il faut partir de la réalité du terrain.”

Après de premiers résultats sur la perception de la santé au travail et des SSTI par les dirigeants des TPE-PME, rendus publics début mai, Présanse, a profité du salon Préventica Paris pour présenter hier, mardi 21 mai 2019, le second volet de l'étude statistique commandée à Harris Interactive (1). Elle concerne ce coup-ci les salariés des TPE-PME

Lorsqu’on leur demande s’ils diraient avoir une bonne ou une mauvaise image des services de santé au travail, 72 % des dirigeants des TPE-PME affirment en avoir une vision positive – cela monte même à 85 % pour les entreprises de plus de 50 salariés. Le résultat est similaire chez les salariés : 71 % répondent qu’ils en ont une bonne image.  

"Indispensables” 

Lorsqu’on leur demande de préciser leur perception, avec différentes propositions pour qualifier les SSTI, les trois premières réponses les plus cochées par les salariés sont “indispensables” (71 %), “mal connus des salariés” (63 %) et “à l’écoute des besoins des salariés” (60 %). Les patrons mettent d’abord “dignes de confiance” (77 %), puis “indispensables” (68 %) et “à l’écoute des besoins des entreprises” (60 %).  

Des résultats qui permettent de "battre en brèche un certain nombre d'idées reçues sur l'image supposément dégradée des SSTI et de leurs actions, ces critiques ne reposant pas, jusqu'ici, sur des données chiffrées", insiste Présanse.  

Guichet unique ou porte d’entrée ?  

Le rapport de Charlotte Lecocq, Henri Forest et Bruno Dupuis, remis fin août 2018 à Matignon, dresse un constat sévère de l'activité des SSTI, avant de proposer de les fusionner dans des entités régionales. Le rapport souligne leur rôle stratégique : les SSTI, "au cœur du système local, sont l’interlocuteur de proximité de référence".  

Depuis la remise du rapport, Martial Brun n'a de cesse d'organiser la riposte, défendant le travail des services. Selon lui, “l’organisation parapublique” proposée par Charlotte Lecocq ne répond pas aux besoins des entreprises, il estime même que cela “met à distance l’entreprise”

 

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"Tous les acteurs auditionnés, écrit le rapport, ont regretté les difficultés qu’ils éprouvent pour faire des services de santé au travail un partenaire stable et durable alors que tous partagent la conviction qu’ils pourraient être un prescripteur incontournable de l’offre de prévention.”

Alors que la députée de la majorité défend l’idée d’un guichet unique, Martial Brun rétorque que les entreprises (employeurs comme salariés) veulent une “porte d’entrée” – expression qui ne sous-entend pas la fusion d'acteurs – et que de ce point de vue, actuellement, les SSTI “se positionnent bien”.  

L’enquête commandée par l’association montre en tout cas que la très grande majorité (86 %) des dirigeants d’entreprise considère comme “important” voire “prioritaire” le fait d’être accompagné sur les sujets de santé au travail par “un interlocuteur unique”. Reste à savoir s'ils imaginent une porte ou un guichet.

Cotisations et services rendus 

L’enquête Harris interactive rapporte aussi des chiffres moins favorables aux SSTI. Ainsi en est-il des cotisations. Le rapport Lecocq évoquait un “écart grandissant de perception entre services attendus et rendus" et "des cotisations jugées trop élevées par rapport aux prestations attendues".  

Or seulement 41% des patrons jugent que le montant de la cotisation versée est “correct”, sachant que 59 % pensent verser moins de 100 euros par an et par salarié.  

Et lorsqu’on leur demande s’ils sont satisfaits “de l’accompagnement fourni par [leur] service de santé au travail”, les dirigeants sont mitigés : 27 % se disent peu satisfaits et 12 % pas satisfaits du tout, soit 39 % au total, contre 59 % de satisfaits (2 % des répondants ne se prononcent pas sur cette question).  

Notons que la pluridisciplinarité, normalement en place depuis maintenant plusieurs années, est toujours mal perçue. Seuls 41 % des dirigeants se disent satisfaits de la “variété des compétences mises à [leur] disposition (ex : ergonome, toxicologue, psychologue du travail, etc.)". De même, pour 49% des salariés, la “diversité des professionnels de santé qui interviennent” n’est pas satisfaisante. 

Méconnaissance 

Martial Brun le reconnaît : "on intervient davantage dans les PME les plus grandes, et le taux de satisfaction augmente avec la taille des entreprises, ce qui signifie que lorsqu’on nous voit, on est satisfait”. Mais justement, cela suppose d’avoir un contact.  

À peine un tiers des salariés (32 %) déclare que son service de santé au travail est intervenu au cours des trois dernières années pour “sensibiliser à la prévention de certains risques professionnels” et, durant ce même laps de temps, seulement la moitié des salariés (51%) a vu son SST dans le cadre du suivi de l’état de santé.  

Selon l’enquête, moins d’un salarié sur deux connaît les missions des services de santé au travail – actions en entreprise, surveillance de l'état de santé des travailleurs, conseils aux employeurs et salariés, traçabilité des expositions et veille sanitaire.  

“Voici une question posée à notre réseau, commente Martial Brun : quelle est notre capacité à nous redéployer pour que l’on touche tout le monde ?”.  

 

(1) L'étude auprès des dirigeants a été menée par téléphone du 1er au 11 avril 2019, auprès d'un échantillon représentatif de 410 dirigeants d'entreprises de 1 à 249 salariés (artisans, commerçant, gérants, DG, DGA, DAF, DRH...) 

Celle auprès des salariés a été réalisée en ligne du 1er au 8 avril 2019, sur un échantillon représentatif de 1012 personnes, salariés d’entreprises de 1 à 249 salariés.

 

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Élodie Touret
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