Cancer de la prostate : enfin le tableau de MP pour le régime général, mais avec une liste de travaux « limitative »

Cancer de la prostate : enfin le tableau de MP pour le régime général, mais avec une liste de travaux « limitative »

21.04.2022

HSE

Les salariés du régime général qui développent un cancer de la prostate après avoir été exposés à des pesticides dans leur travail pourront s’appuyer sur le nouveau tableau de maladie professionnelle n° 102. Mais ce tableau, en limitant la présomption d’imputabilité à des travaux précis, exclut beaucoup de travailleurs exposés. Il créé une différence avec le régime agricole.

Il n’y a pas que les travailleurs agricoles qui sont exposés aux pesticides. Qu’ils travaillent dans des usines de fabrication de pesticides, soignent des animaux, aient une activité en lien avec la lutte antiparasitaire comme les dockers, manipulent des marchandises traitées tels que les travailleurs des plateformes logistiques, interviennent pour réparer des machines agricoles… tous sont exposés à un risque accru de développer, notamment, un cancer de la prostate. Certains d’entre eux pourront désormais faire valoir une présomption de causalité entre l’exposition professionnelle et la maladie : un nouveau tableau de maladie professionnelle a été publié le 20 avril 2022 au Journal officiel pour le « cancer de la prostate provoqué par les pesticides ».

Le décret n° 2022-573 crée le tableau n° 102 du régime général. Il est le pendant du tableau n° 61 du régime agricole, paru en décembre 2021. Les deux tableaux s’appuient sur le rapport d’expertise de l’Anses rendu en juillet 2021, qui préconisait leur création.

Dans le tableau

Comme pour les travailleurs agricoles, la maladie doit être constatée dans un délai de maximum 40 ans, à partir de la fin de l’exposition aux pesticides. La victime doit justifier d’une durée d’exposition minimale de 10 ans, consécutifs ou non. En revanche, ce coup-ci, la liste des travaux est « limitative » et non « indicative ».

La présomption d’imputabilité concerne les « travaux exposant habituellement aux pesticides : lors de la manipulation ou l'emploi de ces produits, par contact ou par inhalation ; par contact avec les cultures, les surfaces, les animaux traités ou lors de l'entretien des machines destinées à l'application des pesticides ; lors de leur fabrication, de leur production, de leur stockage et de leur conditionnement ; lors de la réparation et du nettoyage des équipements de production, de conditionnement et d'application de pesticides ; lors des opérations de dépollution, de collecte et de gestion des déchets de pesticides ».

Blocage patronal

Comme le n° 61 du régime agricole, premier du genre, ce tableau n° 102 a été élaboré suivant la nouvelle méthode décidée en 2018 pour « remettre un peu de science dans la liste des maladies professionnelles », déclarait Agnès Buzyn en tant que ministre de la santé. La phase d’analyse scientifique est depuis lors confiée à l’Anses. Ce temps est ainsi découplé des débats socio-économiques entre partenaires sociaux. Auparavant, « à chaque fois qu'un expert venait [au Coct, conseil d’orientation sur les conditions de travail], il était contesté des deux côtés », ce qui conduisait au « blocage systématique de modification ou d'élaboration », expliquait le DGT Yves Struillou fin 2018.

Pourquoi ce tableau a-t-il donc mis tant de temps à être publié après celui du régime agricole, in extremis à quelques jours de la fin du mandat d’Emmanuel Macron, et alors même que la nouvelle méthode visait justement à éviter la disparité entre les régimes ? Car les organisations patronales n'en voulaient pas.

Le tableau pour les travailleurs agricoles était difficilement contournable, avec le scandale de l’exposition massive au chlordécone, pesticide largement utilisé dans les bananeraies des Antilles jusqu’à son interdiction en 1993, mais le patronat espérait empêcher celui du régime général. Deux points clés du tableau n° 102 étaient en balance dans les discussions entre partenaires sociaux : se limiter au chlordécone ou inclure tous les pesticides, et dresser une liste des travaux indicative ou limitative. Les organisations syndicales auront eu gain de cause sur la prise en compte de toutes les expositions aux pesticides (1)... mais pas pour la liste des travaux, qui sera « limitative » pour le régime général, décrète le texte publié cette semaine.

Les exclus

Dans son rapport d’expertise, le groupe de travail de l’Anses donne une liste de travaux non agricoles exposant aux pesticides. Cependant, elle « ne peut être considérée comme “représentative” ni exhaustive », précise-t-il. Il recommandait de tenir compte de ce point pour établir le tableau, tant dans un souci d’équité entre les régimes agricole et général, qu’avec les tableaux déjà existants.

Les n° 58 et 59 du régime agricole, respectivement pour la maladie de Parkinson et le lymphome malin non hodgkinien en lien avec des expositions aux pesticides, donnent en effet des listes « indicatives ». Plusieurs années après leur publication, les travailleurs du régime général ne bénéficient toujours pas de tableaux équivalents.

Par rapport à la liste des experts de l’Anses, le tableau n° 102 exclut principalement les travailleurs exposés aux pesticides via des articles traités. Cela concerne par exemple les travailleurs de l’industrie du bois, de l’agroalimentaire, du textile, des papiers d’emballage... Idem pour ceux en contact avec des surfaces traitées, notamment les containers et marchandises qui sont ainsi transportées, les habitacles d’avion ou encore les pelouses. Une liste non exhaustive.

 

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(1) Les deux décrets précisent que « le terme “pesticides” se rapporte aux produits à usages agricoles et aux produits destinés à l'entretien des espaces verts (produits phytosanitaires ou produits phytopharmaceutiques) ainsi qu'aux biocides et aux antiparasitaires vétérinaires, qu'ils soient autorisés ou non au moment de la demande ».

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Élodie Touret
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