Casser les silos entre HSE et ESG : le prochain chantier des entreprises engagées

Casser les silos entre HSE et ESG : le prochain chantier des entreprises engagées

17.11.2025

HSE

Dans cette chronique, Julien Victor, CEO de Tennaxia, plaide pour une meilleure coordination des fonctions HSE et ESG afin d'assurer une cohérence globale dans les stratégies de développement durable.

Alors que l’importance de la protection des salariés et de l’environnement est aujourd’hui une évidence pour les entreprises, la dichotomie entre les fonctions HSE (Hygiène, Sécurité, Environnement) et ESG (Environnement, Social, Gouvernance) entrave souvent leur action. Cette séparation est d’abord historique : la HSE, solidement ancrée dans les entreprises depuis des décennies, contraste avec l’ESG, approche encore récente. Elle est aussi opérationnelle : la HSE s’inscrit dans une logique très concrète de terrain, tandis que l’ESG relève d’un pilotage stratégique au niveau de la direction. Or, le rapprochement entre ces deux expertises est nécessaire pour que les ambitions véhiculées par l’ESG ne se heurtent plus au terrain, et que le terrain impacté par les politiques HSE s’inscrive enfin dans les décisions stratégiques.

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Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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En effet, la fonction HSE s’appuie sur l’opérationnel : prévention des risques, sécurité des personnes, conformité réglementaire, suivi des émissions ou gestion des déchets. Rappelons notamment son rôle stratégique pendant la pandémie du covid : les procédures et le suivi réglementaire mis en place ont joué un véritable rôle pour maintenir l’activité de très nombreuses entreprises pendant de longs mois. Les données que les HSE détiennent et leurs analyses approfondies, ainsi que les actions menées sur la sinistralité — par exemple la diminution de la gravité des accidents du travail — ont contribué également pendant cette période à renforcer leur image alors qu’elles étaient souvent perçues auparavant comme uniquement un centre de coûts pour l’entreprise.

L’ESG, elle, traduit les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance en objectifs stratégiques. Reste que sa véritable valeur se mesure moins dans la formulation de ces ambitions que dans leur concrétisation effective. L’un sans l’autre perd en efficacité : une stratégie ESG déconnectée des données de terrain reste abstraite ; une fonction HSE limitée à l’exécution manque de reconnaissance et d’influence sur la politique de transition de l’entreprise.

Les études le montrent, certains rapprochements se font déjà entre le service ESG et d'autres départements de l’entreprise. Ainsi, naturellement, les équipes financières se sont emparées du sujet, 84 % d’entre elles estimant que le rôle de la direction financière est même central ou en pleine évolution dans le pilotage des transformations durables (étude « CFO Perspectives on Sustainability, ICFOA). L’édition 2025 du baromètre ESG de Tennaxia révèle également l'émergence des Directions Achats (63% contre seulement 7% en 2024) dans le processus de reporting durable, soulignant l'importance accordée à la gestion responsable de la chaîne d'approvisionnement. Alors que, selon le CDP, en moyenne, 92% des émissions des entreprises européennes proviennent du Scope 3, les directions Achats se mobilisent pour collecter, identifier et faire remonter des données. Alors pourquoi cette dichotomie entre direction ESG et direction HSE perdure dans de nombreuses entreprises, alors qu’il s’agit des deux fonctions les plus liées ?

Rompre les silos n’est pas un exercice cosmétique : c’est une condition de crédibilité et d’efficacité. Associer les responsables HSE aux décisions ESG permet d’ancrer les engagements dans la réalité quotidienne. Ouvrir l’ESG aux réalités techniques et réglementaires du terrain évite le risque d’une stratégie déconnectée. Cette alliance crée un langage commun, rend les preuves plus solides et aide l’entreprise à ajuster sa trajectoire quand les règles évoluent.

Les exemples sont nombreux. Prenons celui des émissions de gaz à effet de serre liées aux activités industrielles. Le responsable HSE est en première ligne pour mesurer les consommations d’énergie, les rejets atmosphériques ou l’efficacité des dispositifs de prévention des fuites. Ces données constituent la base du suivi réglementaire et de la prévention des risques sur site. La direction ESG, de son côté, s’appuie sur ces mêmes informations pour établir l’empreinte carbone globale de l’entreprise, définir les trajectoires de décarbonation et communiquer sur les engagements climatiques auprès des investisseurs et des parties prenantes. Suivre cet indicateur conjointement permet à la fois de sécuriser la conformité réglementaire et de donner de la crédibilité aux objectifs de transition bas-carbone.

Au-delà de l’environnement, d’autres indicateurs illustrent également l’intérêt d’un pilotage conjoint. La pollution ou la protection des travailleurs sont des sujets à la fois pleinement HSE et ESG. La CSRD a d’ailleurs franchi un pas décisif dans ce rapprochement en intégrant des éléments tels que les accidents de travail significatifs ou la pollution des sols. Des enjeux de conformité sont aujourd’hui des indicateurs de performance extra-financière qui intéressent les investisseurs et les clients. Prenons l’exemple d’un site industriel suivi par un responsable HSE qui mesure la qualité de l’air dans ses ateliers : ces mesures servent à protéger les salariés, mais deviennent aussi un indicateur ESG reporté au titre des impacts sociaux et environnementaux. Cette intégration, rendue obligatoire par la directive, montre que la frontière entre HSE et ESG s’efface, et que la coopération entre les deux fonctions est désormais la condition d’une gouvernance crédible et cohérente.

Casser les silos entre HSE et ESG, c’est donc préparer l’entreprise à tenir ses promesses, quelles que soient les évolutions réglementaires. C’est la meilleure façon de conjuguer ambition et preuve, vision et action, et de donner à la durabilité la solidité qu’attendent investisseurs, salariés et société civile. Les interdépendances sont omniprésentes. L’un ne peut plus se passer de l’autre.

Julien Victor, CEO de Tennaxia
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