Avant même la présentation du cadre posé par le gouvernement, Veolia a annoncé son plan de déconfinement. Parmi les mesures : les tests virologiques PCR sytématiques dans le cadre d'un "parcours de santé sanitaire". Entre stratégie d'entreprise et enjeux de santé publique, nous faisons le point sur les questions que cela pose.
Le plan de reprise de l’activité présenté le 23 avril par Veolia, à grand renfort de communication dans les médias, prévoit notamment "une campagne de dépistage systématique" de ses quelque 50 000 salariés ainsi qu’une prise de température obligatoire pour permettre l’accès à ses bâtiments. Ceci vient s'ajouter aux mesures organisationnelles comme la rotation des personnels et des horaires décalés d’arrivée et de départ, ainsi qu'aux règles pour respecter les gestes barrières et les distances de sécurité.
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"Nous avons le droit de leur dire que pour revenir au travail, il faut être testé. En revanche, nous n’avons pas le droit de disposer des résultats du test. Mais nous faisons confiance à ceux qui seront positifs pour nous le dire", a déclaré vendredi dernier devant les caméras de télévision Antoine Frérot, PDG du groupe.
Veolia précise cependant que ces tests ne seront pas obligatoires, mais recommandés à travers un "parcours de santé sanitaire" que le groupe entend déployer. "Cette démarche, précise-t-on chez Veolia, est pour nous la condition de la confiance, avec l’objectif que les collaborateurs se sentent davantage en sécurité sur leur lieu de travail que partout ailleurs."
Si le groupe assure avoir provisionné 15 millions d’euros pour ce plan, se pose la question de la faisabilité et de la pertinence des tests PCR pour l’ensemble des salariés du groupe.
Le même conseil scientifique réunit par le gouvernement préconise d’effectuer les tests PCR de diagnostic de façon large, mais uniquement sur prescription médicale pour l'instant, pour identifier au plus tôt les cas probables ainsi que les "cas contacts" des cas diagnostiqués.
Comme le rappelle dans une vidéo Martine Léonard, médecin inspecteur du travail du Grand Est, un test PCR négatif ne veut pas forcément dire que la personne n’est pas infectée par le Sars-CoV-2 : "on parle de faux négatifs dans 30 % des cas". Les tests PCR doivent être refaits très régulièrement pour apporter une information fiable.
Dans Le Monde, Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique, a d'ailleurs pointé la stratégie de Veolia : "Si l’ensemble des grands groupes en faisaient autant, cela conduirait à une large utilisation de tests qui ne servent à rien en population générale". Au-delà même du nombre de tests disponibles, il semble évident qu'il n'est pas possible de tester chaque semaine toute la population française.
Des stratégies d'entreprises telles que celle de Veolia entraîneraient une baisse de la capacité à tester ceux qui sont réellement potentiellement contaminés, soit parce qu'ils ont des symptômes, soit parce qu'ils ont été en contact avec un malade du covid-19, et qui sont ainsi des sources de dissémination qu'il est essentiel de pouvoir repérer.
"Il s’agit d’un problème de stratégie de santé publique, à laquelle les entreprises auront à s’adapter, et non d’une stratégie d’entreprise pour s’accaparer des moyens médicaux de sélection binaire que la pandémie et l’activité des entreprises ne justifient pas", insiste le docteur Gérard Lucas, président du Conseil national professionnel de la médecine du travail.
Jean-Louis Sylberbeg, médecin du travail et président de l’association Santé et Médecine du travail, pointe de con côté un risque de "gestion des ressources humaines par la dose" avec les tests sérologiques. "Quelles seront les conséquences sur le plan du contrat de travail de l'absence d'anticorps spécifiques ?", se demande-t-il.
Ces tests sérologiques ne sont de toute façon pas encore au point, selon les dernières analyses fin avril publiées par la revue Prescrire. Et on ne sait pour l'instant pas si la présence d'anticorps est une information aussi pertinente qu'espéré. Comme le souligne le conseil scientifique, dans son avis rendu public le week-end dernier, "les données actuellement disponibles ne permettent pas encore de connaître la durée de protection conférée par les anticorps", ce qu'indique aussi l'OMS. Cela devrait freiner les espoirs des entreprises quant aux "passeports d’immunité" des salariés pour la reprise du travail.
Jean-Louis Sylberberg s’étonne aussi de cette prise de température corporelle systématique des salariés, une mesure arrêtée par Veolia en contradiction avec la position de la Cnil. Il y a actuellement un flou sur la question.
Veolia a prévu de refuser l’accès à ces sites en cas de température anormalement élevée des salariés. "L'employeur prend un risque d'insécurité juridique de discrimination sur l'état de santé", déclare le médecin du travail. Enfin, cette prise de température ne lui semble pas être un moyen pertinent de repérer les personnes potentiellement porteuses du virus, les études ayant montré qu’une fièvre n’est pas présente chez toutes les personnes infectées.
HSE
Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement.
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