Crise sanitaire : comment l'Île-de-France a-t-elle géré la première vague de Dasri liés au covid-19 ?

Crise sanitaire : comment l'Île-de-France a-t-elle géré la première vague de Dasri liés au covid-19 ?

26.10.2020

HSE

Jusqu'alors, les capacités franciliennes de traitement des déchets d'activités de soins à risque infectieux, présentaient une large marge. Mais l'épidémie de covid-19 a provoqué une augmentation massive – entre 60 et 100 % – qui a surpris la Driee. L'inspection ICPE dû réagir pour fluidifier le flux. Elle se prépare aujourd'hui à la 2e vague.

"Pendant le confinement du printemps 2020 lié à l’épidémie de covid, l’augmentation massive de déchets d’activités de soins à risques (Dasri) nous a surpris", reconnaît Félix Boilève, le chef du pôle risques chroniques et qualité de l’environnement à la Driee, direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie en Île-de-France.

Notamment produits par les établissements de santé et de soins comme les hôpitaux, les laboratoires ou les Ehpad, les Dasri sont des déchets à risques définis dans l’article R. 1335 du code de la santé publique. Dès leur production, ils sont séparés des autres déchets et tracés : ils sont stockés dans des emballages spécifiques, puis collectés par des prestataires spécialisés.

En Île-de-France, la majorité des Dasri est ensuite incinérée dans deux ICPE spécialisées – car disposant de systèmes de convoyage séparés : le site CGECP de Saint-Ouen l’Aumône (Val d’Oise) et l’incinérateur Valo’marne à Créteil (Val-de-Marne). Depuis 2017, les Dasri peuvent aussi être banalisés, c’est-à-dire désinfectés par chauffage et ainsi transformés en déchets banals. En Île-de-France, deux ICPE sont en mesure de fournir ce service : Proserve Dasri à Argenteuil (Val d’Oise) et Medical Recycling à Bondoufle (Essonne). "Dans ce paysage, le rôle de la Driee consiste à contrôler la conformité des activités des ICPE", précise Félix Boilève.

Avant le covid : 51 % de la capacité autorisée

Selon les chiffres utilisés lors de l'élaboration du PRPGD (plan régional de prévention et de gestion des déchets) d’Île-de-France, les ICPE franciliennes de traitement des Dasri ont reçu en 2015 environ 32 000 tonnes de déchets (dont 29 000 produites dans la région), "soit 51 % des capacités autorisées". "Par conséquent, l’Île-de-France n’aura pas besoin de nouvelles capacités de traitement des Dasri en 2025 et 2031", avait-il alors été tranché dans le plan, qui a été adopté fin 2019, et a vocation à porter une planification de la gestion des déchets à horizon 6 et 12 ans. C'était sans compter sur le coronavirus de 2020.

"Le dépassement des capacités au moment du confinement nous a surpris", reprend Félix Boilève. "La nature des Dasri produits […] notamment les équipements de protection individuelle tels que masques, surblouses, charlottes, gants, conduit à une forte augmentation du volume", souligne quant à elle l’ARS (agence régionale de santé), dans des recommandations émises en avril 2020 pour le conditionnement et l'entreposage des Dasri dans les établissements. Félix Boilève évalue aujourd’hui cette augmentation entre + 60 et + 100 % – des chiffres qui sont en cours de consolidation.

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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L'inspection facilitatrice

"Pour gérer la crise, outre notre rôle de contrôleur, nous avons joué un rôle de facilitateur, dans la mesure de nos moyens et dans le respect de la réglementation", explique alors Félix Boilève.  D’abord, via la centralisation et la redistribution de l’information. "Nous étions en contact régulier avec les incinérateurs pour éviter des arrêts de maintenance simultanés et redistribuer l’information aux parties prenantes", développe Félix Boilève.

Par ailleurs, face à l’engorgement des installations de traitement, la Driee a cherché des sites tampons. "Nous avons identifié et contacté plusieurs sites de gestion de déchets dangereux. Trois ont été retenus : Paprec au Blanc Mesnil (Seine-Saint-Denis), Georges Chabany à Villeneuve le Roy (Val-de-Marne) et Triadis à Etampes (Essonne). Des arrêtés préfectoraux les ont autorisés temporairement à recevoir des Dasri, indique Félix Boilève. Les déchets y ont été entreposés pendant de courtes durées, conformément à l'arrêté du 7 septembre 1999" , insiste encore le chef de pôle. Pour mémoire, deux arrêtés (18 avril et 20 avril 2020) sont toutefois venus allonger ces durées pendant le confinement.

"En dernier recours, la Driee a aussi contribué à identifier des incinérateurs non saturés à l’extérieur de la région : dans les Hauts-de-France, en Normandie, en Pays de la Loire, en Centre-Val de Loire – mais pas dans le Grand Est, très touché aussi par la crise", indique Félix Boilève.

Deuxième vague

Tandis que la France vit une deuxième vague de l’épidémie, comment la Driee envisage-t-elle cette fois-ci l’accompagnement de la gestion des Dasri ? "Pour anticiper les flux, nous avons maintenant des relations régulières avec les producteurs et les collecteurs. Pour l'instant, nous ne retrouvons pas les niveaux de production du printemps, mais les indicateurs commencent à nous inquiéter et la filière pourrait connaître de nouvelles tensions dans les semaines à venir", nous répond Félix Boilève mi-octobre. Dans ce cas, le chef de pôle indique que les mesures prises au printemps pourraient être à nouveau appliquées.  

À moyen terme, la Driee prévoit d'élaborer d’un "plan de continuité de traitement" associant la filière, ainsi que le conseil régional et l’ARS. "Capitalisant sur le retour d’expérience, ce document doit permettre de mobiliser rapidement les acteurs en cas de nouvelle crise", conclut Félix Boilève. Peut-être faudra-t-il aussi revoir le PRPGD une fois les chiffres de 2020 consolidés : le plan adopté fin 2019 envisage le surplus de production de Dasri en cas de pandémie grippale, mais il ne tablait que sur une augmentation de 11% (ramenée sur une année).

Éva Thiébaud
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