Problèmes d'organisation du travail, de rythme, de management, de violence, de manque de moyens... le tableau dressé par le rapport de Charlotte Lecocq, Pascale Coton et François Verdier sur la santé au travail dans la fonction publique est assez noir. Ses auteurs ont quand même souhaité mettre en avant les bonnes pratiques qu'ils ont repérées sur le terrain.
Le rapport sur la santé au travail dans la fonction publique est prêt mais ses auteurs sont soumis au secret tant qu'ils n'ont pas été reçus par le Premier ministre. Lors d'un débat organisé par la Fondation Jean Jaurès le 2 octobre 2019, la députée LREM Charlotte Lecocq et la vice-présidente de la CFTC Pascale Coton ont donc tu les 49 recommandations qu'elles vont présenter, avec l'inspecteur général des finances Jean-François Verdier, à Édouard Philippe, "probablement" la deuxième quinzaine d'octobre. Elles ont malgré tout un peu dévoilé le diagnostic tiré des auditions, contributions et visites réalisées depuis mars dernier. "Il y a urgence, parce que les signaux sont oranges voire rouges", explique d'emblée Pascale Coton.
Parmi les problèmes identifiés dans ce rapport intitulé "Santé sécurité qualité de vie au travail dans la fonction publique : un devoir, une urgence et une chance" : l'organisation du travail, notion derrière laquelle Charlotte Lecocq met l'équilibre entre les contraintes et les ressources attribuées. Les rythmes de travail sont également problématiques – notamment chez les policiers, font remarquer les rapporteurs qui reconnaissent la nécessité de revoir les horaires de travail. Les fonctionnaires sont aussi davantage qu'avant confrontés à des situations de violence avec les usagers, notent-ils, à l'instar des policiers, du personnel hospitalier ou des enseignants.
La question du management, liée à celle de l'organisation du travail, revient "de façon unanime". "Les managers font ceux qu'ils peuvent avec des orientations et des objectifs ténus mais ils sont aussi peut-être parfois insuffisamment sensibilisés et formés pour prendre en considération les aspects de santé et de qualité de vie au travail dans leur manière de concevoir l'animation de leur équipe et l'organisation du travail, pour détecter des symptômes de situations difficiles, et savoir y remédier", raconte Charlotte Lecocq. La députée du Nord pointe aussi du doigt une culture descendante du management, qui varie au gré des élections.
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"Je ne vais pas éluder la question des moyens. Des organisations manquent de moyens", déclare Charlotte Lecocq, ayant constaté "énormément de choses négatives". Cependant, elle explique avoir voulu montrer que "quand il y a une volonté politique, la question des moyens est presque secondaire" et mettre en avant "la conviction d'un élu, d'un manager, d'un employeur public". "En s'engageant, on trouve des solutions qui règlent les problèmes et apportent du plus en termes de QVT, de bien-être au travail et d'engagements des professionnels", estime-t-elle.
Pascale Coton cite l'exemple de la mairie de Poissy (78), qui grâce à sa politique, a diminué de 765 jours le nombre d'arrêts de travail en un an. De manière plus générale : "Nous avons vu que les bonnes pratiques qui fonctionnent sont celles imaginées avec les agents". L'ancienne factrice ajoute : "Les agents commencent à mettre des mots sur leurs maux depuis quelques temps. Et ils ont une vraie volonté d'être acteurs de l'amélioration de leurs conditions de travail".
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Charlotte Lecocq a déjà remis un rapport sur la santé au travail dans le secteur privé. Elle s'essaie donc à un exercice de comparaison. Elle note un retard du public quant à la collecte des données sur la santé et la qualité de vie au travail qui "sont éparses, pas rassemblées et partagées", ce qui a d'ailleurs compliqué le travail de la mission. "On traite les choses au coup par coup, mais sans vraie stratégie et objectifs partagés", fait-elle remarquer.
Autre grosse différence : "l'offre d'accompagnement sur la démarche de prévention". Entendez : la pénurie de médecins du travail, encore plus importante dans le secteur public que privé. "La situation des enseignants est très marquante, ils n'ont presque aucune visite médicale", ajoute-t-elle. "En vingt ans, j'en ai passé une", témoigne Laurent Turpin, syndicaliste de la CFTC et directeur d'école présent dans la salle.
Une syndicaliste intervient pour pointer une autre grosse différence : "contrairement au secteur privé il n'y a pas d'inspection dans la fonction publique, pas de contrainte sur l'employeur, donc un retard dans l'application de la législation". "Le volet coercition n'est pas le seul nécessaire et nous sommes plus axés dans une démarche incitative", défend Charlotte Lecocq, reconnaissant cependant qu'"il y a un moment où l'incitation ne marche plus et où il faut aussi un peu plus de contrôle".
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"Le document unique est peu mis en œuvre, ou quand il existe n'est pas piloté, y compris dans les structures pourtant convaincues de l'importance de la prévention", décrit Charlotte Lecocq, qui a déjà recommandé de supprimer l'obligation d'en élaborer un dans son précédent rapport consacré au secteur privé. "On est déjà circonspects de la disparition des CHSCT, on le serait encore plus si on voyait disparaître le DUER", s'inquiète une autre syndicaliste. Charlotte Lecocq est, contrairement à Pascale Coton, favorable à la fusion des instances représentatives du personnel, en train d'être finalisée dans le privé et à venir très bientôt dans la fonction publique.
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Quid des contractuels, qui ne bénéficient pas du même suivi médical que les fonctionnaires, puisque les uns doivent rencontrer les médecins du travail et les autres les médecins de prévention ? "On met le mot harmonisation", répond, en souriant, Pascale Coton qui ne souhaite pas dévoiler la mesure préconisée. Le gouvernement s'apprête à réformer par ordonnance le système actuel : la loi de transformation de la fonction publique votée cet été prévoit de simplifier "l’organisation et le fonctionnement des instances médicales et de la médecine agréée, y compris les services de médecine de prévention et de médecine préventive, et en rationalisant leurs moyens d’action".
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La députée de la majorité a profité du débat de la Fondation Jean Jaurès pour assurer que "la souffrance au travail est très clairement perçue par le gouvernement. Nous avons bien entendu les cris d'alerte, raconte-t-elle en faisant référence aux grèves et manifestations récentes. On mesure bien la gravité de la situation".
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