Dans la vallée de la chimie, la Dreal s’inquiète du possible "trou de 6 mois" dans l’application du PPRT

Dans la vallée de la chimie, la Dreal s’inquiète du possible "trou de 6 mois" dans l’application du PPRT

21.09.2020

HSE

Le PPRT de la vallée de la chimie, dans le Rhône, adossé à Lyon, est décidément hors norme. C'est l'un des plus gros de France, et il risque de ne pas pouvoir être appliqué durant au moins un semestre, début 2021. Un "trou" dû au dossier judiciaire toujours en cours. Quelles en seraient les conséquences ? Explications avec la Dreal et un chercheur spécialisé en risques industriels.

"En début d’année 2021, nous risquons un trou de six mois dans l’application du plan de prévention des risques technologiques (PPRT) de la vallée de la chimie", prévient le chef de l’unité départementale de la Dreal du Rhône Jean-Yves Durel dans une interview accordée à ActuEL-HSE le 4 septembre 2020.

Pour mémoire, ce PPRT avait initialement été approuvé le 19 octobre 2016. "Avec dix établissements Seveso, il s’agit de l’un des plus gros en France, rappelle Christophe Polge, l’adjoint au chef de l’unité départementale en charge des risques industriels. En outre, il est proche de Lyon et donc adossé à une urbanisation importante", poursuit-il. Hors norme donc.

Au total, son périmètre couvre plus de 2 000 hectares et concerne 7 000 logements. "Ce PPRT a demandé un travail de gestation long et complexe. Les mesures foncières et les travaux de protection dans les logements représentent au total 134 millions d'euros, portés à la fois par l’État, les collectivités et les industriels", détaille quant à lui Jean-Yves Durel.

Annulation du PPRT

Mais attaqué par l'entreprise Plymouth – qui contestait son classement en zone d'expropriation – et par une commune du territoire (Solaize), ce PPRT a été annulé le 10 janvier 2019 par le tribunal administratif de Lyon.

La juridiction a estimé que la décision dispensant d'évaluation environnementale ce plan de prévention n'avait pas été prise par "une autorité dotée d'une autonomie réelle". Jugeant toutefois qu’"une annulation avec effet immédiat aurait des conséquences manifestement excessives pour l'intérêt public", le tribunal l’avait reportée de deux ans, la portant à janvier 2021.

 

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À l’époque, l’État avait fait appel. "Nous espérons le jugement avant la fin de l’année 2020", indique aujourd’hui Jean-Yves Durel. En cas d’échec, les services de la préfecture s’étaient aussi attelés à la rédaction d’un "PPRT 2" initialement prévu pour prendre le relais du premier. "Puisque le premier plan a été annulé pour vice de forme, le second lui sera quasiment identique. De toute façon, le délai restreint ne permettait pas de rouvrir les débats", note le chef de l’unité départementale du Rhône.

Le risque d’une interruption

"La nouvelle dispense d’évaluation environnementale a été obtenue en août 2019 auprès du CGEDD (conseil général de l’environnement et du développement durable), poursuit Christophe Polge. Il s’agit cette fois d’une autorité disposant d’une autonomie réelle", assure-t-il. Après un arrêté de prescription daté du 12 décembre 2019, la concertation publique sur ce nouveau PPRT a débuté en mars 2020 et est aujourd’hui toujours en cours. "Le calendrier collait. Mais la crise sanitaire et la période électorale l’ont décalé", regrette Jean-Yves Durel, estimant le lancement de l’enquête publique à début 2021 et l’approbation du nouveau PPRT au mois de juin de la même année.

Pour le chercheur Emmanuel Martinais, spécialisé en risques industriels au laboratoire "Environnement, ville, société" (EVS-RIVES) de l’École nationale des travaux publics de l’État à Vaulx-en-Velin près de Lyon, le délai était, de toute façon, très court. "Il est difficile de faire tenir une procédure de PPRT en 24 mois", note-t-il.

Si l’appel échouait, il y aurait donc un trou d’au moins six mois entre les périodes d’application des deux PPRT. Avec quelles conséquences ? "Sur les volets logements et fonciers, cela se traduira par un ralentissement. Dès l’automne, on ne relancera plus de nouveaux projets. Et lorsque le nouveau PPRT entrera en vigueur, il faudra resigner les conventions financières avec les industriels et les collectivités", explique Christophe Polge.

"Incertitude juridique pesante"

Quid des mesures de maîtrise du risque industriel ? "Les mesures dites "complémentaires", financées par les industriels (diminutions de quantité, déplacements ou mesures barrières) sont prescrites par arrêté préfectoral et ne seront donc pas impactées", précise l’adjoint au chef de l’unité départementale.

Réalisées depuis 2016, elles ont concerné les établissements de Rhodia, Kem One, Total raffinage, Rhône gaz, Elkem Silicones ainsi que les trois dépôts pétroliers du port. Une mesure dite "supplémentaire" avait également été prescrite sur le site d’Arkema, financée de façon tripartite par l’industriel, l’État et les collectivités. "Il s’agissait notamment de changements de ligne, de la mise en place de soupapes et de la rehausse de cheminées. Ces travaux ont été finalisés au premier semestre 2020 et leur contrôle devrait avoir lieu avant l’automne", explicite Christophe Polge. Toutes ces mesures ne souffriront donc pas d'un éventuel "vide" de PPRT.

Quant à la sécurité sur les communes, l’adjoint en charge des risques industriels à la Dreal assure que les exigences d’installation sur ces zones resteront les mêmes. "Nous allons pour cela nous appuyer sur le code de l’urbanisme", assure-t-il.

Reste l’éventualité d’un accident, que soulève le chercheur Emmanuel Martinais. "L’absence de PPRT va surtout créer une incertitude juridique pesante. Si un accident devait se produire à ce moment, quelles seraient les mises en cause, les responsabilités ?", interroge-t-il. Dans ce contexte, le résultat de l’appel par l’État de l’annulation du tribunal administratif de Lyon sera crucial.

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Éva Thiébaud
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