Comment calculer la "jauge" de son établissement et quels sont les principes de la gestion des flux ? Quand doit-on mettre un masque, est-ce obligatoire au travail ? Quid des campagnes de tests de virologiques et sérologiques ? Et du contrôle de la température ?… Nous revenons en détail sur le protocole publié dimanche soir par le ministère du travail.
Comment le travail s'organisera-t-il à partir du 11 mai ? Le ministère du travail a apporté des réponses techniques, dimanche 3 mai 2020 au soir, en publiant le "protocole national de déconfinement pour les entreprises pour assurer la santé et la sécurité des salariés". Le document reste pour l'instant assez informel – même si les employeurs ont bien entendu tout intérêt à en appliquer les consignes. Il pourrait être porté par une circulaire, par exemple, mais cela n'est – en tout cas pour l'instant – pas le cas. Il a vocation à être complémentaire des fiches par métiers, secteurs ou postes diffusées par le ministère.
Voici le détail des 10 points-clé de ce protocole :
- Quels sont les grands principes du protocole ?
- Calculer la jauge de son établissement
- Gérer les flux de personnes
- Comment gérer les intervenants externes ?
- Quand doit-on mettre un masque ?
- Pas de campagne de tests de dépistage au niveau de l'entreprise
- Pas de tests sérologiques non plus
- Contrôler systématiquement la température des salariés à l'entrée "est exclu", mais… tout de même possible
- Rédiger une procédure de prise en charge d'une personne symptomatique et des matrices de "contact-tracing"
- Nettoyer – et parfois désinfecter – les locaux
La réflexion de l'employeur dont l'activité reprend ou qui fait revenir une partie de ses salariés sur le site de l'entreprise doit s'appuyer sur les principes généraux de prévention. Ainsi faut-il, dans cet ordre :
- "éviter les risques d’exposition au virus ;
- évaluer les risques qui ne peuvent être évités ;
- privilégier les mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle".
Le télétravail reste "la règle chaque fois qu'il peut être mis en œuvre", comme l'a déclaré Édouard Philippe la semaine dernière. Si la présence sur site est incontournable, l'employeur doit organiser "le séquencement des activités et la mise en place d’horaires décalés".
Évidemment, mesures barrières (se laver les mains, ne pas se toucher le visage, mouchoirs jetables, etc.) et distanciation physique (au moins 1 mètre dans toutes les directions, ou 4 m2 sans contact autour de chaque personne), au travail comme partout, sont le "socle du déconfinement". Ainsi que le fait de rester chez soi au moindre symptôme évocateur du covid-19, et de contacter son médecin traitant (ou le Samu en cas de symptômes graves).
À partir du 11 mai, les rassemblements publics et privés seront limités à 10 personnes. Mais cette règle ne s'appliquera pas aux lieux de travail et ni aux établissements recevant du public (ERP). Il va falloir sortir plans et calculette afin de déterminer la "surface résiduelle" et la "jauge maximale".
Sur le papier, la méthode n'est pas si compliquée :
- on prend la totalité de la surface,
- on soustrait toutes les parties occupées (meubles et armoires de bureau, salles de réunion, couloirs et autres surfaces de circulation),
- ce qui nous donne la "surface résiduelle", "c'est-à-dire la surface effectivement disponible pour les occupants".
Il ne reste alors plus qu'à diviser ce nombre par 4, afin de savoir combien de fois on a les 4 m2/personne nécessaires sur cette surface. On obtient la fameuse jauge maximale.
En pratique, il ne va pas être si facile, par exemple dans un open-space avec de multiples séparations sans parois complètes, de déterminer quelle est la surface dédiée aux circulations.
Une fois que l'on a obtenu la jauge maximale par ce calcul, le protocole souligne qu'il peut être nécessaire d'appliquer une "marge de sécurité en fonction de l'activité". Les 4 m2 exigés sont plutôt adaptés à une configuration statique, avec essentiellement des bureaux. Dans un magasin, "où les flux de circulation sont plus difficiles à maitriser et les phénomènes de concentration difficiles à éviter", l'exemple du ministère fixe la jauge maximale à 80 % de la jauge initialement obtenue en divisant par 4 la surface disponible.
"Les flux de personnes doivent faire l’objet d’une analyse rigoureuse dans le contexte de pandémie", énonce le ministère. Deux principes doivent présider à ce travail :
- éviter ou limiter au maximum les croisements,
- gérer les périodes d'affluence et les anticiper pour les éviter ou les réduire.
Concrètement, les entreprises doivent revoir à la fois l'organisation de l'espace de travail (sens unique dans les couloirs et escaliers, zones d'attente, portes toujours ouvertes, etc. ) et l'organisation même du travail, en s'attardant particulièrement sur les moments pouvant créer des "goulots d'étranglement".
Parmi les questions à se poser : comment les travailleurs arrivent-ils, prennent-ils l'ascenseur, y a-t-il un poste de garde, un tourniquet avec badgeage, doivent-ils passer au vestiaire, n'y a-t-il pas trop de réunions simultanées dans le bâtiment, les horaires des rendez-vous sont-ils suffisamment décalés par rapport aux heures d'arrivée du personnel, etc ? Idem pour les départs à la fin de la journée. Et pour les pauses.
Écueil à éviter : ne pas tomber dans une "régulation excessive des circulations" (s'il faut faire tout le tour d'un grand open space pour aller aux toilettes, par exemple) ; cela ne serait pas respecté. Pour les ERP, il faudra aussi être vigilant à ne pas déporter les zones d'attente sur le trottoir, au risque de créer "de nouveaux risques d'interactions et de concentrations".
Notons que "chaque personne travaillant au sein de l’organisation doit être informée des nouvelles conditions de circulation, et dans les locaux de travail, des conditions d’usage des espaces".
Concrètement, pour l'organisation des bureaux, le protocole est assez laconique, et retient uniquement trois points :
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Clients, fournisseurs, prestataires : tous les acteurs amenés à venir dans l'entreprise doivent être intégrés à la réflexion sur la gestion des flux. Ils devront en être informés – si possible en amont de leur venue – ou bien être systématiquement accompagnés pour s'assurer qu'ils respectent les consignes.
Dans le cas d'un dépannage, le protocole précise qu'il faudra, à l'aide de plots, rubans, marquage au sol, etc, baliser la zone d'intervention. Plus étonnant, il est indiqué dans ce cas précis que, "si le dépannage ou l'intervention requiert une équipe de plus d'une personne, celle-ci circulera en file indienne et non de front".
Sur ce point, le ministère du travail essaie de tenir un discours clair : le masque vient en dernier recours… Peine perdue, cette règle découlant de la hiérarchie des mesures de prévention en santé au travail apparaît comme discordante avec les recommandations de santé publique.
Certes, en santé au travail, l'EPI qu'est un masque ne vient qu'après les mesures organisationnelles (télétravail, horaires décalés, etc) et de protection collective (plexiglas de séparation, par exemple) . Mais le discours général de santé publique est désormais d'envisager le port généralisé du masque "grand public".
Le protocole indique ainsi qu'au travail, le port d'un masque devient "obligatoire" lorsque le respect de la distanciation physique ne peut être garanti en dépit de la mise en place de toutes les mesures précédentes. Au risque donc que certains employeurs estiment qu'il ne leur est pas possible de revoir suffisamment l'organisation du travail, et optent par facilité pour le port du masque obligatoire.
Le ministère écrit aussi, dans un souci de concordance avec les préconisations de santé publique, que l'employeur peut décider de généraliser le port collectif du masque grand public, en complément des gestes barrières et règles de distanciation. Mais attention, dans ce cas, le port généralisé du masque "est une possibilité, et non une obligation".
Plusieurs précautions essentielles sont rappelées, à commencer par le fait que, comme pour tout EPI (équipement de protection individuelle), la performance dépend du "respect de conditions d’utilisation idéales, lesquelles se trouvent rarement réunies en pratique. Leur utilisation peut alors procurer un sentiment indu de sécurité et même devenir contreproductive en conduisant à l’abandon des gestes élémentaires de prévention". Le port du masque nécessitera une information spécifique pour correctement les porter et les entretenir.
Une fois utilisés, les masques souillés devront être jetés "dans un double sac poubelle, à conserver 24 heures dans un espace clos réservé à cet effet avant élimination dans la filière ordures ménagères".
Les entreprises ont "un rôle à jouer" dans la stratégie nationale de dépistage, est-il écrit dans le protocole du ministère du travail. Mais ce rôle ne consiste pas à mener elles-mêmes des campagnes de tests : "À ce stade, aucune organisation par les employeurs de prélèvements en vue d’un dépistage virologique ne saurait s’inscrire dans la stratégie nationale de dépistage".
Il est essentiellement demandé aux entreprises de relayer les messages des autorités sanitaires et de collaborer avec elle s'il était nécessaire de retracer les contacts d'un employé malade, ainsi que d'inciter leurs employés à ne pas venir travailler ou à quitter le lieu de travail en cas de symptômes.
Pour rappel, à ce jour, la stratégie de dépistage prévue à partir du 11 mai est de pratiquer un test virologique (RT-PCR) sur toutes les personnes présentant des symptômes du covid-19, ainsi que toutes les personnes qui ont été en contact rapproché avec une personne infectée, afin d'isoler les malades et de casser les chaînes de transmission du virus.
Quant aux bilans sérologiques, pour déterminer si les salariés ont déjà été en contact avec le virus et pourraient présenter une immunité, le ministère rappelle qu'"aucun test sérologique n'est autorisé à ce jour" et que "la visibilité sur les usages pertinents et la fiabilité des tests sérologiques est insuffisante pour autoriser et encadrer un dépistage par les entreprises". De plus, les entreprises ne pourraient tirer aucune conclusion des résultats d'une telle campagne de dépistage, puisque l'on ne sait toujours pas si séropositivité au covid-19 signifie immunité, et cela ne leur permettrait pas de se dédouaner des mesures de prévention.
L'ordonnance du 1er avril visant à "mobiliser" les services de santé au travail a prévu que les médecins du travail puissent "procéder à des tests de dépistage du covid-19". Il s'agissait d'une première brique permettant au gouvernement de se réserver cette possibilité, mais qui ne sera peut-être jamais complétée par le décret et l'arrêté nécessaires. Fin mars, mener une campagne de tests sérologiques de grande ampleur, voire de créer des "passeports covid" semblait probable. Il en est autrement aujourd'hui.
Sur ce point, le ministère se contredit dans son propre document. À la 4e page, dans le "socle du déconfinement", encadré de rouge, il est écrit que "un contrôle systématique de température à l’entrée des établissements/structures est exclu". Plus loin dans le document, dans la partie réservée à cette question, le contrôle à l'entrée devient simplement "déconseillé" et, encore quelques lignes plus bas, il est indiqué que "les entreprises, dans le cadre d'un ensemble de mesures de précaution, peuvent organiser un contrôle de la température des personnes entrant sur leur site".
Attention, comme le souligne le ministère, prendre la température peut être l'exemple même de la fausse bonne idée. Les porteurs du Sars-CoV-2 sont contagieux avant l'apparition des premiers symptômes, si tant est qu'ils développent des signes cliniques, car beaucoup resteront asymptomatiques ou pauci symptomatiques, et la fièvre n'est pas du tout systématique. L'absence de fièvre en guise de "passeport" pour entrer n'est donc pas un critère pertinent et peut même s'avérer faussement rassurant.
Si malgré tout un employeur voulait mettre en place un tel contrôle, le ministère lui donne la marche à suivre : une note de service qui vient compléter le règlement intérieur, selon l'article L. 1321-5 du code du travail. Cette note de service doit être immédiatement communiquée au CSE et à l'inspection du travail.
L'employeur devra s'assurer que ce contrôle respecte "les dispositions du code du travail, en particulier celles relatives au règlement intérieur", que la mesure est "proportionn[ée] à l’objectif recherché", que les règles concernant les données personnelles (pas de conservation des données) et les conséquences pour l'accès au site du salarié contrôlé sont respectées. Les salariés devront en avoir été informés. Et les contrôles doivent être réalisés "dans des conditions préservant la dignité".
Mieux vaut-il peut-être plus simplement inciter tous les collaborateurs à être vigilants à l'apparition de tout symptôme évocateur du covid-19.
Toux, fièvre, difficultés respiratoires, perte du goût et de l'odorat… Aux premiers soupçons de symptômes faisant penser au covid-19, une procédure bien définie doit se mettre en place sans délai. L'employeur doit rédiger ce protocole avec la médecine du travail. La prise en charge repose sur le triptyque isolement - protection - recherche des signes de gravité.
Il faudra d'abord isoler la personne dans une pièce dédiée – avec tous les gestes barrière et le port de masques. Ensuite, on appelle le "professionnel de santé dédié de l’établissement, un sauveteur/secouriste du travail formé au risque covid ou le référent covid". En cas de détresse respiratoire ou tout autre signe de gravité, on compose bien sûr le 15 pour le Samu.
Si le malade ne présente pas de signes de gravité, le médecin du travail peut lui signer un arrêt de travail (mesure exceptionnelle dans le cadre de la crise sanitaire), ou alors on invite le malade à contacter son médecin traitant, et on "organis[e] son retour à domicile en évitant les transports en commun". Une fois la personne partie, il faut "prendre contact avec le service de santé au travail et suivre ses consignes, y compris pour le nettoyage du poste de travail et le suivi des salariés".
L'employeur doit aussi se préparer à apporter toutes les infos nécessaires au "contact-tracing" des personnes contaminées par le covid-19. Avec la médecine du travail, chaque entreprise doit "élabor[er] des matrices des contacts". Il s'agit, lorsqu'un cas est avéré, de pouvoir rapidement identifier les personnes avec qui il a été en contact et, pour chaque, de pouvoir évaluer le niveau de risque.
Pas de désinfection – pour détruire le Sars-CoV-2 – systématique, le nettoyage suffit dans la majorité des cas, pose comme règle le ministère du travail, qui renvoie à la brochure ED 6347 de l'INRS publiée en janvier 2020.
Pour l'entretien quotidien des locaux, il conviendra d’utiliser des produits contenant un tensioactif, c'est-à-dire un composé que l'on trouve notamment dans les savons et dégraissants, et qui va dégrader les lipides de l'enveloppe du virus Sars-CoV-2 et ainsi l'inactiver. Les moquettes pourront être dépoussiérées avec un aspirateur muni d'un filtre Hepa (High efficiency particulate air), qui retient les particules fines autrement rejetées dans l'air par l'aspirateur.
Les surfaces et objets qui sont régulièrement touchés – sanitaires, équipements de travail collectifs (imprimante, etc.), rampes d'escalier, poignées de porte, interrupteurs, boutons d'ascenseur, écrans tactiles, téléphones, appareil de paiement, comptoir d'accueil, etc. – doivent être nettoyés plusieurs fois par jour avec des lingettes contenant un tensioactif. Attention, ces lingettes devront être mises dans un sac en plastique étanche, ensuite jeté aux ordures ménagères.
En plus, il peut être nécessaire de mener une opération de désinfection contre le coronavirus. La désinfection doit être justifiée par l'évaluation des risques et réalisée uniquement lorsque c'est strictement nécessaire, au risque de favoriser le développement de micro-organismes résistants, en plus d'exposer inutilement les travailleurs à des produits chimiques toxiques. Pour désinfecter, le protocole indique d'utiliser un produit virucide (norme NF EN 14476 juillet 2019), ou de l'eau de Javel "à la concentration virucide de 0,5% de chlore actif (par exemple 1 litre de Javel à 2,6 % + 4 litres d'eau froide)".
Pour la réouverture après les semaines de confinement, le ministère précise que "le protocole habituel de nettoyage suffit" si les lieux n'ont pas été fréquentés dans les 5 derniers jours. Il faudra simplement particulièrement bien aérer et laisser couler l'eau qui a stagné durant la fermeture, mais ce sont là des mesures non spécifiques à la crise sanitaire.
HSE
Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement.
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