De nouvelles VLEP sont fixées, moins protectrices que celles référencées par l'Anses

De nouvelles VLEP sont fixées, moins protectrices que celles référencées par l'Anses

17.12.2020

HSE

Un décret fixe de nouvelles valeurs limites d'exposition professionnelle contraignantes. La Direction générale du travail a opté pour une transposition stricto sensu des valeurs européennes. Pour certaines substances, l'Anses avait pourtant étudié des valeurs plus protectrices.

Un décret du 9 décembre 2020 fixe neuf VLEP (valeurs limites d'exposition professionnelle) contraignantes. Il s'agit pour la plupart des substances d'une transposition, en retard, de la directive européenne du 12 décembre 2017. Pour le formaldéhyde c'est une transposition de la directive du 5 juin 2019. Le texte entre en vigueur le 1er février 2021. 

Nouvelles VLEP sur 8 heures
  mg/m3 ppm
Acrylamide 0,1  
Bromoéthylène 4,4 1
1,3-butadiène 2,2 1
Oxyde de propylène 2,4 1
Formaldéhyde 0,37 0,3
Hydrazine 0,013 0,01
2-nitropropane 18 5
Oxyde d'éthylène 1,8 1
O-toluidine 0,5 0,1

 

Jusqu'à présent, certaines de ces substances n'étaient dotées, en France, que d'une valeur indicative non réglementaire, et bien plus élevée. C'est le cas de l'hydrazine ou de l'oxyde de propylène, par exemple. D'autres, comme le bromoéthylène ou le 2-nitropropane, n'étaient régies par aucune valeur. 

Les États membres, lors de la transposition, ne peuvent pas élever les valeurs européennes mais peuvent les abaisser. La France a choisi de les transposer stricto sensu.

Anses non suivie

Pour le 1,3-butadiène, le gouvernement n'a pas retenu l'une des trois valeurs proposées par l'Anses dans son avis de 2011. Elles étaient moins élevées, et donc plus protectrices. Pour être précis : l'agence sanitaire ne préconise pas tout à fait une valeur, mais calcule le risque associé à trois valeurs, qui "constituent les références" qu'elle "propose aux gestionnaires du risque pour fixer une VLEP". 

Dans ce cas précis, la moins restrictive était 0,8 mg/m3, soit presque trois fois plus basse que celle finalement choisie dans le décret. Elle était associée à un risque 10-3, c'est-à-dire que son respect aurait conduit à un excès de risque de développer une leucémie supplémentaire pour 1 000 personnes exposées sur 45 ans. Le 1,3-butadiène, produit lors de la fabrication des caoutchoucs par exemple, est classé dans la catégorie 1 des cancérogènes du Circ, il a un rôle avéré dans l'apparition de leucémies et lymphomes non hodgkiniens.

Parfois, les valeurs proposées par l'Anses ne sont pas mesurables pour autant. Mais dans le cas du 1,3-butadiène, l'INRS avait justement élaboré une méthode de mesurage en prenant en compte une limite de 0,08 mg/m3 (la deuxième plus protectrice dans l'avis de l'Anses, associée à un risque 10-4), pensant que ce serait "la future VLEP fixée". 

Au Coct (Conseil d'orientation des conditions de travail), les organisations syndicales avaient donné un avis défavorable au projet de décret, justement à cause des valeurs fixées pour le 1,3-butadiène et l'acrylamide, substance sur laquelle l'Anses a aussi donné un avis en 2011

"Quand une VLEP a été recommandée par l’Anses, on la suit forcément", nous avait pourtant déclaré il y a quelques mois la Direction générale du travail lors d'une enquête consacrée au processus d'élaboration des VLEP. Contactée pour savoir si la politique de fixation des valeurs avait changé, la DGT n'a pas répondu dans l'immédiat. 

 

Lire aussi Risque chimique : quand les VLEP sont en balance entre intérêts économiques et protection de la santé des salariés

 

 

VLEP contraignantes ou indicatives, cela ne veut pas dire la même chose au niveau français et européen

Pour les valeurs listées par la directive 2004/37/CE (cancérigènes-mutagènes), le droit européen veut des VLEP "contraignantes". Cela signifie que l'exécutif européen attend des États membres qu'ils intègrent cette VLEP dans leurs corpus législatifs et réglementaires nationaux respectifs, et ils ne peuvent pas en choisir de moins protectrices que ce qui a été décidé au niveau de l'UE.

► Au niveau français, ces VLEP peuvent alors être transposées, en étant "contraignantes" ou "indicatives". Mais attention, ce coup-ci, cela s'entend au sens de la réglementation française :

  • lorsqu'elles sont contraignantes, leur respect est une obligation minimale pour l’employeur et elles sont fixées par décret, et listées à l'article R 4412-149 du code du travail ;
  • lorsqu'elles sont indicatives, elles établissent un objectif minimal de prévention à atteindre et sont fixées par arrêté.

Le choix d'une VLEP contraignante ou indicative repose sur trois critères définis de façon tripartite (État et partenaires sociaux) en 2003 à partir d'un constat : inutile d'instaurer une VLEP contraignante s'il n’existe pas de méthode de mesure de référence.

Voici les 3 conditions pour instaurer une VLEP contraignante en France :

  • l'existence d'une VLEP communautaire (dans une directive) ou nationale (dans une circulaire),
  • le niveau de toxicité de la substance concernée : elle doit être classée comme toxique (T) ou très toxiques (T+), une catégorie qui englobe les CMR 1 ou 2, ou bien comme "sensibilisant" respiratoire", ou encore figurer dans un tableau de maladie professionnelle ;
  • l'existence d’une méthode de mesure physique validée (ou la possibilité de mettre au point une telle méthode selon un calendrier précis, avec lequel se synchronise la date d'entrée en vigueur de la VLEP).

Au niveau européen, il y a aussi la directive 98/24/CE (ACD, pour agents chimiques dangereux). Elle fixe des valeurs limites indicatives. Libre aux États membres de les transposer de façon indicative ou contraignante. En France, certaines deviennent contraignantes au sens national, selon les mêmes critères détaillés ci-dessus. 

 

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

Découvrir tous les contenus liés
Pauline Chambost
Vous aimerez aussi