Décarboner l’industrie en misant sur le binôme chaleur électrique et stockage thermique

Décarboner l’industrie en misant sur le binôme chaleur électrique et stockage thermique

07.02.2022

HSE

Remplacer des combustibles fossiles par de l’électricité n’est plus une hérésie pour produire de la chaleur industrielle. À condition toutefois d’acheter son énergie quand les prix sont bas. Et donc de la stocker. Par exemple sous la forme de chaleur à haute température.

On ne cesse de le répéter. L’électrification sera l’une des clés de la baisse des émissions de gaz à effet de serre d’origine industrielle. Avec un avantage évident si l’on se réfère aux chiffres compilés par l’Ademe. Consommer un mégawattheure de fioul lourd génère 325 kg de CO2 contre 227 kg pour le gaz naturel et aux alentours de 60 kg pour l’électricité (donnée qui varie selon le mix de l’année retenue).

Certes, à ce petit jeu, la biomasse semble imbattable, mais elle ne sera pas suffisante pour décarboner l’ensemble des activités. L’Ademe, toujours elle, a évalué le potentiel d’électrification de la chaleur industrielle à aller chercher facilement. Il est de 41,6 TWh, rappelait Ibrahim Al Asmi, spécialiste de la modélisation énergétique de l’entreprise Eco-tech Ceram, à l’occasion d’un séminaire organisé par l’Atee Occitanie, le 14 janvier 2022. En particulier dans l’agroalimentaire, puis chez les spécialistes de la construction, dans la sidérurgie et la chimie.

La volatilité du marché, une opportunité

L’actuelle envolée des factures énergétiques montre que les industriels peuvent trouver d’autres motivations que leur bilan carbone pour se lancer. Eux aussi élevés, les prix de l’électricité ne subissent pas autant que les autres le poids des taxes qui portent sur le carbone. Surtout, on ne doit pas négliger un facteur important de l’évolution des marchés : la volatilité des cours lors de la journée. Un phénomène qui se renforcera avec la montée en puissance des parcs de production renouvelable d’électricité et qui « donne des opportunités d’acheter à prix très bas », insiste Ibrahim Al Asmi. À condition bien sûr de soutirer l’énergie quand elle est bon marché, puis de la stocker.

Quelle que soit la manière dont ils produisent de la chaleur (résistances, fours à combustion, à induction ou à arc électrique, pompes à chaleur basse et haute températures…), trois options s’offrent aux industriels : se doter de batteries qui accumulent puis restituent l’électricité, recourir à l’hydrogène (avec une double conversion qui induit des pertes de rendements), ou produire directement leur chaleur et miser sur le stockage thermique à haute température.

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Un fonctionnement simple

Comme d’autres précurseurs que sont Seramic Materials, Siemens Gamesa, 1414 Degrees ou Azelio, c’est sur cette technique que mise Eco-tech Ceram. Son premier pilote a montré que les rendements pouvaient atteindre « 90 % de l’énergie chargée », selon Thibaut Esence, responsable de la recherche et du développement de l’entreprise. Son procédé s’appuie sur un mélange de céramiques réfractaires à 600 degrés, une température considérée comme l’optimal technico-économique. Du moins pour Eco-tech Ceram puisque chaque fabricant choisit ses matériaux et que tous n’ont pas les mêmes caractéristiques, ni la même résistance. Certains sont en outre choisis pour leur capacité à changer de phase et à accroître ainsi les capacités de stockage.

Chez Eco-tech Ceram, le fonctionnement de la matrice de stockage est assez basique. En phase de chargement, elle aspire de l’air ambiant chauffé qui transfère ses calories à la céramique puis ressort à basse température. Quand on a besoin de cette chaleur, le flux est inversé avec de l’air froid envoyé à l’intérieur du système pour être chauffé.

En attendant l’approvisionnement direct

« On peut disposer d’une température de décharge relativement stable », détaille Thibaut Esence. Comme la matrice est composée d’une zone chaude et d’une zone froide, il est nécessaire en revanche d’avoir un cyclage fréquent, si possible quotidien, sans quoi les calories transitent de l’une à l’autre et l’on se retrouve avec une température moyennée d’un bout à l’autre du système de stockage. Pleine de promesses, cette technique semble mature techniquement et peut d’ores et déjà être déployée.

Reste toutefois à changer d’échelle, avec des produits standards plutôt que des systèmes sur mesure, des aides financières mieux taillées (une fiche de certificats d’économie d’énergie est en discussion), et des solutions capables de s’adapter à des problématiques complexes comme la valorisation de chaleur fatale prenant la forme de fumées complexes susceptibles d’intégrer des produits corrosifs… un axe de recherche chez Eco-tech Ceram.

Ce stockage thermique ouvre enfin quelques perspectives aux industriels qui voudraient s’extraire du schéma de distribution national et contracter avec un producteur local sous la forme d’un PPA (Power Purchase Agreement) ou produire eux-mêmes leur électricité.

Olivier Descamps
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