Déconfinement : actualiser le document unique avec le risque covid-19, en prenant en compte l'effet domino

Déconfinement : actualiser le document unique avec le risque covid-19, en prenant en compte l'effet domino

06.05.2020

HSE

La mise à jour du DUERP est au cœur des mesures de prévention qui devront être déclinées dans les entreprises pour amorcer la reprise. Évaluer et prévenir le seul risque de contamination en situation de travail ne suffit pas, il est nécessaire de rebalayer l’ensemble des risques professionnels au regard des nouvelles contraintes imposées. La justice a rappelé – à Amazon, notamment – l'importance de l'évaluation des risques. Et la nécessité du dialogue social.

Si le protocole national de déconfinement pour les entreprises et les fiches métiers et sectorielles élaborés par le ministère du travail donnent de grandes orientations pour organiser la première étape du déconfinement, les entreprises restent dans l’obligation d’actualiser leur document unique d'évaluation des risques professionnels en prenant en compte la spécificité des situations de travail.

Attention, il ne suffit pas de rajouter quelques lignes estampillées covid-19 dans le DU initial pour être dans les clous ; le DU doit être le résultat d’une évaluation des risques.

"Pour donner du sens à l’évaluation des risques, il faut regarder unité de travail par unité de travail les risques de contamination des salariés, conseille Vincent Jacquemond du cabinet Secafi. C’est en étant au plus près des réalités de terrain que l’on peut identifier des moyens de prévention et des modalités de distanciation physique adaptés à l’activité de travail."

Appui

Secafi et d’autres cabinets comme Technologia ont mis en ligne un certain nombre de documents pour accompagner les élus lors de la reprise. Des services de santé au travail ont aussi d'ores et déjà élaboré des guides déconfinement pour leurs entreprises adhérentes, tandis que des fédérations patronales comme le Medef Gironde ont organisé des réunions d’informations en ligne pour sensibiliser les entreprises.

Les carences de l’évaluation des risques peuvent en effet faire courir un risque juridique important aux entreprises. "En cas d’accident susceptible de mettre en cause les responsabilités de l’employeur, le premier document demandé dans le cadre d’une enquête de l’inspection du travail ou des services judiciaires est le document unique", prévient Sébastien Millet, un avocat du travail spécialiste en droit du travail lors de la réunion d’informations organisée par le Medef Gironde.

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Vigilance sur les risques connexes

Si l’évaluation des risques de contagion sur les lieux de travail et les mesures de prévention sont bien sûr impératives, il faut penser aux risques connexes. "Il est nécessaire d’avoir une approche globale des risques professionnels et de ne pas se focaliser sur le seul risque de contamination", souligne Sébastien Millet. Il faut prendre en compte l'effet domino : l’ensemble des risques professionnels, physiques et psychosociaux, doit être rebalayé à la lumière des réorganisations et des nouvelles conditions de travail imposées par la prévention du risque covid-19.

La mise en place de mesures barrières est en elle-même sources de nouveaux risques : opérations réalisées par un salarié isolé alors que ces mêmes opérations étaient auparavant effectuées à plusieurs, impact sur le relationnel en cas de protection de type plexiglas, augmentations des manutentions avec le développement des services de drive, risques chimiques dûs à la désinfection des locaux… Sans évaluation globale des risques ni adaptation des mesures de prévention, d’autres indicateurs en termes de santé et sécurité seraient susceptibles de se dégrader.

Optimisme pour l'avenir

"L’application des gestes barrières va nécessairement impacter la productivité des salariés", pointe Sébastien Millet. Les salariés vont devoir travailler en mode dégradé pendant un certain temps, et il est nécessaire de leur laisser le temps d’apprendre à travailler avec les nouvelles règles. "Cela peut permettre de réinventer des modes de fonctionnement qui seront bénéfiques pour la productivité de demain et la prévention des risques", ajoute Vincent Jacquemond.

Pour l’ergonome François Daniellou, auteur d’une note publiée sur le site de la Self (société des ergonomes de langue française), le développement du dialogue social et des échanges sur le travail pourrait même entraîner "une organisation du travail en temps de coronavirus moins dangereuse qu’en temps ordinaire où on ne prend pas le temps de cette discussion collective".

Associer le CSE

Assignées en justice par des organisations syndicales, plusieurs entreprises, Amazon, La Poste ou Carrefour, ont été condamnées à mettre à jour leur document unique. S’agissant plus particulièrement d’Amazon, la cour d’appel de Versailles a souligné le 24 avril dernier la nécessité d’associer le CSE à ce travail de refonte du DUERP.

"L’évaluation des risques est la condition impérative pour réussir le redémarrage de l’activité aussi bien en termes de maîtrise des risques et de sécurisation juridique qu’en terme d’acceptabilité sociale de la reprise", commente Sébastien Millet. Le dialogue social, une obligation réglementaire certes mais aussi un impératif pour partager les questions de santé et de sécurité avec les salariés dans un contexte particulièrement anxiogène pour beaucoup.

Joëlle Maraschin
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