Demande de titre de séjour par les demandeurs d'asile : le grand chambardement

28.03.2019

Droit public

Depuis le 1er mars 2019, afin de lutter contre les demandes dilatoires et d'accélérer les procédures, la demande de titre de séjour à un autre titre que l'asile doit être déposée au plus tard deux mois après le passage au guichet unique.

Entrée en application sur ce point depuis le 1er mars 2019, la loi « asile et immigration » du 10 septembre 2018 (v. bull. 281-1) bouleverse les modalités de la demande de titre de séjour par les demandeurs de protection internationale.
 
Si, jusqu’alors, les demandes d’admission au séjour à un autre titre que l’asile étaient le plus souvent déposées après le rejet de la demande d'asile, désormais, en application du nouvel article L. 311-6 du Ceseda, l’étranger qui estime « pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre », est tenu de déposer sa demande de titre dans un délai de deux mois à compter de l’enregistrement de sa demande de protection, trois mois s’il demande un titre de séjour pour raisons de santé sur le fondement du 11° de l’article L. 313-11 (C. étrangers, art. L. 311-6 et D. 311-3-2).
Remarque : l’objectif affiché par le législateur et rappelé par la circulaire du 28 février 2019 est de « permettre un examen rapide et global de la situation de la personne peu après son arrivée en France et ainsi de lutter contre les demandes dilatoires destinées soit à faire échec à une mesure d’éloignement après le rejet de la demande de protection internationale, soit à prolonger le séjour pour cristalliser une présence en France et ainsi obtenir, à terme, une régularisation ».
Délai de dépôt de la demande de titre de séjour
Le délai dans lequel la demande de titre de séjour doit être présentée court à compter de la délivrance de l’information écrite au moment de l’enregistrement de sa demande d’asile au guichet unique pour demandeurs d’asile (GUDA) (C. étrangers, R. 311-38).
 
Selon la circulaire du 28 février 2019, l’information doit être remise « contre signature » (ou consignation du refus de signer), dans une langue comprise par le demandeur ou dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend.
Remarque : dans le cas contraire, la demande de titre de séjour ne pourra pas être refusée en raison du dépassement du délai et sera traitée selon le droit commun. De même, si le demandeur n’a pas été mis à même de déposer sa demande à la préfecture dans les délais, « le délai de forclusion ne pourra lui être opposé ».
L’information doit également préciser que, « sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé », et sans préjudice de l’article L. 511-4 (qui prévoit les catégories d’étrangers ne pouvant faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire), l'étranger ne pourra plus solliciter son admission au séjour à l’expiration de ce délai (C. étrangers, art. L. 311-6).
Présentation de la demande de titre de séjour
La présentation de la demande de titre de séjour suit les règles de droit commun (C. étrangers, art. R. 311-38).
 
La circulaire du 28 février 2019 précise que pour « éviter le détournement du délai, seul le dépôt d’un dossier régulier et complet sera regardé comme satisfaisant la condition de délai ». L’article R. 311-2-2 du Ceseda prévoit toutefois que le demandeur d’asile peut être autorisé à « déposer » son dossier d’admission au séjour sans présentation des documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants.
 
Aux termes de la circulaire, un rendez-vous en préfecture peut être fixé dès le passage au GUDA « si le demandeur fait valoir des motifs de séjour ».
Remarque : la circulaire ouvre également la possibilité pour les préfets de prescrire le dépôt des demandes par voie postale.
Dans tous les cas, le demandeur doit avoir la possibilité soit d’obtenir un rendez-vous soit de déposer un dossier. La préfecture doit lui faciliter le dépôt des pièces complémentaires, la délivrance du premier récépissé (qui, selon l’article R. 311-4, n'est pas délivré si le demandeur est déjà titulaire d’une attestation de demande d’asile), l’intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité étant subordonnées à la production de ces documents (C. étrangers, art. R. 311-2-2).
Remarque : l’exercice sera particulièrement exigeant, le dépôt d’une demande de titre de séjour parallèle étant enfermé dans un délai court alors que l'étranger devra, dans le même temps, faire enregistrer sa demande d’asile auprès de l’Ofpra. Une difficulté encore accentuée pour les étrangers malades qui devront fournir en plus un certificat médical dans le même délai (v. ci-dessous).
Instruction des demandes de titre de séjour
La demande de titre de séjour est instruite conformément aux règles de droit commun (C. étrangers, art. R. 311-38).
 
La circulaire du 28 février 2019 rappelle toutefois que c’est « dès la fin de la procédure d’asile » que l’administration doit être en mesure « soit de délivrer un titre de séjour aux bénéficiaires de la protection internationale, soit de délivrer une carte de séjour sur un autre fondement, soit enfin de prendre immédiatement une OQTF asile/séjour exécutoire ».
Demande déposée dans les délais
Lorsque la demande est déposée dans les délais prévus à l’article D. 311-3-2, le ministre rappelle que l’objectif visé est bien de pouvoir statuer dès l’intervention de la décision mettant fin au droit au maintien sur le territoire (cette décision pouvant, dans certains cas, intervenir dès la décision de l’Ofpra), afin « le cas échéant » de pourvoir prendre une OQTF.
 
Dans le cadre de « l’organisation du travail », il invite donc les préfets à prioriser l’examen des demandes de titre émanant :
 
- des ressortissants de pays bénéficiant d’un faible taux de protection ;
 
- des ressortissants de pays d’origine sûrs ;
 
- d’étrangers présentant une menace pour l’ordre public.
Demande déposée hors délais
Si la demande de titre de séjour intervient après le délai fixé, l’administration doit examiner si elle est ou non fondée sur des « circonstances nouvelles ». En l’absence de telles circonstances, la demande pourra être rejetée comme tardive.
Remarque : la circulaire donne comme exemple de circonstances nouvelles : « un dépôt de plainte pour un titre TEH [traite des êtres humains], une contribution de deux ans à l’entretien et à l’éducation d’un enfant, la survenance d’une pathologie présentant le critère de gravité requis pour un titre de séjour pour soins, etc. ».
Dans le cas contraire, les préfets sont invités à instruire ces demandes « dans les meilleurs délais possibles afin qu’elles ne retardent pas l’intervention d’une décision globale et, le cas échéant, la prise de l’OQTF ». Si cette mesure d’éloignement est déjà intervenue, le ministre rappelle, que, sauf circonstances nouvelles, « le demandeur ne peut [...] plus faire valoir de droit au séjour et aucune nouvelle demande ne pourra être prise en compte ».
Demandes de titres de séjour pour soins
La situation des demandeurs d’asile qui sollicitent leur admission au séjour au titre de l’article L. 313-11, 11° est particulière dès lors que :
 
- le dossier de demande « régulier et complet » peut être déposé à la préfecture dans un délai de trois mois (et non deux) après l’enregistrement de la demande de protection, afin, notamment, selon la circulaire, de « laisser le temps » au demandeur, « après le retrait du dossier en préfecture, de faire établir et transmettre à l’Ofii le certificat médical » ;
Remarque : aux termes de l’article R. 313-23, « lorsque la demande est fondée sur l’article L. 311-6, le certificat médical est transmis dans le délai mentionné à ce même article ». En principe le demandeur doit donc transmettre le certificat médical initial à l’Ofii dans le délai de trois mois (un seul mois en droit commun) ;
- la demande doit pouvoir être déposée même si le demandeur « ne remplit pas la condition légale tenant à la résidence habituelle en France au moment où il dépose sa demande » ;
Remarque : toutefois, selon la circulaire, cette condition, qui s’apprécie « à la date de la décision », demeure « opposable » au demandeur et « peut », le cas échéant, fonder un refus d’accorder le titre de séjour ou le bénéfice de la protection contre l’éloignement. Le fait de remplir la condition de résidence habituelle n’est pas considéré comme une circonstance nouvelle.
- le préfet ne peut « exiger la production directement devant lui de pièces contenant des informations relevant du secret médical » pour apprécier d’éventuelles circonstances nouvelles liées à l’état de santé. Le demandeur devra toutefois justifier de ces circonstances « par tout autre moyen ».
Décision sur le séjour
Hors l’hypothèse où une protection est accordée au demandeur, ce qui met fin à l’examen de la demande de titre de séjour, l’objectif affiché est de parvenir à une décision « globale » ou « unique » (refus asile et refus séjour).
 
Ainsi, dans l’hypothèse où la demande d’asile a été définitivement rejetée, le préfet prend, « sans délai », une décision sur la demande de titre de séjour (C. étrangers, art. R. 311-39).
 
A contrario, si la demande est tardive et que le refus de la protection n'est pas encore intervenu, le ministre de l’intérieur invite les préfets à formaliser le refus de titre « après le rejet par l’Ofpra de la demande d’asile afin qu’il soit statué sur l’ensemble des demandes par une décision unique ».

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Arnaud Aubaret, Dictionnaire permanent Droit des étrangers
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