Désamiantage : le HCSP sonne la fin de la procrastination et demande d'abaisser le seuil à 2 f/L

Désamiantage : le HCSP sonne la fin de la procrastination et demande d'abaisser le seuil à 2 f/L

02.02.2025

HSE

Il y a plus de 10 ans, le HCSP recommandait déjà d'abaisser à 2 fibres par litre d'air le seuil de déclenchement des travaux de retrait ou d'encapsulage d'amiante. Mais, constatant que la valeur de 5 f/L n'était pas correctement appliquée, il s'était montré particulièrement raisonnable en parlant d'une entrée en vigueur en 2020. Las, en 2025, rien n'a bougé, et le seuil est toujours celui calculé sur la base de la pollution de fond de l'air en 1974.

Abaisser à 2 fibres d'amiante par litre d'air dans un bâtiment – au lieu de 5 – la valeur qui déclenche la nécessité d'engager des travaux de désamiantage ou d’encapsulage : est-ce là une nouvelle recommandation du HCSP (haut conseil de la santé publique) publiée en janvier 2025 ? Pas exactement.  

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Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Cette recommandation a déjà été publiquement émise il y a plus de 10 ans par la même instance, en août 2014. Elle prenait alors des pincettes, prescrivant une mise en œuvre de ce seuil au 1er janvier 2020. Pour le HCSP, la priorité en 2014 était de mener "une politique de mise en conformité" pour résorber l'écart entre réglementation et pratique. Autrement dit, se mettre d'abord en ordre de marche, afin que les articles R. 1334-28 et suivants du code de la santé publique soient applicables sur le terrain.  

Aujourd'hui, le haut conseil change d'argumentaire, sonne la fin de la procrastination, et recommande que "la valeur seuil [...] soit abaissée indépendamment des recommandations formulées en 2014". Notons que l'instance rend son avis sur saisine de la DGS (direction générale de la santé) en septembre 2023.  

"La réglementation actuelle est obsolète, écrit l'Andeva (association nationale de de défense des victimes de l’amiante) au ministre de la Santé, Yannick Neuder, dès le 22 janvier 2025, en réaction à la publication de l’avis. Cela signifie qu’actuellement des personnes vivant ou intervenant dans des bâtiments amiantés ne sont pas protégées comme elles devraient l’être."  

Air parisien des années 1970 

La logique de la réglementation est de comparer air intérieur et extérieur. Si l'air intérieur comporte davantage de poussières d'amiante que l'air extérieur, c'est le signe qu'il y a de l'amiante quelque part dans le bâtiment, en train de se dégrader et d'émettre des fibres cancérigènes. Il faut donc prévoir des travaux de confinement (encapsulage) ou de retrait (désamiantage).  

La valeur de 5 f/L a été fixée lors de l'interdiction de l'amiante, au 1er janvier 1997. Elle correspond au niveau moyen de présence d'amiante qui était mesuré dans l’air dans l'agglomération parisienne en... 1974 ! Soit plus de 20 ans avant l'interdiction, à une époque où les freins et embrayages des voitures contenaient de l'amiante.  

"En 2012, les concentrations maximales ne dépassaient pas 0,17 f/L, quelle que soit la longueur des fibres, contre 2,98 f/L dans les années 1990", souligne le HCSP, ajoutant que, toujours en 2012, "le bruit de fond [...] était évalué à 0,08 f/L pour les fibres réglementaires" (longues). Rompre le confinement d'un bâtiment sur la base des 5 f/L, cela signifie qu'on ferme les yeux, alors qu'on respire des concentrations pouvant être jusqu'à 30 ou 60 fois supérieures à l'air extérieur.  

Valeur de gestion 

Le code de la santé publique circonscrit le déclenchement de travaux à la présence de certains matériaux ou produits. Actuellement, si on dépasse les 5 f/L, mais qu'il n'y a pas dans le bâtiment de flocages, calorifugeages ou de faux plafonds amiantés (liste A), c'est bon, le propriétaire du bâtiment n'a pas à appeler une société de désamiantage. C'est pour cela que dans son nouvel avis, le HCSP précise que la valeur seuil doit être "étendue à l'ensemble des matériaux", "sans référence à des listes réglementaires et normatives".  

Ce seuil, insiste-il d'ailleurs, doit être compris comme "valeur de gestion, qui ne constitue pas une valeur sanitaire". Un point très important, pour Alain Bobbio, secrétaire général de l'Andeva, qui se met toujours en colère quand il pense que les pouvoirs publics ont fait référence aux 5f/L pour assurer qu'il n'y avait pas de risque lié à l'amiante pour la population après la catastrophe de Lubrizol.  

Toujours dans cette logique de valeur de gestion, lorsque la concentration est inférieure à 2 f/L, le HCSP recommande de ne pas s'arrêter là : il faut rechercher "la présence de fibres d’amiante (courtes et/ou longues)", puis renforcer "les fréquences de contrôle" dès lors que la présence d'amiante est avérée. Et cela "quel que soit le type de matériaux ou produits contenant de l’amiante". "Dire que dès qu'il y a de l'amiante, on doit en tenir compte, c'est un pas de géant, souligne Alain Bobbio. Le savoir-faire technique existe, on peut être tout à fait formel sur ce point. On aura de nettes améliorations sur le terrain si cet avis du HCSP est mis en œuvre." 

Élodie Touret
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