EXCLUSIF. La directive IED prévoit de pouvoir déroger aux valeurs limites d’émissions si les coûts de mise en place des meilleures techniques sont trop élevés par rapport aux bénéfices environnementaux. Alors que la révision du texte européen prévoit de standardiser cette analyse, quels sont les sites qui ont pu éviter de se plier aux VLE ? Les cimenteries et papèteries représentent près de la moitié des dérogations.
« La directive IED n’a pas été aussi efficace qu’elle aurait pu être », soulignaient en 2022 les auteurs de l’analyse d’impact du texte. Notamment dans la réduction des émissions de polluants.
HSE
Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement.
La faute, entre autre, aux dérogations. Pour mémoire, l’ancien article 15(4) (aujourd’hui 15(5)) de la directive sur les émissions industrielles permet aux autorités compétentes – c’est à dire en France les services de l’État – d’autoriser des valeurs limites d’émission (VLE) de polluants dans l’eau ou dans l’atmosphère moins strictes que les niveaux d’émissions associés aux MTD (meilleures techniques disponibles) recensés dans les documents de référence de chaque secteur (dits Bref). « Une telle dérogation ne peut s'appliquer que si une évaluation montre que l'obtention des niveaux d'émission associés aux MTD (...) entraînerait une hausse des coûts disproportionnée au regard des avantages pour l'environnement », peut-on lire dans le texte de la directive.
Ces dérogations concerneraient peu d’installations en Europe ; selon l’analyse d’impact, les installations suédoises, portugaises et tchèques en concentreraient une proportion significative. Un document de 2018 produit par le Regional Environmental Center for Central and Eastern Europe (REC CEE) (*) et le bureau d’études Amec Foster Wheeler liste, à partir d’un échantillon plus faible de dérogations, les secteurs industriels les plus concernés : il s’agirait de la fabrication de verre (GLS) et des industries cimentières (CLM). « La majorité des demandes de dérogation CLM ont été déposées au Royaume-Uni, en France et en Pologne, et relativement peu dans d'autres États membres », peut-on y lire. Suivent les dérogations pour la sidérurgie (IS), la production de papier et de carton (PP) et le raffinage du pétrole et du gaz (REF).
En France, où l’on compte 6 500 établissements IED (dont 47 % sont des élevages), Actuel HSE a demandé en décembre 2024 au ministère de la transition écologique la liste des sites et des entreprises qui ont bénéficié de dérogations. Selon le document transmis, 45 dérogations ont été accordées à une trentaine d’établissements, dont dix à des cimenteries, dix à des papeteries, six à des incinérateurs de déchets et cinq à des raffineries.
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Dans le détail, voici la liste des entreprises et des sites concernés :
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L’analyse d’impact relevait que dans la directive IED, rien ne précisait que les dérogations devaient être limitées dans le temps. « Moins de 0,1% de toutes les installations sont signalées dans le registre de l'UE comme ayant soit des dérogations sans fin (...) soit des dérogations avec des dates de fin au-delà de 2023 ou de plus de quatre ans », détaillait le document. En France, pas moins de 19 dérogations sans limite de durée ont été accordées dans les secteurs de la cimenterie, de la papeterie, du raffinage, de la sidérurgie et du verre. Cinq autres ont été accordées pour des durées supérieures à quatre ans, dont deux pour une durée de dix ans.
Pour remédier à une situation qui pourrait poser des problèmes à la fois environnementaux mais aussi de concurrence, le texte de la directive IED 2.0 choisit d’harmoniser les conditions de la mise en place des dérogations en Europe via une méthodologie standardisée permettant d’évaluer de la même façon partout si les coûts de mise en œuvre des meilleures techniques disponibles sont proportionnels ou non aux bénéfices environnementaux. Une méthodologie dont la « V1 [est] prévue fin 2025 », notaient les services de l’État lors d’un mardi de la DGPR en novembre 2024. Par ailleurs, le nouveau texte prévoit l’introduction d’un réexamen des dérogations tous les quatre ans, soit, « au plus tard en 2030 pour les dérogations accordées avant 2026 », explicitait la DGPR. Reste à savoir ce que cela signifiera concrètement pour les sites qui disposent de dérogations infinies.
L’accès aux informations du public est renforcé dans la nouvelle mouture de la directive. « Si une dérogation a été accordée, [l'autorité compétente met à la disposition du public] les raisons spécifiques pour lesquelles elle l'a été, sur la base des critères visés audit paragraphe, et les conditions dont elle s'assortit », peut-on lire à l’article 24. Pour mémoire, la révision de la directive IED introduit également deux nouvelles possibilités de dérogations : en cas d’innovations liées à la décarbonation et en « situation de crise ».
(*) Une organisation internationale dont la mission est d'aider à résoudre les problèmes environnementaux et qui a aujourd’hui resserré son activité sur la Bosnie.
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