En cas d’accident du travail mortel, l'employeur a 12 heures pour prévenir l'inspection du travail

12.06.2023

HSE

Un décret oblige le patron à prévenir au plus vite l'inspection du travail, sous peine d'amende. L'idée est d'éviter "l'altération des preuves", souligne le ministère. Cela pourrait aussi permettre un décompte plus juste du nombre de morts d'accidents du travail, et de mieux savoir de quoi ils sont décédés.

Désormais, en cas d'accident du travail mortel, l'employeur a 12 heures pour informer l'inspection du travail, prévoit le décret n° 2023-452 du 9 juin 2023, paru ce dimanche au Journal officiel. "Des constats trop tardifs sont susceptibles de nuire à la manifestation de la vérité, compte tenu du risque d'altération des preuves", explique le ministère du travail.

Concrètement, "lorsqu'un travailleur est victime d'un accident du travail ayant entraîné son décès, l'employeur informe l'agent de contrôle de l'inspection du travail compétent pour le lieu de survenance de l'accident immédiatement et au plus tard dans les douze heures qui suivent le décès du travailleur", prévoit le nouvel article R. 4121-5 du code du travail.  

Le délai "court à compter du moment où l'employeur a connaissance du décès du travailleur", mais attention, c'est uniquement si l'employeur peut "établ[ir]" qu'il n'a pas eu connaissance du décès dans les 12 heures qui ont suivi. L'employeur qui ne respecterait pas cette nouvelle obligation de déclaration s'expose à une contravention de 5e classe – la plus grave prévue par le code pénal –, c'est-à-dire une amende de 1.500 euros, pouvant être portée en 3.000 euros en cas de récidive.  

Quelles informations l'employeur doit-il communiquer ?  

Le décret précise les informations que l'employeur doit envoyer à l'inspecteur "par tout moyen permettant de conférer date certaine à cet envoi" :

  • "Le nom ou la raison sociale ainsi que les adresses postale et électronique, les coordonnées téléphoniques de l'entreprise ou de l'établissement qui emploie le travailleur au moment de l'accident ;
  • Le cas échéant, le nom ou la raison sociale ainsi que les adresses postale et électronique, les coordonnées téléphoniques de l'entreprise ou de l'établissement dans lequel l'accident s'est produit si celui-ci est différent de l'entreprise ou établissement employeur ;
  • Les noms, prénoms, date de naissance de la victime ;
  • Les date, heure, lieu et circonstances de l'accident ;
  • L'identité et les coordonnées des témoins, le cas échéant." 

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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"La qualité des procédures"

Jusqu'alors, rien dans la loi n'obligeait l'employeur à informer l'inspection du travail en cas d'accident mortel. "Dans la plupart des cas, nous sommes informés par la police, la gendarmerie, ou par les pompiers. Mais c'est vrai qu'il y a là une lacune à combler, pour que l'employeur nous informe systématiquement", indiquait il y a quelques jours devant des journalistes Catherine Pernette, responsable du pôle politique du travail à la Drieets (direction régionale intéredépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités) Île-de-France. Suite à un accident mortel, "la qualité des procédures mises en œuvre" va dépendre des constats réalisés sur place "dans de courts délais", souligne le ministère du travail.  

Mieux compter  

Selon les chiffres annuels de la Cnam, 733 travailleurs sont décédés suite à un accident du travail en 2019, mais cela ne prend en compte que les salariés du privé, qui relèvent du régime général. La Dares (direction statistique du ministère du travail) retient, pour la même année 2019, 790 morts, car elle ajoute les salariés du régime agricole (MSA) et les agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière. Il manque encore les travailleurs agricoles non-salariés, les marins qui relèvent d'un régime spécial, les indépendants (or secteur agricole), une partie de la fonction publique, les travailleurs détachés ou encore les sans-papiers...  

Autant dire que le compte n'y est pas. Depuis plusieurs années, dénonçant cette opacité, Matthieu Lépine recense les victimes d'accidents du travail sur son compte twitter, quels que soient leur statut et leur contrat de travail. Il y a quelques semaines, des familles de victimes ont créé le collectif Stop à la mort au travail. Elles ont été reçues par Olivier Dussopt. L'obligation d'informer l'inspection du travail dans un délai contraint faisait partie de leurs demandes.  

Mieux connaître 

Autre difficulté avec les accidents mortels du travail : leur qualification. En 2021, à nouveau selon la Cnam, il y a eu 654 accidents du travail mortels. Cette année-là, les "malaises" représentent plus de la moitié des décès (56 %), selon un codage propre à l'assurance maladie (voir le 1er graphique).  

Depuis 2013, les statistiques sur les circonstances des accidents doivent aussi se conformer à la nomenclature Seat (statistiques européennes sur les accidents du travail) III. Pour chaque accident (mortel ou pas), cela suppose de renseigner plusieurs éléments, afin d'identifier le risque à l'origine de l'accident (voir le 2nd graphique). Dans son rapport de fin 2022, la Cnam soulignait les limites de ce système, puisque cela aboutit à des statistiques dans lesquelles "plus de la moitié des décès n’ont pas de risque identifié". "Cela s’explique, est-il ajouté dans le rapport, parce que, pour plus de la moitié des décès, leurs circonstances sont difficilement retranscrites par la nomenclature Seat."  L'intervention systématique de l'inspection du travail pourrait permettre une meilleure classification. Avoir des indicateurs chiffrés fait partie des objectifs du PST4 (plan santé au travail).

 

 

 

Élodie Touret
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