Enquête Sumer 2017 : les 5 points clés à retenir des premiers résultats

Enquête Sumer 2017 : les 5 points clés à retenir des premiers résultats

10.09.2019

HSE

Comment les expositions des salariés du privé aux risques professionnels ont–elles évolué ces 20 dernières années ? Les tout premiers résultats de la tant attendue enquête Sumer ont été dévoilés hier. Parmi quelques petites bonnes nouvelles, on y apprend surtout que les contraintes physiques restent élevées, l'exposition aux produits chimiques importante… le tout dans un contexte organisationnel de travail intense.

"Non, nous ne sommes pas en train de distribuer les bonnes nouvelles", insiste Sarah Memmi, chercheure en sociodémographie et chargée d’études au département conditions de travail et santé de la Dares, présentant le 9 septembre 2019 les premiers résultats de la tant attendue dernière enquête Sumer (surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels).

Quelques bonnes nouvelles semblent apparaître : les expositions des salariés aux contraintes physiques ont baissé entre 1994 et 2017, la part de salariés exposés à au moins un produit chimique a elle aussi légèrement diminué depuis 1994, etc. Mais même sur ces éléments positifs, "l'analyse est à nuancer, il ne faut pas s'arrêter là, les résultats statistiques doivent être exploités", renchérit Nicolas Sandret. Cet ancien médecin inspecteur du travail en Île-de-France travaille sur les enquêtes Sumer depuis la première, en 1994, et sait bien que cela prendra plusieurs années.

Que retenir de ces tout premiers chiffres ?  

1. Les contraintes physiques sont globalement en baisse sur les 20 dernières années, mais restent à un niveau toujours élevées, et elles sont nettement en augmentation dans l'agriculture. La rotation des salariés sur différents postes fait reculer le nombre de salariés exposés poste par poste.

Les premiers chiffres Sumer 2017 font ressortir les contraintes physiques intenses. En 1994 et en 2003, 7 % de l'ensemble des salariés portaient manuellement des charges durant plus de 20 heures par semaine. En 2010, une légère baisse semblait s'amorcer (6,4 %) ; elle est confirmée, puisqu'ils ne sont aujourd'hui plus que 4,7 %. Dans l'agriculture, la tendance est inversée : la part de travailleurs exposés à la manutention manuelle intense est passée de 3,7 % à 6 %.

Le fait de rester debout ou de piétiner au moins 20 heures par semaine suit la même évolution : baisse dans tous les secteurs (industrie, construction, tertiaire) à l'exception de l'agriculture.

Pour la manutention manuelle, la Dares explique la diminution (hors agriculture, donc) par le développement des aides mécanisées, "de plus en plus adaptées aux tâches à réaliser". En revanche, pour la station debout, l'exposition sur de longue durée (20 heures ou plus) a reculé au profit de durées plus courtes. "C'est la conséquence probable d'une pratique plus fréquente de l'alternance des postes entre plusieurs salariés, commente Nicolas Sandret. Un travail est en cours pour analyser le cumul des contraintes physiques."

Les évolutions organisationnelles, dont la rotation des salariés sur différents postes, expliquent aussi le net recul du travail répétitif. En 2017, 16 % des salariés sont exposés à la répétition d'un même geste ou d'une série de gestes à une cadence élevée, ce qui marque une baisse très nette par rapport à 2010, puisque 27 % des salariés étaient alors exposés. On revient ainsi au niveau de 2003 (16,5 %). Cette diminution traduit aussi le développement de l'automatisation.

L'exposition à des nuisances sonores – quelle que soit leur intensité, et qu'elles soient ponctuelles ou régulières – a augmenté, notamment dans le secteur tertiaire, signe des temps avec le développement des open-spaces (de 16,% de salariés concernés en 1994, on est passé à 24,2 %). Tous secteurs confondus, un tiers des salariés est concerné.

2. L'exposition a au moins un produit chimique concerne un tiers (32,2 %) des salariés en 2017, soit à peine moins qu'au début des années 1990 (33,8 %). L'agriculture est le seul secteur à enregistrer une nette baisse. L'exposition à au moins un produit cancérogène concerne encore 10 % des salariés, soit 1,8 million de personnes.

L'exposition aux produits chimiques avait augmenté entre 1994 et 2003, puis baissé entre 2003 et 2010. En 2017, elle se stabilise, légèrement sous le niveau de 1994.  

Bonne nouvelle : dans l'agriculture, même si 34 % des salariés sont exposés, on note une baisse particulièrement forte (- 15 points) par rapport à 1994. Les chercheurs l'expliquent par la prise de conscience des dangers des pesticides.

Dans l'industrie, la baisse de 6 points par rapport à 1994 s'expliquerait d'abord par la fermeture d'usines où les travailleurs étaient fortement exposés (sidérurgie, métallurgie), ainsi que par l'automatisation de process. Dans la construction, les expositions restent à un niveau élevé (58 %).

Mauvaise nouvelle : dans le secteur des services, le pourcentage de salariés exposés augmente, passant de 25% à 29 %, conséquence du développement des "agents de nettoyage" et "aides à domicile". "Les salariés du tertiaire sont exposés principalement à des tensioactifs, à de l'eau de Javel et des alcools", relèvent les auteurs de l'étude.

Après une baisse de 4 points entre 2003 et 2010, les expositions à au moins un produit chimique cancérogène restent stables entre 2010 et 2017 : 10 % de salariés sont concernés. Les plus exposés sont toujours ceux de la construction (31 %).

3. L'exposition aux agents biologiques est mieux repérée, le risque est mieux pris en compte.

En 1994, à peine 10 % des salariés étaient repérés comme exposés à des agents biologiques (virus, bactérie, champignon, levure, etc). Le risque n'avait rien de nouveau, mais le repérer et le formuler ainsi, oui. Une vingtaine d'années plus tard, ils sont 19,3 %. L'exposition a-t-elle augmenté ? Peut-être. Mais c'est surtout le repérage des expositions potentielles qui s'est développé, notamment lors de la pandémie de grippe de 2009, qui a été l'occasion de sensibiliser les préventeurs.

"Cette hausse s'explique aussi par la professionnalisation de certains métiers exposés, explique Sarah Memmi. C'est par exemple le cas des puéricultrices, qui doivent soigner les écorchures d'enfants et ont aujourd'hui un protocole à suivre, ou encore des aides à domicile."

Le secteur de l'agriculture est néanmoins le plus touché : un salarié sur deux est concerné par ce risque.

4. Si l'on se base sur le cumul d'au moins 3 contraintes de rythme constatées par le médecin du travail, l'intensité du travail serait en légère baisse par rapport à 2010, mais les salariés témoignent d'une augmentation de la quantité et de l'intensité du travail demandé.

Le rythme de travail du salarié est-il imposé par au moins trois des contraintes suivantes : déplacement automatique d'un produit ou d'une pièce et/ou cadence automatique d'une machine, demande extérieure obligeant à une réponse immédiate, dépendance immédiate vis-à-vis des collègues, contrôle ou surveillance exercés par la hiérarchie, contrôle ou suivi informatisé ? Excepté le dernier, tous ces indicateurs de l'intensité du travail que le médecin du travail doit relever pour l'enquête Sumer, sont en baisse dans les résultats de 2017 par rapport à 1994.

Et pourtant, 66 % des salariés déclarent qu'on leur "demande de travailler très vite" (en hausse de 3 points par rapport à 2003), 35% relatent "une quantité excessive de travail" (en hausse de 4 points), 30 % disent qu'ils n'ont "pas le temps nécessaire pour faire correctement [leur] travail" (stable).

L'autonomie – "facteur essentiel des risques psychosociaux au travail", souligne la Dares – est en recul : alors que seuls 35 % des salariés déclaraient en 1994 ne pas pouvoir faire varier les délais fixés pour leur travail, ils sont 42 % dans cette situation en 2017. Ceux qui étaient déjà le plus souvent dans cette situation, c'est-à-dire les employés administratifs et les ouvriers (non qualifiés ou qualifiés), sont ceux qui connaissent la plus forte hausse (respectivement + 10 points, 9 points et 8 points).

5. La "tension au travail" reste à un niveau élevé.

Le questionnaire de Karasek (soumis aux salariés de l'enquête via l'auto-questionnaire) permet d'appréhender la "tension au travail" ("job strain" en anglais), c'est-à-dire lorsqu'une forte charge psychologique est associée à une faible latitude décisionnelle. 

Cette "tension" se stabilise à un niveau élevé : après avoir augmenté de 3 points entre 2003 et 2010, ce qui représentait une forte hausse, le score issu du questionnaire de Karasek se stabilise en 2017. "La tension au travail augmente dans les secteurs qui étaient les moins exposés en 2010, comme l'agriculture et la construction, alors qu'elle diminue dans l'industrie, secteur le plus concerné en 2010". Une situation qui est, rappellent les auteurs, "prédictive de la dépression, de troubles cardiovasculaires ou de troubles musculo-squelettiques".

 

Des données récupérées auprès de 26 500 salariés

1994, 2003, 2010, et désormais 2017 : la vaste enquête Sumer a pour objectif de régulièrement dresser une cartographie des expositions des salariés aux principaux risques professionnels et de voir leur évolution au fil du temps. Le recueil des données a été effectué d'avril 2016 à septembre 2017, via 1243 médecins du travail qui se sont portés volontaires, auprès de 26 500 salariés du secteur privé et des trois versants de la fonction publique, représentant près de 25 millions de salariés.

Les résultats proviennent à la fois du questionnaire principal, rempli par le médecin du travail, qui a pu prendre le temps de se rendre dans l'entreprise avant de finaliser ses réponses, ainsi que sur un auto-questionnaire soumis au salarié durant son attente avant la visite médicale.

 

 

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Élodie Touret
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