Dans sa rédaction actuelle, issue de la commission des affaires sociales, le projet de loi travail prévoit notamment que l’employeur n’ait que 15 jours pour saisir le juge en cas de désaccord avec le CHSCT sur le recours à l’expertise. Le syndicat des experts est plutôt satisfait des évolutions.
"La solution trouvée par les ministères du Travail et de la Justice de faire juger en premier et dernier ressort par le juge judiciaire la contestation par l’employeur d’une délibération sur une expertise signifie qu’il n’y aura plus d’appel. C’est de nature à réduire les contentieux", estime Dominique Lanoë, président du SEA-CHSCT, syndicat des experts agréés CHSCT créé en janvier 2015 (voir notre article). Réunis pour la première fois en assemblée générale alors que les députés de la commission des affaires sociales finissaient d’examiner le projet de loi travail, le 7 avril 2016, les experts étaient plutôt satisfaits de la version qui ira désormais en séance publique. Le délai de 10 jours donné au juge pour rendre sa décision satisfait aussi les cabinets. Tout comme l’ajout par la commission des affaires sociales d’un délai de 15 jours au-delà duquel un employeur ne pourra plus contester la délibération du CHSCT lançant l’expertise. "Un délai de 5 jours, comme le demandait la CFDT, aurait été trop court et des employeurs auraient pu faire un recours par réflexe. Quinze jours, cela va donner le temps aux parties de discuter et d’examiner le fond avant toute décision de contestation", se félicite François Cochet, responsable des activités santé au travail de Secafi et vice-président du SEA-CHSCT.
L’article 17 du projet de loi vise à remédier à l’inconstitutionnalité du dispositif actuel qui oblige l’employeur à payer les frais d’honoraires de l’expert lorsque la délibération du CHSCT à l’origine de l’expertise est annulée par le juge : en novembre 2015, le Conseil constitutionnel a en effet jugé que l’employeur est actuellement privé de l’effectivité de son droit de recours en raison de "la combinaison de l’absence d’effet suspensif du recours et de l’absence de délai d’examen de ce recours" (voir notre article). "La priorité est de garantir aux employeurs le droit à une contestation effective de l’expertise demandée par le CHSCT, sans pour autant porter atteinte au déroulement de l’expertise demandée par le CHSCT", explique le député rapporteur du projet de loi Christophe Sirugue.
HSE
Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement.
Pour ce, le texte joue sur deux curseurs : des délais de contestation de l’expertise par l’employeur encadrés, tout comme les délais juridictionnels, et une révision des modalités de prise en charge des frais de l’expertise en cas d’annulation de la décision du CHSCT en dernier ressort par le juge. Lorsque l’expertise est liée à un PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) ou une restructuration, le code du travail prévoit déjà des délais particuliers, donc rien ne change : l’employeur doit saisir l’autorité administrative tant que celle-ci ne s’est pas encore prononcée sur la validité ou l’homologation du plan, qui a alors 5 jours pour rendre une décision, qui peut ensuite être contestée auprès du tribunal administratif, en premier ressort, auprès de la cour administrative d’appel ou, en cassation, auprès du Conseil d’État. Les changements apportés par le projet de loi concernent les expertises CHSCT en cas de risque grave ou de projet important modifiant les conditions de santé, de sécurité ou de conditions de travail.
Voici le détail de ces modifications, à partir du code du travail actuellement en vigueur. Vous pouvez cliquer sur les deux images pour les agrandir. En gras figurent les ajouts prévus par le gouvernement dans le projet de loi, ceux qui sont soulignés proviennent de la commission des affaires sociales. Au final, le texte est celui qui sera examiné par les députés à partir du 3 mai dans l’Hémicycle.
► 15 jours pour contester et expertise suspendue. Lorsque l’employeur voudra contester – il aura 15 jours pour le faire – la nécessité de l’expertise, la désignation de l’expert, l’étendue ou le délai de l’expertise, le juge devra statuer en premier et dernier ressort dans les dix jours suivant sa saisine, alors qu’il n’est actuellement soumis à aucune contrainte de temps. Et puisque les délais sont resserrés, la saisine du juge aura pour effet de suspendre, jusqu’à l’expiration du délai de pourvoi en cassation, à la fois l’exécution de l’expertise et les délais de consultation du CHSCT ou de l’instance de coordination.
► Contestation du coût de l’expertise, avant ou après la facture. Selon Christophe Sirugue, si un article spécifique a été créé par le gouvernement pour contester le coût de l’expertise, "alors que celle-ci relevait jusqu���alors de la même procédure que celle applicable à la contestation de la nécessité de l’expertise", c’est parce que "le coût final de l’expertise ne peut, dans la plupart des cas, être contesté qu’a posteriori, c’est-à-dire après la remise du rapport par l’expert". On lui aurait cependant indiqué que "le texte pourrait être complété en prévoyant la possibilité que la contestation a priori porte sur le coût prévisionnel de l’expertise, telle qu’elle peut ressortir notamment du devis fourni par le cabinet d’expertise". C’est chose faite : deux amendements ont permis de préciser que l’employeur peut contester le coût prévisionnel d’une expertise dès le début de la procédure, sans attendre la facture finale, et qu’il peut aussi contester le coût final, une fois qu’il a la facture.
► Quand l’expertise est définitivement annulée : le CE peut payer. En cas d’annulation définitive par le juge de la décision du CHSCT ou de l’instance de coordination, l’expert devra désormais rembourser à l’employeur les sommes perçues. Mais, prévoit le projet de loi, le comité d’entreprise (CE) pourra décider "à tout moment" de prendre en charge le remboursement des sommes perçues par l’expert, au titre de sa subvention de fonctionnement. Une phrase qui choque le syndicat des experts CHSCT : pas question pour eux de demander à un CE de prendre en charge les frais d’expertise, ni de demander à cette instance de se porter caution en cas d’annulation de la délibération du CE, jurent-ils. "C’est une question d’éthique", tranche Dominique Lanoë qui craint que l’employeur n’en profite pour faire pression sur le CE pour qu’il prenne en charge les expertises du CHSCT. "Nous n’étions pas du tout demandeur d’une telle disposition. Si le législateur croit résoudre notre problème d’honoraires en cas d’annulation de l’expertise avec cette solution, il se trompe, cela ne nous satisfait pas", renchérit François Cochet. Rendez-vous dans l’Hémicycle à partir du 3 mai pour voir si ce point peut bouger.
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