Saisi par quatre eurodéputés et par un chercheur indépendant, le tribunal de l’Union européenne vient de décider que les études industrielles relatives à la toxicité et la cancérogénicité du pesticide doivent être rendues publiques. L'Efsa avait jusqu’alors refusé l’accès à ces données au motif d’une atteinte aux secrets commerciaux et financiers des fabricants.
Ces deux arrêts du 7 mars 2019 du tribunal de l’UE sur la transparence des études réalisées par les fabricants des produits contenant du glyphosate devraient faire date : les études industrielles relatives à la toxicité et la cancérogénicité du glyphosate doivent être rendues publiques.
"Il est question d’une victoire réellement historique ! Cette décision constitue une inversion de la tendance générale à faire primer les intérêts commerciaux et financiers sur le droit à l’information, l’évaluation strictement scientifique et l’intérêt général", déclare Michèle Rivasi, députée au Parlement européen pour le groupe Verts/Alliance libre européenne (ALE).
Le glyphosate, contenu dans le Roundup de Bayer-Monsanto mais aussi dans d’autres produits phytopharmaceutiques, est l’herbicide le plus utilisé au monde. En dépit des alertes des scientifiques, de la société civile et de certains parlementaires, son autorisation a été renouvelée en 2017 dans l'UE sur fond de vive controverse scientifique quant à son caractère potentiellement cancérogène. Le produit a été classé en mars 2015 comme "cancérogène probable" pour l’homme par le Circ (centre international de recherche sur le cancer).
Mais cette expertise scientifique a été contredite par l’Efsa (autorité européenne de sécurité des aliments). En se basant notamment sur les études confidentielles réalisées par les fabricants, l’agence européenne a conclu qu'il est "improbable que le glyphosate constitue une menace cancérogène pour l'homme". Les études des industriels ne sont pas publiées dans leur intégralité, elles ne peuvent de fait être critiquées par la communauté scientifique.
Bataillant pour accéder à ces données confidentielles, Michèle Rivasi et trois autres du groupe Verts/ALE ont déposé plainte contre l’Efsa en mai 2017 devant le tribunal du l’UE. De son côté, le chercheur Anthony C. Tweedale, soutenu par la Suède, a également déposé plainte en 2014 afin d’obtenir la communication d’autres études de toxicité.
HSE
Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement.
Les requérants demandaient l’accès à l’ensemble des données des industriels afin que celles-ci puissent être évaluées par des scientifiques indépendants. La demande des eurodéputés portait notamment sur les résultats non publiés de la cancérogénicité du glyphosate. Celle d’Anthony C. Tweedale concernait deux études utilisées pour déterminer la dose journalière admissible (DJA) du glyphosate.
Pour justifier leur requête devant le tribunal, les requérants se sont appuyés sur les dispositions règlementaires de l’accès au public à l’information, plus particulièrement aux informations sur l’environnement précisées dans la convention Aarhus. Cette convention signée en 1998 consacre notamment le droit aux informations ayant trait à l’émission de polluants dans l’environnement.
Dans ses deux arrêts du 7 mars, le tribunal de l’UE souligne que la protection des intérêts commerciaux des industriels ne peut être opposée à la divulgation au public d’informations sur les émissions de glyphosate dans l’environnement. "Les études demandées sont des études visant à établir la cancérogénicité ou la toxicité d’une substance active effectivement présente dans l’environnement", précise un communiqué du tribunal.
La divulgation de ces études présentant selon la juridiction européenne "un intérêt public supérieur" aux intérêts commerciaux des fabricants, le tribunal a annulé les décisions de l’Efsa refusant l’accès à ces données.
Passé le délai de deux mois pour former un pourvoi contre cette décision, l’agence européenne devra communiquer les études en question aux parties requérantes. Celles-ci auront alors le loisir de les rendre publiques. "L’Efsa pourra utiliser ce jugement pour se protéger contre les menaces de procès des firmes lorsqu’il s’agira à l’avenir de dévoiler le contenu d’autres études scientifiques", se réjouit Michèle Rivasi.
Les décisions du tribunal de l’UE suivent de quelques semaines l’adoption par le Parlement européen du rapport de la commission spéciale sur la procédure d’autorisation des pesticides (Pest) ), mise en place à la suite du renouvellement controversé de l’autorisation du glyphosate et de l’initiative citoyenne européenne Stop Glyphosate.
Adopté le 16 janvier à une très large majorité, le rapport de la commission Pest recommande notamment d’améliorer la transparence et la qualité des études sur les pesticides avant d’autoriser leur utilisation en Europe.
"Nous préconisons que les études produites par les industriels soient rendues publiques", explique Éric Andrieu, eurodéputé français (PS) et président de la commission Pest. Pour le Parlement européen, cette transparence des études devrait en effet permettre "une surveillance indépendante".
Par ailleurs, les eurodéputés estiment que les études scientifiques académiques devraient "avoir une force probante équivalente" aux études fournies par les industriels lors des procédures d’évaluation par les autorités. Ces études indépendantes sont très rarement prises en compte lors de ces procédures.
Reste à savoir ce que fera la Commission européenne des recommandations des parlementaires, mais la décision du tribunal de l’UE sur les études glyphosate pourrait bien faire pencher la balance.
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