Exposome et substances chimiques : une nouvelle vision de l'évaluation des risques

Exposome et substances chimiques : une nouvelle vision de l'évaluation des risques

27.11.2019

HSE

Dans le cadre de la recherche sur l’exposome, les chercheurs de l’Ineris élaborent des modèles biomathématiques pour prédire les effets toxiques des expositions aux substances chimiques sur les différents tissus humains. Les premiers résultats interrogent la pertinence des données de biosurveillance classiquement utilisées pour mesurer l’imprégnation des populations. Développés initialement pour mieux connaître les risques associés aux pollutions environnementales, ces outils de toxicologie pourraient aussi être utilisés pour évaluer les expositions professionnelles.

Le concept d’exposome a été introduit en France par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.  C’est l’une des priorités du 4e plan national santé-environnement (PNSE) en cours d’élaboration. L’exposome englobe toutes les expositions environnementales au cours de la vie : chimiques, physiques, biologiques, psychologiques mais aussi socio-économiques. Contrairement au génome, c’est une entité très variable et dynamique qui évolue tout au long de la vie. Par extension, certains parlent aujourd’hui d’un "exposome professionnel", c’est-à-dire l’ensemble des expositions au cours de la vie professionnelle.

"Si elle doit permettre une meilleure évaluation des risques, la prise en compte de ces déterminants externes de la santé ouvre de nouveaux challenges", explique Éric Thybaud, responsable du pôle "dangers et impact sur le vivant" à la direction des risques chroniques de l'Ineris, au cours d’un débat organisé le 3 octobre 2019 à Paris avec les ONG. Il faut par exemple évaluer les effets des différentes voies d’exposition (ingestion, inhalation, contact cutané) ou encore les effets cumulés des différentes expositions. Les connaissances en la matière sont encore faibles.

Modélisation toxicocinétique PBPK

Pour "agréger" les différentes voies d’expositions à une substance chimique donnée, c’est-à-dire prendre en compte en même temps les expositions par ingestion, inhalation ou contact cutané, les chercheurs de l’Ineris ont évalué l’intérêt des modèles physiologiques toxicocinétiques PBKP (Physiologically-Based PharmacoKinetic), notamment utilisés pour la recherche et le développement de nouveaux médicaments. Ces modèles biomathématiques permettent de décrire le devenir des substances chimiques (administration, distribution, métabolisme, excrétion, accumulation…) dans l’organisme humain.

Céline Brochot, chercheure à l’Ineris, a testé ce modèle chez les enfants exposés au plomb ou encore aux composés perfluorés. "Notre méthodologie permet d’intégrer les expositions provenant de plusieurs voies d’entrée du corps mais aussi d’évaluer les effets de ces expositions dans les tissus cibles, là où l’action toxique a lieu", explique-t-elle.

Les résultats sur les composés perfluorés ont été comparés aux biomarqueurs (concentrations urinaires, sanguines…) collectés lors des études de biosurveillance. "Nous avons des profils d’exposition très différents avec une même valeur de mesure dans le sang. Des niveaux de biomarqueurs similaires peuvent correspondre à de grandes différences au niveau des expositions", met en garde Céline Brochot.

"Prévision des risques"

La modélisation PBKP est aussi utilisée, couplée avec d’autres mesures, dans le cadre de l’étude CartoExpo sur les expositions de la population aux produits phytosanitaires. Mais il faudra encore croiser les données d’expositions avec les données de santé.

"Les différentes approches de biosurveillance sont complémentaires des études épidémiologiques, estime Eric Thybaud. En matière d’épidémiologie, il faut souvent attendre 15-20 ans avant d’avoir des résultats. Avec ce type d’approches, nous sommes plutôt dans le domaine de la prévision des risques."    

Des outils transposables en milieu professionnel

Si ces outils sont développés pour évaluer les risques en population générale à partir notamment de l’expertise sur les substances chimiques de l’Ineris, ils pourraient aussi être utilisés à terme dans le monde du travail.

"Les expositions professionnelles sont totalement intégrées dans le concept d’exposome. Il s’agit d’une approche globale intéressante, sur laquelle encore peu d’organismes de recherches travaillent", précise le toxicochimiste André Picot, directeur de recherche honoraire du CNRS et expert français honoraire auprès de l’UE pour les produits chimiques en milieu de travail.

Même si les VLEP sont différentes des valeurs toxicologiques de référence (VTR), il existe des ponts entre ces deux types de valeurs. Les chercheurs de l’Ineris travaillent par ailleurs sur les expositions aux nanoparticules, les effets émergents pour la santé humaine à travers le réseau international de surveillance Norman, ou encore sur les approches "multi-résidus" pour évaluer les expositions cumulées à de nombreuses substances chimiques. Ce sont autant de travaux de recherches qui devraient à terme déboucher sur une meilleure connaissance des risques professionnels.

 

► Lire aussi : 

Le nouveau plan santé-environnement veut que "l'exposome" soit mesuré (octobre 2014)

 

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Joëlle Maraschin
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