Le projet de loi de transformation de la fonction publique prévoit que le gouvernement réforme par ordonnance les règles en matière de complémentaire santé, médecine de prévention, aptitude, et mi-temps thérapeutique. Le fonctionnement des instances médicales devrait aussi être simplifié. Le vote à l'Assemblée nationale a lieu aujourd'hui.
"Le risque est de mutualiser la misère". Carole Chapelle, de la CFDT Fonctions publiques, n’est pas radicalement contre l’idée que plusieurs organismes publics se partagent un médecin, mais met en garde contre les dérives. La mutualisation des services de médecine de prévention entre les trois versants de la fonction publique est prévue par l'article 17 du projet de loi de transformation de la fonction publique débattu en ce moment à l'Assemblée nationale.
Elle peut surprendre quand on sait que la fonction publique manque, tout comme le secteur privé, de médecins du travail. Des témoignages laissent même penser que la situation y est encore plus inquiétante. Un rapport de l'IGA (inspection générale de l'administration), Igas (inspection générale des affaires sociales), IGAENR (inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche) de 2014 déplorait le manque de données chiffrées sur la question. "Peu d’équipes pluridisciplinaires sont mises en place. Souvent, le médecin suit beaucoup plus d’agents que ce qu’il devrait, n’a pas le temps d’exercer son tiers temps", observe en tous cas Carole Chappelle, en charge des dossiers QVT santé sécurité. "Mais il est vrai que certaines petites collectivités ont un médecin pour peu d’agents", concède-t-elle.
La mutualisation existe déjà pour la fonction publique territoriale, via les centres de gestion, dont les trois quarts proposent une offre de service en médecine de prévention. Recommandée par la mission de l'IGA, Igas et IGAENR, elle est expérimentée depuis 2017 en Auvergne-Rhône Alpes et Normandie. Elle "n’a pas pour objectif de faire des économies : il s’agit avant tout de couvrir l’ensemble des personnels", assure l'administration.
Le même article du projet de loi prévoit d’habiliter le gouvernement à recourir aux ordonnances pour "simplifier les règles applicables aux agents publics relatives à l’aptitude physique à l’entrée dans la fonction publique". À son entrée dans la fonction publique d’État, l'agent doit passer un examen médical auprès d'un médecin généraliste agréé destiné à vérifier son aptitude générale à exercer un emploi public. "Il semble que, mis à part quelques corps et cadres d’emplois spécifiques, l’utilité de cette condition d’aptitude est relative", note la rapporteuse du projet de loi.
Que souhaite modifier le gouvernement dans cette procédure ? Dans les débats à l'Assemblée nationale, le secrétaire d'État Olivier Dussopt n' pas donné plus de détail, a renvoyé à la mission de la députée LREM Charlotte Lecocq en cours, mais s'il suit les recommandations de la mission de l'IGA, Igas IGAENR, l'idée serait de maintenir cette visite uniquement pour certains agents présentant des caractéristiques opérationnelles (police, sapeurs-pompiers…) et/ou ayant des fonctions en relation avec la santé et la sécurité des personnes.
HSE
Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement.
Il est aussi prévu de simplifier, toujours pas ordonnance, les règles applicables "aux différents congés et positions statutaires pour maladies d’origine non professionnelle ou professionnelle ainsi qu’aux prérogatives et obligations professionnelles des agents publics intervenant dans les dossiers d’accidents du travail et de maladies professionnelles" et de "simplifier l’organisation et le fonctionnement des instances médicales".
Ces instances sont les commissions de réforme, qui doivent décider des reconnaissances d'accident de service (équivalent d'accident du travail) et maladie professionnelle, et les comités médicaux, chargés de se prononcer sur les prolongations d'arrêt maladie ou les reclassements. Or, "les délais de procédure sont anormalement longs", observe la rapporteuse du projet de loi. Un constat partagé par Carole Chapelle.
Dans un rapport de 2017, les inspections, qui déploraient "un formalisme excessif" de ces instances, proposaient quatre scenarios de réforme du dispositif qui date de 1986 et a été modifié en 2017. Deux conservent la logique générale en diminuant les activités des structures, les deux autres se rapprochent du régime général. Délester ces instances de certaines prérogatives risque de ne pas plaire à tout le monde. Dans ce même rapport, les auteurs rapportaient que les acteurs rencontrés restent "attachés à ces structures jugées indépendantes, neutres et préservant le secret médical".
Ce qui a le plus fait de bruit, notamment chez les syndicalistes, est le passage du projet de loi qui prévoit de réformer, toujours par ordonnance, les règles concernant le financement de complémentaire santé des fonctionnaires par leur employeur. Certains députés ont critiqué que l’étude d’impact du projet de loi ne calcule pas le coût de cette mesure. "Les impacts budgétaires de la redéfinition de la participation des employeurs à la protection sociale complémentaire des agents seraient majeurs et s’élèveraient à plusieurs centaines de millions d’euros au total et toucheraient notamment les collectivités. Ainsi, le coût de l’extension de la complémentaire santé pourrait aller de 40 à 400 millions d’euros pour la seule Fonction Publique Hospitalière selon les solutions choisies", d’après les estimations de deux députés LREM.
Par ailleurs, le gouvernement souhaite étendre les possibilités de recours au temps partiel thérapeutique pour favoriser le maintien en emploi, toujours en procédant par ordonnance. Le texte prévoit aussi de transposer au public les règles du privé en matière de congé de maternité, de congé pour adoption, de congé de paternité et d’accueil de l’enfant et de congé de proche aidant.
L'article 3 du projet de loi prévoit la fusion des CHSCT et des comités techniques. Pour Olivier Dussopt cette évolution répond "à la nécessité d'un pilotage plus stratégique de la transformation des politiques de ressources humaines" et elle permettrait, assure-t-il, "un échange plus constructif et plus global sur tous les aspects liés à l'organisation et au fonctionnement des services".
Les CHSCT dans la fonction publique ne datent que de 2011. En 2017, le Plan d’action pluriannuel pour une meilleure prise en compte de la santé et de la sécurité au travail dans la fonction publique (sorte de Plan santé au travail du secteur public) prévoyait d'améliorer leur fonctionnement en élargissant les cas de réunion CHSCT obligatoire, en formant leurs présidents et en encourageant les visites de sites.
Enfin, l'article 18 du projet de loi veut harmoniser le temps de travail dans la fonction publique territoriale. Le texte projette de mettre fin aux régimes dérogatoires. Les collectivités et établissements publics concernés devraient disposer d’un délai d’un an à compter du prochain renouvellement des exécutifs locaux pour définir de nouvelles règles relatives au temps de travail des agents.
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